#2274

Lorsque j’ai pris la décision de déménager à Bordeaux, je travaillais avec l’illustratrice Amandine Labarre sur un bel album de fantasy dont le texte très miyazakien est par son frère Nicolas (les Moutons publient cela en novembre prochain). Et Amandine de me dire « oh mais sais-tu que Nicolas habite à Bordeaux ? ». Ah oui, en effet: juste deux rues derrière chez moi, en fait, nous sommes voisins ! Un voisinage fort agréable avec cet universitaire spécialisé dans la BD, qui m’a fait le chapitre sur Moorcock pour le Panorama et est censé me préparer un autre roman. Il dessine, aussi, et il écrit bien sûr. Genre, cet intéressant papier sur ses récentes recherches sur le lien Métal Hurlant / Heavy Metal.

#2270

Je confiais il y a peu que l’un de mes « péchés mignons » de lecture est le roman policier de l’âge d’or, principalement l’entre-deux guerres. Un autre de mes péchés de lecture, de mes « marottes » si vous préférez, est la biographie, la bonne grosse bio épaisse, de préférence bien sûr d’un écrivain, et même si possible d’un écrivain de polar, de fantastique ou de merveilleux…

J’ai l’impression que la bio d’artiste est un genre littéraire plus développé outre-Manche qu’ici, même si un Assouline s’en est fait chez nous une belle spécialité et que, tout de même, la bio de Camus par Olivier Todd est la plus épaisse qui fasse ployer mes étagères. Il y a maintenant longtemps que j’en lis, de ces énormes bio, car c’est le sieur P. M. qui le premier m’avait suggéré dans le temps d’en lire une, celle de T. H. White par Sylvia Towsend Warner — j’en profita d’ailleurs pour découvrir alors l’œuvre de la dame, nouvelliste à la grâce fragile et pour moi très précieuse. Dans la foulée, si mes souvenirs sont bons (et personne n’ira me contredire s’ils ne le sont pas), j’avais lu deux minces bio de Tolkien et de Lewis — je suis d’ailleurs très surpris que personne, depuis, n’ait encore livré une biographie vraiment développée de ce cher JRR, apparemment. Je découvris la passion bien anglophile d’André Maurois pour l’art de la bio — Shelley, les Dumas, Disraeli, pas encore lu son Chateaubriand ni son Byron —, Assouline donc — Hergé, Simenon, Gallimard — et puis en anglais : des vies de AA Milne, Frances Hodgson Burnett, Wordsworth & Coleridge, Kipling, Ruskin, puis avec les travaux en prélude du Panorama je plongeais dans les bios d’Andersen, Peake, Rossetti, Barrie, Shepard…

J’ai également eu l’occasion de faire se rencontrer mes deux péchés, avec des bio d’Agatha Christie, de Conan Doyle, de Rex Stout et de Dorothy Sayers… Et ces dernières semaines, j’ai lentement dégusté un livre récent que l’on croirait fait tout exprès pour moi : The Golden Age of Murder de Martin Edwards. À la fois étude et bio sur la vie, les sources, le contexte et l’œuvre des écrivains policiers membres entre les deux guerres du fameux Detection Club de Londres. Je ne pensais pas lire un jour un essai aussi complet sur ces noms du polar Golden Age pour moi synonymes d’heures de lecture réjouie, tels Wade, Rhodes, Connington, Punshon, Kennedy, Berkeley, Knox, Whitechurch, Woodthorpe, et bien sûr Sayers, Allingham… Et de pousser l’amour du genre jusqu’à évoquer tant d’autres de ces petits joyaux oubliés du roman policier, les crimes réels les ayant souvent inspirés,  la vie du club, les secrets enfouis sous les exigences de la vie sociale du temps… Un portrait de groupe, fouillé et passionnant, l’instantané d’une époque qui me fascine et de créateurs généralement humbles mais, selon moi, essentiels. Du plaisir intellectuel, grand.

#2266

Je ne vous dis pas tout.

Non, je ne vous dis pas tout ce que je lis. Je commente ici mes lectures, de manière assez régulière, en guise d’aide-mémoire essentiellement, mais cela ne représente finalement qu’une partie de mes lectures, celles justement dont je me dis qu’il peut être utile que je les note. En cela, je pratique une sorte de hiérarchie dans mes goûts, sans doute un peu injuste. Je ne parle guère de bande dessinée — non seulement parce que j’en lis beaucoup moins qu’auparavant, mais aussi parce que je n’en éprouve pas la nécessité ni la capacité de commentaire, j’ai relu il y a quelques soirs un « Benoît Brisefer » et qu’en dirai-je ? Et des « Fantomius », ce personnage italien des Mickey Parade, dont je viens de lire deux nouveaux épisodes ? Ou de la série « Jérôme K. Jérôme Bloche » sur laquelle je rattrape peu à peu mon retard et qui est toujours aussi agréable ?

J’ai évoqué un petit peu le fait de pratiquer en ce moment une diète presque exclusive de « Maigret ». Il y a plusieurs raisons à cet étrange régime livresque : tout d’abord, une sorte de raison psychologique, à savoir que m’étant trouvé dans un épisode comme j’en ai de temps à autre, à savoir une excessive nervosité, j’éprouvais le besoin d’une lecture calme, apaisante, sans heurts ni trop de tensions. Contrairement à ce que son image de pesant grognon peut laisser à penser, le personnage de Maigret est en fait une figure assez lumineuse, souvent il est tranquillement joyeux, soulevé par le beau temps ou une agréable atmosphère, et s’il est confronté à la misère humaine il est souvent léger, toujours attentif aux autres, d’une immense bonté l’air de ne pas y toucher. Et puis, m’amusent également les détails « rétro », par exemples les gros bus verts à plateforme, quantité d’éléments du quotidien qu’il nous faut aujourd’hui faire un effort quasi culturel pour comprendre et visualiser. Ma cure de « Maigret » possède aussi une raison plus « écriture », en ce quelle constitue une discrète observation de la manière d’écrire et de construire de Simenon, afin d’essayer de la capter, de l’analyser en vue d’un projet d’écriture. Enfin et tout simplement, en vérité le roman policier constitue au moins la moitié de mes lectures en toutes saisons. Je n’en parle guère, du polar, mais j’en dévore !

Dans mon bureau, le plus long mur est occupé par les rayonnages de mainstream/fantasy/science-fiction, mais l’autre mur, les étagères noires, est surtout consacré au polar. Ayant toujours aimé Christie, Doyle, Leblanc et autres Stout, je me suis mis depuis quoi ? une douzaine d’années ? à entasser et lire du roman policier ancien, pas tellement du victorien comme l’aime JDB mais plutôt de l’entre-deux-guerres, du « Golden Age Crime ». J’ai bien du évoquer ici l’intense admiration que je me suis mis à concevoir pour Dorothy L. Sayers, Margery Allingham et Nicholas Blake, mais je lis bien d’autres de ces auteurs des années 20-30, je ne cesse de piocher dans ma bibliothèque afin de lire un Punshon, un Connington, un Wade, un Noël Vindry, un Daly King ou une Dorothy Disney… Je dévore cela comme l’on croque une friandise, et ne parlons même pas des auteurs récents, les Fowler, Rankin, Robinson, James, Grimes, etc. Plus une dose régulière de pastiche holmésien, bien sûr. Il y a tant à lire ! Tenez, figurez-vous que je n’ai quasiment encore jamais lu de Carter Dickson / John Dickson Carr, pourtant un immense auteur de roman policier. J’y viendrais. Il reste encore un tout petit peu de place sur les étagères noires.

Je ne commente guère non plus les essai que je lis ou que je consulte, les biographies idem… Mais en ce moment, je me délecte d’un essai / biographie que Martin Edwards vient justement de consacrer au roman policier de l’âge d’or, The Golden Age of Murder. Il y étudie la vie, l’oeuvre et l’inspiration des écrivains qui faisaient partie du Detection Club, le groupe anglais des grands auteurs du genre. Dire que je jubile est un euphémisme.

#2261

D’habitude je lis (au moins) deux romans à la fois : un « en bas », dans le bureau ou au salon le matin et souvent le soir, et un « en haut », dans ma chambre le soir après m’être couché. Mais en ce moment je bosse tellement, sur le Panorama bien sûr et avec toute la gestion habituelle des Moutons, que je n’ai guère le temps/l’énergie pour un « livre d’en bas » en dehors d’un peu de bédé… Je poursuis donc mon trip Maigret du soir, là je m’amuse de Maigret s’amuse

« Il attendit patiemment qu’elle eût fait la vaisselle et il fût même sur le point de l’aider. » Ah oui quand même, bel effort monsieur Maigret ! 🙂

#2260

En ce moment, je suis obsessionnellement axé sur le Panorama, l’énorme ouvrage sur la fantasy et le merveilleux que je prépare pour les Moutons électriques. Des 416 pages envisagées au tout début, on s’achemine tranquillement vers les 640 pages au final. J’en maquette entre 6 et 16 pages par jour ; impossible de faire plus, pour être apparemment très simple, très sobre, un tel travail de mise en page demande un sacré boulot en réalité. Et du coup, l’univers semble comploter pour me faire croiser des « signes » directement liés au Panorama… Je suis certain que savants comme vous l’êtes l’un d’entre vous saura me sortir le terme spécifique pour ce phénomène des hasards pas du tout hasardeux que nous réserve notre attention.*

Ainsi par exemple, hier mettant à jour le nouveau logiciel Mac de traitement des photos, je suis tombé sur un cliché pris il y a quelques années à Brooklyn dans l’idée vague d’illustrer un papier du Panorama lors de sa possible réédition… (et ça marche) Ou bien sur Amazon, soudain l’on me signale qu’existe en DVD le film de Greenaway Prospero’s Book que je voulais revoir depuis longtemps et que je cite, bien sûr, dans le Panorama. Et le plus fort, j’ai trouvé ces dernières semaines dans les « boîtes à lire » deux Italo Calvino que la mise en page de l’article de Berthelot m’avait donné envie de relire… Si par une nuit d’hiver un voyageur dans l’édition de poche que j’avais étant étudiant, et Le Baron perché dans un beau cartonnage illustré par Nascimbene, chouette!

Du coup, je les ai relus. Pour retrouver hélas mon impression mi-figue mi-raisin d’autrefois: à la fois j’aime, je m’amuse, c’est très beau… et je ne suis pas entièrement convaincu, cette littérature-là me laisse en dehors. Je ne participe pas pleinement à la fiction car l’auteur lui-même se refuse à le faire, on sent bien qu’il ne s’agit surtout pas de littérature de genre, soyons sérieux s’il vous plaît même lorsque l’on donne dans la fantaisie (et non la fantasy). L’auteur ne joue pas le jeu et par conséquent le tout demeure un peu froid, ou un peu sec, j’imagine que c’est là le degré de « folie » maximum qu’accepterait un public de vieilles bibliothécaires et d’intellos entartrés. Je ressens la même retenue un peu bon chic bonne littérature chez Peter Carey ou Steven Millhauser : dommage, de mon point de vue. Un peu la même différence entre Littérâture et fantasy qu’il y aurait entre le jâââzz et le jazz-rock…

* Il s’agit d’un phénomène d‘apophénie.