#11

Emanuel Swedenborg est un savant et théosophe suédois, né à Stockholm en 1688, qui après des études de sciences exactes et des voyages à travers l’Europe, durant lesquels il rédigea plusieurs ouvrages savants en latin, eut une révélation à Londres en 1743: le Christ lui apparut et lui donna l’ordre de fonder une Église. Ce à quoi il s’employa désormais, tout en écrivant de multiples ouvrages où il s’efforça de démontrer avec une rigueur toute mathématique qu’il faut aller à Dieu par la force des choses. Il pensait correspondre avec les « esprits » et publia le résultat de ses entretiens avec eux. Celui que l’on nomme le « Prophète du nord » visait en quelque sort à édifier une histoire naturelle du monde surnaturel. Il mourut à Londres en 1772.

Pourquoi je vous raconte ça?

Parce qu’étant en séjour à Londres il y a quelques mois de cela, je suis passé plusieurs fois devant le fier bâtiment d’une certaine « Swedenborg Society », et me suis demandé de quoi il pouvait bien s’agir… D’autant que les ouvrages exposés dans la vitrine ne me semblaient guère parlant – tout juste pouvais-je supputer qu’il devait s’agir d’une société philosophico-ésotérique… Quelques recherches, une fois de retour chez moi, me livrèrent donc les clefs de ce (petit) mystère.

Curieusement, ce séjour londonnien fut passablement marqué par la philo…

Rentrant un soir à mon hôtel, je suis passé par une ruelle de l’université (qui tend à envahir peu à peu tout le quartier de Bloomsbury). Et là, au croisement de deux chemins piétonniers… Non, je ne rêvais pas: la sculpture d’un homme assis au sol, en position du lotus, avec barbe, sari et turban. Abritée dans l’ombre d’un arbre, cette statue m’attira cependant le regard – elle était peinte en turquoise! M’agenouillant devant cette étonnante découverte, je parvins à déchiffrer sur une plaque quelque peu effacée qu’il s’agissait d’un hommage à un philosophe tamoul.

Only in London… 🙂

Le nom du philosophe tamoul? Tiruvalluvar. Et les merveilles du web sont ainsi faites qu’on peut y dénicher les dix premiers chapitres de la grande oeuvre de Tiruvalluvar, le poème Tirukkural

#9

Amis du steampunk, bonjour! Il paraît que les bons vieux Zeppelins vont peut-être reprendre du service – avec une nouvelle jeunesse. D’ores et déjà, un Zeppelin new look vient de prendre son service au-dessus du lac de Constence pour des vols de plaisance, et une compagnie allemande prépare l’avenir:

A new breed of hi-tech giant airships planned by a German company could be the heavy lift aircraft of the future.

The CargoLifter is intended to carry payloads of up to 160 tonnes – about the weight of 27 full-grown African elephants – at a speed of 100 km/h (62 mph) and a maximum height of 2,000 metres (6,500-feet) non-stop over several thousand kilometres.

Filled with 500,000 cubic metres (17.6 million cubic feet) of non-flammable helium, the airship will be 260 metres (850-feet) long and is designed to carry large loads to remote locations.

According to the German company behind the airship the CargoLifter will not need a landing strip and will have more endurance than a conventional aircraft.

To enable the craft to carry heavy weights the manufacturers have come up with a new design.

The large Zeppelins built early in the last century could carry big loads but they were themselves heavy. To keep them rigid they had a strong metal frame.

It would have taken three Zeppelins the size of the CargoLifter to carry the same payload.

The much smaller ‘blimps’ currently in operation consist of a lighter aerodynamically shaped envelope that, like a balloon, is kept rigid by the pressure of the gas. The pilot, passengers, and engines are carried in a gondola mounted underneath.

The CargoLifter is of a modified semi-rigid design. Like a blimp it has no frame, but to allow it to carry heavy weights the airship has a fixed keel which also houses the cargo bay, the flight deck, crew’s quarters and engines.

(source: BBC News)

Je trouve ça à la fois sidérant & enthousiasmant: c’est un peu comme une rencontre des rêves désuets de la littérature steampunk (dont les dirigeables sont une des principales icônes) et des songes high tech de la SF cyberpunk. On vit une époque formidable! 😉

Et comme je ne suis pas le seul que les dirigeables fassent rêver, à peine avais-je posté sur mon weblog le présent texte, qu’un copain (l’illustrateur de SF Jeam Tag) me donna plein d’adresses… Tout, tout, tout, vous saurez tout sur le sujet:

CargoLifter

Zeppelin NT

Blimps

Fabricant de mini-blimp

Lightships (dirigeables sans structure)

Millenium Airship (un nouveau concept de dirigeable)

#8

Je viens de trouver, au hasard d’une recherche sur tout autre chose, la référence d’un recueil d’études visiblement intéressant: Should We Burn Babar? Essays on Children’s Literature and the Power of Stories, par Herbert R. Kohl.

Le commentaire d’Amazon:

Herbert Kohl, the author of « 36 Children » and, most recently « I Won’t Learn From You and Other Thoughts on Creative Maladjustment », turns his attention to children’s literature and the power of stories in education. The title essay, a consideration of Babar the elephant, raises the question of what to do with a charming and compelling though politically and morally offensive text.

Je n’ai pas lu cet essai , mais ce qui a particulièrement capté mon attention, c’est un commentaire de lecteur, avec lequel je ne peux qu’être d’accord:

The author is caught in the polically correct mindless fad.

The fact that Babar is a King probably confused Mr. Kohl into thinking that he is a « colonialist » and exploiter of the masses. On the contrary, if one reads « Babar the King » it is evident that Babar’s tribe is cooperative and works much on the lines of an Israeli kibbutz. All the members appear to contribute to the work and the benefit from the proceeds. As Marx says, « From each his capabilities, to each his needs. » If anything, I would say that Babar is a socialist. All Babar has to do is instate consensus decision making to make his new community a truely socialistic state, but then the books would never get published. My only criticism of Babar is that the books are not environmentally sensitive, but then, they were written in the early 60’s.

Mis à part le fait que les Babar datent des années 30 (les Babar des années 60 sont ceux du petit-fils, Laurent de Brunhoff, émigré aux USA), il me semble tout à fait exact de parler de socialisme à propos de l’idéologie régnant à Célesteville au temps du Roi Babar. L’auteur lui-même, Jean de Brunhoff, quoique de famille aristo, baignait dans le climat des milieux artistes de son époque et souscrivait aux idées progressistes (bien qu’élitistes) de ceux-ci en matière d’organisation sociale… Sur le sujet, il faut lire un très beau livre: L’art de Babar, paru il y a des années de cela aux éditions Nathan. Outre la reproduction de multiples aquarelles & croquis – démontrant par l’exemple combien les Babar sont aussi une oeuvre d’art -, cet ouvrage retraçait la vie des deux De Brunhoff. Les Babar tendant à être presque plus célèbres aux USA qu’en France, de nos jours, il s’agissait de la traduction d’un ouvrage anglo-saxon, par un certain Nicholas Fox-Weber.

Tiens, faudrait bien que j’écrive un papier sur Babar, moi, ça serait fun. Après tout, c’est en plein dans la fantasy, ce pourrait donc être un sujet à caser chez Faeries

#7

On parle de Cergy-Pontoise aux infos. Pour un acte criminel, hélas/bien sûr. Tristesse.

Cergy-Pontoise, ce fut une utopie. Si: une utopie pompidolienne, d’accord, un rêve des bétonneurs/technocrates des années 1970, mais un rêve quand même…

J’adore l’esthétique seventies. Faut dire que j’ai été élevé dans cette « ville nouvelle » (Cergy-Pontoise), the grand projet fou du président Pompidou (amateur d’ « avant-garde » et de nouveautés sauce seventies s’il en fut: remember Beaubourg), en plein coeur de ces années-là – je garde donc une grande tendresse pour l’architecture seventies. Architecture qui incorporait de nombreux éléments d’utopie: il s’agissait de projets pas « innocents », on voulait changer la société… Même les technocrates y songaient! La mentalité de l’époque était vraiment très « baba », j’en ai des tas de souvenirs précis et amusants. Et encore aujourd’hui, visiter Cergy-Pontoise (le sud, ce qu’ils appellent le quartier Préfecture, maintenant) c’est un petit peu comme de remonter dans le temps, via une architecture et une urbanisation bien caractéristiques.

Une fois par semaine, je vais déjeuner avec la Gang dans un grand quartier de Villeurbanne bâtit dans les années 1970 (Le Tonkin, juste au bord de la fac de la Doua), et alors que la plupart des gens détestent cette architecture, pour ma part j’adore m’y promener. Je trouve un charme étrange & plaisant à cet enchevêtrement de formes arrondies à la Barbapapa, de passerelles, d’escaliers, de cheminements piétons, de verdure, de grands immeubles colorés… Notre société a beaucoup changé depuis les rêves guimauves des seventies, s’est durcie hélas, les riches tendent à quitter les villes et à laisser les immeubles aux pauvres, fracture sociale, problèmes raciaux, intégration, tout ça: les utopies urbanistiques du type Cergy-Pontoise ou Tonkin furent des échecs – pourtant, cette urbanisation-là correspondait à un projet de société, que je trouve toujours très sympathique… On a les nostalgies qu’on peut: moi c’est plutôt L’an 01 que les Sex Pistols, que voulez-vous… 🙂

(L’an 01? Un album de BD signé Gébé, réédité en intégrale belle comme tout chez l’Association, l’année dernière. Lecture datée mais captivante, un témoignage malin & tendre sur l’utopie d’une époque)