#72

Lu: Papier Peint, par Christopher (chez La Comédie Illustrée).

Il s’agit d’une bande dessinée, deuxième tome de la série « Les Filles », par un dessinateur anglo-marseillais (!) vivant à Tours & auto-édité. Pas de grande aventure, pas non plus de super-pépées aux nibars surgonflés, non, ce n’est pas de la « bédé », mais bien de la bande dessinée, c’est-à-dire une oeuvre d’auteur, qui ne prend pas ses lecteurs pour des crétins. C’est la vie quotidienne d’une poignée de filles — avec leurs déboires, leurs peines de coeur, leurs mecs, leurs jobs… Enfin, surtout leurs mecs, d’ailleurs. Et ils sont chiants, ces mecs! Une horreur…

C’est délicieux, très amusant, à la fois réaliste & comédie, quelque part entre le roman naturaliste & la sitcom de télévision. Quant au dessin, il est d’une suprême élégance — un trait léger et pur, du côté de la « ligne claire » ou de la « ligne frêle ». Tiens, vous connaissez les Monsieur Jean de Dupuy & Berbérian? Christopher joue dans les mêmes registres, tant graphiques que scénaristiques — mais en appuyant sur l’aspect quasiment « pièce de théâtre » de ses mises en situation. Vraiment j’aime énormément — et je me demande comment il fait pour concevoir des « non intrigues » pareilles… On s’attache vite aux filles, c’est certain. Le premier tome, Pyjama Party nous les faisait découvrir lors d’une longue conversation nocturne entre filles — cette fois c’est la vie de tous les jours, et les imbroglios sentimentaux.

Un joli moment de fraicheur.

#71

Lecture en cours (à part The Onion Girl, que je savoure): La mort du nécromant, par Martha Wells (traduit chez l’Atalante).

Très plaisant, de la pure littérature d’évasion & d’aventure. C’est une sorte de version fantasy d’Alexandre Dumas rencontre Rocambole. Ou de Laurent Kloetzer réécrivant Maurice Leblanc, quelque chose comme ça… Le héros est une sorte d’Arsène Lupin dans une grande cité imaginaire (nommée Vienne!) entre Renaissance & ambiance steampunk, avec une invasion d’abominables goules qui commence… Tous les clichés (archétypes?) du genre sont réunis, avec quelques métissages rigolos, plein de péripéties — c’est vraiment un plaisir!

#70

Dreamblog, la suite…

Amateur de fantasy comme je le suis, je suppose qu’il était inévitable que je fasse quelques rêves de fantasy. Il y en a deux dont je me souvienne. Des fragments, en tout cas…

Une fois, j’étais avec un de mes collègues, sur un chemin de campagne au milieu des champs de blé — de douces collines portant sur leurs ondulations les grandes tiges blondes & dodelinantes [faut croire que mon « moi onirique » n’a jamais entendu parler des recherches agronomiques tendant à réduire la hauteur des blés afin de supprimer le plus possible de paille! ;-)]. Mais… nous étions pourchassés par un dragon! Un énorme machin lézardoïde volant, sombre, grandes ailes de chauve-souris, pattes griffues & menaçantes, qui se mit soudain à piquer sur nous! Je bousculai Dom pour le faire tomber en dehors du chemin, dans l’herbe du talus, et nous ayant raté le dragon remonta dans une grande bourrasque d’air déplacé, après avoir labouré le chemin de ses griffes colossales — nous fûmes éclaboussés de sable.

Une autre fois, je me tenais devant une vaste plaine (une sorte de toundra), le dos contre un mur de pierre beige. Au-dessus de moi s’élevait une grande cité médiéval(isant)e, peut-être byzantine (vague souvenir de dômes brillants), colossale, qui s’étendait sur & au-delà de l’énorme rempart au pied duquel je me tenais. Je sentais sous mes doigts la rugosité de la pierre, et sa chaleur diffusait dans mon dos à travers ma chemise. Le ciel était très orageux, de lourds nuages rougeoyants, des masses obscures sur l’horizon & de grands éclairs qui martelaient la plaine. J’étais à la fois le dos à la muraille (les pieds solidement plantés dans le sol de terre battue, avec sur ma droite un autre mur, celui-là le pan d’une immense rampe en pierre qui montait en pente douce jusqu’aux portes de la cité), & loin de là, capable de contempler toute la cité dans sa gloire dorée, illuminée qu’elle était par les rayons du soleil d’orage. Quand brusquement un géant se profila sur la plaine, un grand homme trapu, cheveux bruns bouclés, chaussé de bottes (genre de celles du Chat botté, vous voyez, avec le bord retourné), visage fermé, poings serrés, qui avançait en courant avec de très larges enjambées, le sol de la plaine tremblait sous ses pas, il venait vers moi — mais je n’avais pas peur, je savais être tout petit par rapport à lui, et de fait le géant ne me regarda pas, il grimpa toujours avec ses larges enjambées sur l’immense rampe & pénétra dans la cité.

#69

To live in a city is to live in a community of people who are strangers to each other. You have to act on hints and fancies, for they are all that the mobile and cellular nature of city life will allow you. You expose yourself in, and are exposed to by others, fragments, isolated signals, bare disconnected gestures, jungle cries and whispers that resist all your attempts to unravel their meaning, their consistency. […] The city, our great modern form, is soft, amenable to a dazzling and libidinous variety of lives, dreams, interpretations.

(Jonathan Raban, Soft City)

#68

Toujours au sujet des « villes rêvées », l’une des choses les plus épatantes qui me soit arrivé lors d’un rêve fut d’y être presque conscient de ce qui se passait. Je sais que certaines personnes sont supposées savoir diriger leurs rêves — pour ma part, hélas, je n’ai pas cette faculté de « rêves lucides ».

Sauf une fois: je me trouvais dans une belle ville assez champêtre, française & provinciale, pleine de petits jardins & de places ombragées, dominée par un grand coteau dans lequel grimpait de larges escaliers de pierre beige. Un château s’étendait sur une colline au pied du coteau — muraille grise, grands arbres, belles demeures blanches serrées autour du parvis du pont-levis… En redescendant du château vers la ville, je remarquai d’abord une petite place qu’il me semblait avoir déjà vu — lorsque je réalisai qu’il s’agissait d’un coin de Roanne. Du vrai Roanne!

Et en le comprenant, il me vint soudain à l’esprit que je me trouvais dans l’un de mes rêves de ville. En continuant à descendre la petite rue sur laquelle pesait les hautes frondaisons des bouleaux, je me dis qu’il y avait décidément beaucoup de monde, aux terrasses des cafés, ou tout simplement assis dans l’herbe, papotant, buvant, tout le monde très relax, une ambiance de vacances, d’été. C’est en débouchant au bout de l’allée bordée d’arbres, à l’angle d’un carrefour qui ouvrait sur un pont au-dessus de la rivière (très large, style la Loire à Tours), que je pris conscience pour la seconde fois d’une donnée importante de l’univers où je me trouvais: bien sûr! me dis-je. Il y a beaucoup de oisifs, parce qu’en fait nous sommes dans une utopie. Et d’ailleurs, je fis quelques pas de plus vers le pont qui faisait le gros dos devant moi — et de l’autre côté, dominant le quartier sur la rive d’en face, des collines portaient les silhouettes caractéristiques d’éoliennes. Une écotopie! me redis-je, ravi, le coeur content. J’allai m’asseoir à la terrasse d’un café, là, au bord du quai — et je me réveillai alors.