#87

L’un de mes plus grands plaisirs en matière de bande dessinée demeure l’oeuvre de Franquin. Je ne suis pas, mais alors vraiment pas, un fan d’Hergé — mais en revanche la relecture des aventures de Spirou & Fantasio commises par André Franquin dans les années 50/60 me met toujours en joie.

Et un petit éditeur belge (Niffle-Cohen) a l’excellente idée de proposer, peu à peu, une intégrale des Spirou & Fantasio de Franquin — en noir & blanc! Une initiative qui, loin d’être incongrue, permet d’enfin découvrir le dessin du maître dans toute sa beauté, tel que réalisé par l’auteur, sans le filtre souvent quelconque de la mise en couleur. Un quatrième volume vient de sortir, qui entame la période la plus féconde & la plus belle de Franquin, avec La mauvaise tête, Le repaire de la Murène, La Quick Super, Les pirates du silence et, bonus très sympathique, la petite histoire Touchez pas aux rouges-gorges, qu’on n’avait jusqu’à présent revue que dans une version techniquement massacrée à la repro. De quoi se régaler de la rondeur souple & élastique d’un trait virtuose. Quel délice!

#86

Dimanche 4: Peu, trop peu dormi — cette nuit, et les nuits précédentes. C’est un peu zombie que je quitte l’hôtel et me rends à la Cité des Congrès (« cite des congres » ai-je lu dans le bar; je ne suis pas le seul que cette typo fautive a amusé). Il n’y a pas encore grand monde, et certains copains (Ugo, Johan) sont déjà repartis. La fatigue aidant, j’ai un peu de vague à l’âme. La pesanteur de l’ambiance de ces derniers jours, que j’avais repoussé grâce à l’amitié & aux plaisanteries, me retombe dessus — je n’aime pas trop les principes élitistes de cette organisation, les mondanités & les prétentions du festival. Jusqu’à lors, le petit milieu de la SF était toujours parvenu à échapper aux lois du fric & des jeux d’influence. Malheureusement, l’action persistante de certains conduit à un effacement progressif de la convivialité au profit (c’est bien le terme) d’une conception mesquine, commerciale, politicienne, de l’édition de SF…

J’ai vraiment eu l’impression tout au long des Utopiales qu’il y avait deux attitudes, une bipolarisation du milieu: ceux qui se la jouent, qui voudraient être des stars ou qui se complaisent dans leur position de big fish in a small pond (pour utiliser une cocasse expression anglaise); et ceux qui ne se prennent pas la tête, qui ne veulent qu’écrire & s’amuser, avec humilité & entre copains.

Putain, que sont dérisoires les enjeux & le fric à se faire dans la SF, pourquoi certains veulent-ils être les maîtres, ériger des diktats, se faire les arbitres du bon goût? J’suis fatigué…

Maussade je suis, maussade je vais rester toute cette journée… Dernières discussions avec quelques amis & connaissances (dont Comballot, pas encore vu), excuses contrites présentées au gars Pagel, dont j’ai bien raté la fête d’anniversaire, j’en suis fort dépité — et Sara à son tour est désolée, elle avait brièvement éteint son phone juste au moment où j’ai appelé… 🙁

Derniers tours au bar.

À l’heure du repas, je monte déjeuner au 3e étage, où je ne suis encore jamais allé. C’est gratuit pour les invités — toujours cette fichue VIP attitude. Sylvie Lainé monte avec moi, pas tranquille car elle n’a qu’un badge marqué « Jean-Jacques Girardot » (JJ en avait obtenu trois, je ne sais comment!). De fait, une des multiples hôtesses interchangeables à la plastique longue & lisse (encore un aspect passablement ridicule/désagréable du festival, ce machisme sournois qui consiste à utiliser des femmes comme potiches), filtre les entrées. Je passe: mon nom a été ajouté à la main en bas de liste (Gallimard n’avait obtenu mon invitation qu’à grand peine). Lorsqu’arrive le tour de Sylvie, l’hôtesse de l’air bête lui demande son nom: « Girardot »; « Jean-Jacques? »; « Je suis sa femme ». Sylvie passe, légèrement palpitante… et fonce prévenir JJ de cette soudaine union!

La salle de déjeuner est vaste, très lumineuse puisque éclairée sur toute sa circonférence par de larges baies vitrées. Les buffets de hors d’oeuvres & de desserts sont assez somptueux — mais les plats chauds s’avèrent médiocres, genre bouffe de cantine. Gilou, Berthelot & RCW s’installent à la même table que nous, rejoints par Chambon (que je ne connais pas du tout & ne discutera qu’avec Gilou).

Heure du départ: branle-bas de combat, JJ retrouvera-t-il toutes ses affaires, le Gritche survivra-t-il au transport (il s’agit de l’atroce statue d’un monstre griffu qui marque le prix Dorémieux), Alain suit-il? Sylvie ne s’inquiète pas: sa montre retarde d’une demi-heure! Enfin: en route. J’ai une réservation en première mais je monte bien entendu en deuxième, pour être avec la Girardot (?) family. En compartiment — longtemps que je n’avais pas voyagé ainsi, à l’ancienne. Le train part un peu en retard. Il est bien plein. Mais ce n’est rien par rapport à ce qui va suivre… Notre Corail s’arrêtera dans chaque ville, et il semble que jamais personne ne descend! Les couloirs étroits ne tardent pas à être bondés de corps tassés, entassés, pliés, empilés. Presque impossible d’aller jusqu’aux WC — d’ailleurs il y a des gens entassés dedans, également. Et aucun bar dans ce bar, de toute évidence. Et il fait trop chaud. Et nous prenons encore du retard, et encore, et encore… Sans excuses ni explications de la SNCF, cela va de soit: les voyageurs ne sont que du bétail.

Je tente de lire un manuscrit français (d’un auteur d’un certain âge, déjà pas mal publié) fourni par Gilou — une pure horreur, entièrement écrite en point de vue omniscient, avec longues & lourdes explications détaillées toutes les deux lignes et demi sur le pourquoi du comment de quoi que c’est-y… J’abandonne à la page 27, à la surprise de Sylvie. Qui s’empare de l’objet du délit, tente sa chance au hasard, et comprend tout de suite: tout le texte est ainsi! Imbitable. Dommage, car la base semblait intéressante: un monde utopique & écologiste, réparti en trois sociétés distinctes. Avec un petit côté polar dans l’intrigue. Hélas, trop c’est trop, on n’écrit plus jamais ainsi de nos jours — et franchement, je trouve ça aussi illisible qu’impubliable.

Alain à mes côté reste assez sage, ce gamin est une perle; un môme brillant, futé, intello, affectueux, et remuant (normal) sans être chiant — un compagnon de voyage amusant & agréable. Son père me fait voir, sur son appareil numérique, les photos qu’il a pris durant le festival. Sylvie lit (relit?) Le don de Chris Priest. Je me plonge dans Threshold de Caitlìn R. Kiernan — encore une lecture commandée par Denoël, mais très plaisante celle-là. Un roman d’horreur subtil, psychologique, où le surnaturel demeure très subjectif & peu apparent (des fossiles étranges trouvés dans un tunnel près de chez l’héroïnes, ses grands-parents paléontologues morts de manière légèrement suspecte, la légende d’un monstre dans les parages, deux losers aux rêves troublants, et une jeune SDF qui pense avoir été nommée par des anges pour chasser les esprits maléfiques). Style travaillé & suspense pas pesant, un roman original — difficilement classable, et sans doute difficilement vendable!

Raah, le train arrive enfin à Lyon. Une heure de retard. Je suis vanné, fourbu, déshydraté. Sweet home!

#85

Samedi 3: Je pensais repasser par chez Nana & Jako dans la matinée mais, erreur, j’aurai du aller directement chez eux depuis l’hôtel: arrivé aux Utopiales, je n’en décolle plus. Untel à voir, papotages comme d’hab’, le temps file, puis dédicaces (l’échec complet: durant tout le festival je n’ai guère du signer plus de cinq ou six bouquins — et aucun Cartographie du merveilleux, quelle honte!), tout ça, tout ça… À la fois beaucoup de choses et presque rien, en fait. Je passe ma journée dans un grand état de flemme… Je croise Fabrice Colin & la lumineuse Katia — à nous voir dans ce genre de festival, on croirait que nous ne nous connaissons pas: visiblement, nous n’avons pas les mêmes activités/fréquentations. Mes compatriotes lyonnais Sylvie Lainé & Jean-Jacques Girardot arrivent enfin, en compagnie du jeune Alain — ils m’abandonnent leurs manteaux alors que je suis en pleine séance de non-dédicaces, et partent à leur hôtel. Comme ils ne sont toujours pas de retour une heure après, lorsque je dois céder ma place aux non-dédicaceurs suivants, je confie les manteaux à Gilou, pardon, à Thomas Day. Laurent Queyssi est là, visage de lutin malicieux & splendides yeux verts. En haut, au bar, discussions variées avec Henriet, Pagel, Wagner, Seb, Vial, Berthelot, Guiot, Sylvie Denis, Sylvie Miller, etc. Petit entretien avec monsieur Terry Bisson, aussi — et je parviens à m’exprimer! Sans parler du fait que je comprends sans problème ce qu’il me dit: cool!

Alors que Seb est en grande conversation avec son homologue de chez J’ai Lu, Johan & moi nous prenons à remarquer à quel point ce jeune homme peut être smart. Petit délire, dans lequel Célia nous rejoint: nous lançons le prix du festivalier le plus smart. Après examen de quelques rares candidats, nous décidons que ce sera bien Seb notre lauréat — avec Fab Colin en seconde position.

La plaie soit des fumeurs: trop c’est trop, le bar est par moments littéralement irrespirable.

Le sire Kloetzer débarque enfin, avec une nouvelle copine — vraiment fort jolie.

Certaines filles sont invisibles: Michèle Charrier, Sara Doke & Mélanie Fazi préparent en (plus ou moins) secret un big raout pour le 40e anniversaire de Michel Pagel le soir.

En fin d’aprem, JJ Girardot réalise subitement qu’il n’a pas son manteau. Bingo: il n’a pas bougé de la journée, sur la chaise où je l’avais mis lors de ma dédicace! 🙂

Alain, le fils de JJ, apparaît de temps en temps, puis redescend aux jeux vidéo.

Bref passage du Duvic. Qui a certainement passé tout le reste du festival à interviewer untel & untel.

Sylvie (Lainé) grandement intimidée par monsieur Christopher Priest. Thomas Bauduret tente de la pousser à aller lui parler, insiste, la persuade. Sylvie revient absolument ravie, subjuguée — sous le charme!

Pour le reste: langueur d’une journée tranquille…

Le soir venu, cérémonie de remise des prix. Dans un vaste auditorium. Paillettes & velours. Projos & diapos ridicules. Jean-Pierre Dionnet préside. Chance: le prix Dorémieux est attribué en premier. À Jean-Jacques Girardot. Je me sens soudain partagé — à la fois ravi pour JJ, et un peu peiné pour Ugo, qui semblait pas mal y croire… Devons-nous attendre la fin de cette pompeuse cérémonie? Qui semble devoir se prolonger fort tard, et j’ai faim, très: rien mangé aujourd’hui. Audrey récupère le numéro de portable de Sara, me libérant du dilemme concernant la soirée Pagel: nous pourrons toujours y aller ensuite.

Dîner dans un resto de poisson, un vrai — mais quiproquo: Ugo croyait avoir retenu dans un resto proche de la gare, en fait il s’agit de sa succursale, à l’autre bout de Nantes. Audrey, très efficace, nous obtient des voitures avec chauffeur du festival. Nicolas Bouchard, qui s’est joint aux usual suspects (Ugo, Queyssi, Gilou, Célia, Audrey, Johan, etc), nous fait apprécier son humour bon enfant, se révèle sous un jour doucement délirant. Au passage, j’apprend avec stupeur qu’il est originaire du bled du Berry où je passais des vacances chez mon arrière-grand-mère, étant enfant. Vatan, dans l’Indre. Afin d’amuser la galerie, j’évoque les souvenirs effroyables que m’évoque cette bourgade, véritable « village à la Stephen King » franchouillard.

Déception à la sortie du resto: Sara ne répond pas. Damned, je vais rater la soirée Pagel! Passablement chagrin de ce problème d’aiguillage, je termine tout de même la nuit dans l’hilarité, dans un bar, à ragoter, inventer des prix supplémentaires (le Prix Stefan Wull de la plus belle dentition) & refaire le monde (de l’édition).

#84

Vendredi 2: Ah, la volupté de se réveiller dans la grande & belle chambre d’amis de mes parents, au chaud sous la couette, des lys tressés sur le papier peint, le silence douillet de la campagne. Je demeure un bon moment à me prélasser, réveillé mais n’ayant pas l’envie de me lever. Finalement, lorsque j’émerge enfin les parents me préviennent qu’ils doivent aller au marché. Je fais un bref tour dans le jardin — rarement l’occasion de le voir en hiver — puis je remonte au bureau pour bouquiner. Les vieux dictionnaires de mon père me donnent l’idée d’aller vérifier quelques mots anciens — je trouve bien le verbe « féer » (enchanter) dans le plus vieux des volumes, mais il y est déjà donné comme « vieux mot »! Cherchant « contus » (encore présent de nos jours dans le Petit Robert) je déniche juste avant un « controuvé » que je ne connaissais pas…

Finalement, j’ai un train assez tard pour Nantes, depuis Saumur où papa me conduit. Sandwiches amoureusement préparés — flûte, une des pommes est pourrie au coeur. Le mien, de coeur, est plutôt léger: curieusement, alors que je n’ai jamais habité dans cette région, je m’y sens néanmoins « chez moi », la simple vue des murs de pierre blanche & des toits d’ardoise sombre me met en joie, Saumur, Angers, tout dans le décor me dit « home »

Arrivant en gare de Nantes, je découvre sur un plan que mon hôtel (« L’Hôtel », en toute simplicité!) se trouve au bord de la place Duchesse de Bretagne, donc tout près. Maman avait insisté pour que j’emporte une grosse veste, craignant que j’ai froid dans mon seul veston. Mais il fait très beau, ciel bleu figé d’hiver, je décide de tenter l’expérience de ressortir en veston.

En quittant l’hôtel, je remonte encore un peu la rue Henri IV avant de bifurquer: plaisir de savoir dans quelle direction me diriger bien que je me trouve dans une ville qui m’est essentiellement étrangère; plaisir de me promener dans des lieux à la fois reconnus & inconnus; plaisir d’être dans une ville, ancienne, séduisante — intrigante comme toutes les villes.

Nana n’était pas là, dommage; j’ai vu ma filleule Suzanne, bien sûr, et son père Jako — et les chats, énormes, dolents, amicaux. Direction la Cité des Congrès: il est près de 15h, bien temps d’y aller. Le temps est doux, le soleil lointain mais riant. J’aime beaucoup les abords du canal St Félix: l’enchevêtrement de ponts, passerelles, voies ferrées, chemins de halage, la tour excentrique de l’ancienne usine LU (le Lieu Unique, désormais, resto/bar/librairie/salle de spectacle ô combien branchouille), le grand biscuit sur un ex-entrepot de l’autre côté de l’avenue, les pêcheurs tranquilles, les péniches jaune & noir, la tour tordue de l’autre côté du canal, & le passage piéton entre la double rangée d’immeubles ultra-modernes, de cette élégance pseudo-fifties caractéristique de la fin des années 90, fins auvents de métal brossé & trottoirs en bois — j’adore!

Cité des Congrés: verre & bois, comme un canyon de mains d’hommes, vaste & luxueux, bruissant déjà de toutes les discussions, chaud – trop chaud presque. J’ai à peine le temps de faire deux ou trois pas dans l’espace librairie (au rez-de-chaussée cette fois-ci, contrairement à l’an passé où il avait été cantonné sur la mezzanine) que des copains m’abordent. « Tu viens d’arriver? » ou « T’es arrivé quand? », questions rituelles. Célia Chazel me dit gentiment que ça lui fait plaisir de me voir. Audrey Petit est également là, bien sûr. Plaisir partagé: ces filles sont adorables. Bises à Gilles Dumay & Ugo Bellagamba, à Johan Heliot aussi après une brève hésitation de sa part (ah, cet amusant reste de machisme qu’ont tant de gars envers les bises). Chaleur/plaisir des retrouvailles. Direction le bar, déjà: il faut prendre l’ascenseur, les lieux sont gardés – mais j’ai un badge d’invité, cette année, âprement négocié par mon Sébastien d’éditeur…

Le reste de la journée? Les copains, bavardages, papotages, rigolades, je fonctionne au jus de tomate… Nous tentons, avec Ugo, d’assister au débat animé par Eric Vial. Las, entre les deux Eric (Henriet est à l’autre bout du podium) les invités n’ont guère l’occasion de s’exprimer, et puis il ne semble guère y avoir de thème, nous ressortons. Ce sera la seule conférence à laquelle j’assisterai de tout le festival — alors que j’en avais « fait » plusieurs, très intéressantes, l’année précédente. mais cette fois je préfère m’alanguir au bar, je suis venu pour les copains, nothing else.

Le soir venu, Audrey suggère que nous mangions du poisson, Gilou connaît un beau resto. Manque de bol, il est plein: nous nous rabattons sur une pizzeria, qui outre des pizzas géantes, vraiment, sert aussi des plats de fruits de mer. Audrey & moi avons pris une fricassée au curry – délicieuse mais pas facile à manger sans se tacher. Il y a là Ugo, Gilou, Johan, Audrey, Célia, qui d’autre? Ah si: les deux compères qui devaient nous rejoindre n’ont pas trouvé le resto de poisson, mais aterrisssent sous la vitrine de la pizzeria, je leur fait signe de nous rejoindre: Pierre-Paul Durastanti, de sortie pour une fois, & Sébastien Guillot. Nous finissons la nuit dans un pub recommandé par Seb (qui a fait ses études à Nantes): voûtes trop basses, espace exigu, sièges couvert de peau de vache, musique excécrable (variété années 80!), bière en bouteille — enfin tant pis, les rires & discussions suffisent à emplir cette nuit, jusqu’à 2h la fermeture du bar.

#83

I’m back.

Et comme promis (?), une tentative de compte-rendu de mon week-end nantais… Je vais tacher de poster une journée chaque jour — si vous voyez c’que j’veux dire… Et je commence tranquille, avec une journée préliminaire mais non festivalière.

Jeudi 1er: mes parents étant de passage à Lyon au début de cette semaine & étant venus en voiture, il avait été décidé que je monterai avec eux en Touraine, avant de filer sur Nantes pour le festival. Nous partîmes donc ce jeudi, vers 10h du matin. C’est avec un rien d’inquiétude que je laissais Nina: à la fois je savais qu’Olivier débarquerais dans l’après-midi même pour s’installer chez moi avec ses cliques & ses claques — et qu’il s’occuperais donc de la nourrir. Mais à la fois aussi, Olivier devais amener sa propre petite chatte, Drusila. Comment la cohabitation féline allait-elle se dérouler? Comment Nina réagirait-elle? C’est donc avec la vague impression qu’Olivier n’allait peut-être pas passer un super-week end que je montais dans la petite voiture blanche de mes parents…

Nous ne prîmes pas trop l’autoroute: nous avions le temps, et pouvions emprunter tranquillement les petites routes — celles qu’un bel euphémisme xyloglote désigne désormais sur les panneaux routiers d’un « route touristique » assez amusant. Nous arrêtâmes donc à Cluny histoire de visiter un peu — ravissante petite ville. Je fus surpris de constater comment elle était littéralement enchassée dans la campagne, sans transition banlieusarde. Et quelle campagne! De vertes collines découpées par le quadrillage des haies (ce que des Berrichons nommeraient « des bouchures », précisa maman), un paysage de tableau champêtre: je ne connaissais pas la Bourgogne, jolie découverte! Cluny elle-même m’a également frappé par son aspect ô combien typiquement français. Presque une petite ville archétypale. Nonobstant son abbaye, bien sûr — entre ruines élégantes et clochers bien préservés. Belle & étrange vue filante depuis le parvis: de larges escaliers puis une rue aux murailles blondes, montant au sein des ruines & effectuant la transition avec les maisons habitées. Une tranche de paysage urbain inhabituel, comme un décor — souvenir de certains de mes « rêves de villes ».

Déjeuner un peu plus loin, au sommet d’un minuscule village, face à une grise église du XIe: une auberge perdue en haut d’une colline — perdue mais connue, visiblement, s’il faut en juger par l’affluence en ces lieux pourtant loin de toute civilisation.

Route paisible, ensuite. Sieste, longue. Halte surréaliste: un astroport pour extraterrestres érigé au beau milieu de l’autoroute! Raël serait-il parvenu à ses fins? Que sont ces fils tendus en un large cercle, ponctués de soucoupe? La petite rotonde centrale n’abrite que la prosaïque réalité d’une restoroute. Dommage. Y’a tout de même des architectes barjos.

Dusk: j’aime ce mot anglais, traduisant pour moi si bien l’effet de poussière indistincte de la tombée de la nuit, le passage au bleu/gris, le moment où le ciel semble encore empli de lumière mais n’éclaire plus la nature que de manière trouble… Pas grand-chose à voir, de toute manière. Nous arrivons en Touraine lorsqu’il fait déjà nuit noire. Je téléphone à Olivier, tout de même. Tout va bien…