#257

Notes tourangelles:

Mes congés prennent déjà un goût de « presque fini ». Trois semaines, que c’est bref, trop bref – absurde & esclavagiste société qui m’oblige à bosser 39h par semaine (minimum !) toute l’année, avec seulement cinq maigres petites semaines de repos disséminées chichement… Pff…

Une première journée en Touraine, chez mes parents, à ne pas faire grand-chose si ce n’est me reposer, lire, taper mes journaux au propre sur l’ordi de papa… Temps maussade, humidité intense, une météo à la moiteur tropicale qui se transforme le lendemain en une brève mais intense canicule. Promenade dans les vignes au-dessus de chez mes parents. Odeur de sable chaud, haies désordonnées, ronces, vignobles, coquelicots qui poudroient au sein d’un champ de blé, rouge intense, tels une oeuvre impressionniste. Un paysage trompeusement immuable.

Mercredi, nous passons prendre ma tante chez elle puis filons chez ma petite sœur, qui habite non loin du bord de la Loire, face à Meung. Sa maison est (encore) en pleine rénovations, des travaux qui me semblent absolument titanesques & que mon beau-frère assume presque seul, chapeau.

Mignonne demeure en devenir.

Longue balade à la Pointe de Courpin, entre Loire & Loiret. Nous marchons lentement sur un étroit sentier, sous les frondaisons épaisses. Je ne ressens pas le besoin de parler, j’écoute les uns & les autres, ma soeur & ma tante en particulier. Mode contemplatif « on ».

Acacias, frênes, ormes (nous cherchons un bon moment à identifier ce qu’un panneau nous indiquait comme un « orme lisse », très rare – mon paternel réalisera finalement que la différence est au niveau des feuilles, lisses ou rugueuses). Des peupliers noirs élèvent leurs fûts géants, troncs crevassés comme ceux d’un pin, immenses, immenses ! La Loire coule d’un côté, vaste étendue d’un argent opaque tant il miroite, le Loiret de l’autre, rapide, bruissant, transparent, couvert de longues algues fleuries. Tout au bout, le confluent – une mignonne petite plage de sable roux, nous nous laissons séduire par les eaux, le temps s’arrête pour un moment calme & silencieux. Au-dessus de ma tête danse un nuage de moucherons – ils tournent, tournent, formant des arabesques abstraites comme sur un tableau d’André Masson. Dans le Loiret ondulent les élodées, leurs minuscules fleurs blanches inclinent la tête, plongent, ressortent. On croirait que la rivière s’est couverte de pâquerettes.

Jeudi, balade en auto à travers la campagne, les bords de l’Indre, les étroites routes sur les levées, aller & retour. J’aime ces paysages, ces maisons simples, la pierre blanche. L’Aquarium de Touraine s’avère une déception : troisième fois que je m’y rends, mais ils ont beaucoup (trop) changé, terminé leur passionnante spécificité (les poissons de rivière), de tout un peu, trop peu, pas captivant, légèrement vulgaire (à l’image des horreurs désormais vendues dans leur boutique!). Je ne pense plus y retourner.

Demain, Bordeaux.

#256

Notes bruxelloises:

Prendre des notes au jour le jour nécessite que j’entretienne une sorte de monologue, de commentaire intérieur constant – que je n’ai pas forcément envie de maintenir en toutes circonstances.

Ce fut le cas lors de ce séjour à Bruxelles, où je ne pris que des notes succintes & spécifiques, essentiellement orientées vers l’écriture possible d’une enquête de Bodichiev dans cette ville. Car de même qu’à Amsterdam j’avais trouvé une idée & pris un peu de documentation, j’espérais bien, en venant me promener à Bruxelles, que cette autre ville m’inspire… C’est ainsi que j’aime le mieux travailler : un peu de « rando urbaine », une ambiance saisie, et une idée commence à naître… En cela, mes « travelogues » (journaux de voyage) me servent également : de nombreuses fois j’en ai cannibalisé des extraits (petit morceau ou pans entiers) afin d’enrichir ou de construire des fictions. Ce fut le cas récemment pour une enquête bordelaise de Bodichiev, mais aussi un peu avant pour une nouvelle de fantastique « soft » que j’avais écrit pour une antho (sur les Templiers, toujours pas parue), et encore bien avant pour ma nouvelle sur San Francisco (que Dumay publia dans Étoiles Vives n°6).

J’ai calculé, avec un rien d’accablement, qu’au rythme où j’avance je n’aurai pas terminé mon recueil de Bodichiev (car je vise le recueil, ventru si possible : en dehors de « L’affaire des crimes météorologiques », la toute première – depuis révisée -, qui paru dans l’antho Escales sur l’Horizon, je n’ai pas essayé d’en faire publier une seule autre), que je n’aurai donc pas terminé avant… entre quatre & cinq ans. Argh. Enfin… Tout le monde ne peut pas être un stakhanoviste de l’écriture, Tiens, c’est un des « complexes » gênants de la SF, ça : faut produire, faut produire ! Mais pourquoi ? Quoique, bien entendu, j’apprécie fort de lire souvent des Fabrice Colin, par exemple, vu son grand talent, j’admire également la démarche d’un David Calvo, qui prend tout son temps pour rédiger des romans rares & personnels. Chacun son rythme – le mien s’aggravant sérieusement du handicap que constitue un job alimentaire très (trop) prenant, celui de vendeur en librairie… J’ai de plus en plus souvent une impression d’étouffement, par exemple du fait de n’avoir jamais deux jours consécutifs, et de n’avoir pas droit aux 35h… Je ne vis que dans les interstices de mon boulot. Trouver le temps d’écrire est une lutte, littéralement. Alors… Bodichiev avance lentement (sans parler de ce pauvre Ariel !). Et mon paysage mental s’emplit en permanence d’images londoniennes.

Anyway, Bruxelles allait-elle être ma nouvelle muse ? Toutes les villes ne m’inspirent pas pareillement, et l’univers uchronique de Bodichiev ne s’accommode pas forcément de tous les lieux.

Curieuse ville que Bruxelles, qui m’avait séduit/intrigué dés ma première visite. Je tenais à approfondir cette impression. Et puis, nourri de Spirou, comment pouvais-je ne pas avoir une certaine sympathie pour le monde des « broles » (bidules), des « carberdouches » (bistros), de la « drache » (pluie), des Maroles (un vieux quartier du centre, sous le colossal Palais de Justice) et des « spéculoos » (biscuit au sucre candi, d’apparence brune & cuit dans des formes en bois sculpté) ?

De plus, quel véritable amateur d’architecture du XIXe & XXe pourrait négliger la capitale de l’Art Nouveau ? Les réalisations de ce mouvement foisonnent dans toutes les rues, les fenêtres frisent, les balustrades se tordent, les « sgraphites » (fresques murales monochromes) brillent sur les frontons, des fantaisies de brique & de mosaïque esthétisent le quotidien. Tiens, avez-vous lu l’excellente nouvelle « L’Assassinat de la Maison du Peuple », par Sylvie Denis ? (in anthologie Futurs antérieurs réunie par D. Riche, chez Fleuve Noir) C’était un chef d’œuvre de SF comprenant/intégrant l’Art Nouveau et l’esprit bruxellois, un délice.

Sara, qui me loge généreusement, vit dans le quartier de Saint-Gilles – juste en-dessous du centre de Bruxelles, après l’impressionnante Porte de Hal (une grosse tour médiéval). Des titres me tournent bien vite dans la tête : « Les Morts affreuses de Saint-Gilles » ou « L’Éventreur de Saint-Gilles ». Ça a un petit parfum d’Harry Dickson, non ? Juste ce qu’il faut, donc. Une intrigue commence à se bâtir, doucement.

Près de chez Sara se trouve la rue Vanderschrick, étonnante à deux titres : primo, deux boutiques me firent sourire – la boucherie-charcuterie André, sur le rideau de laquelle on annonce des « pistolets fourrés » (delegde broodjes). Well, renseignements pris auprès de Sara, il s’agit de petits pains ronds, pour faire des sortes de sandwichs à la viande. Juste à côté, à l’angle de la chaussée de Waterloo, la maison E. André fondée en 1872 est spécialisée en « voitures d’enfant » (des landaus).

Moins anecdotique, l’autre portion de la rue Vanderschrick présente une splendide ensemble Art Nouveau : vers 1900, une certain Madame Elson obtint de la ville l’autorisation de construire dix-sept maisons le long de la rue Vanderschrick qu’elle venait d’acquérir. Elle passa commande à l’architecte ixellois Ernest Blérot, qui conçu & construisit un ensemble occupant du 1 au 25 rue Vanderschrick, du 42 au 48 avenue Jean Volders & 13 chaussée de Waterloo. Toute une longueur de cette rue se trouve donc dans le style nouille, de hautes demeures aux façades sophistiquées & travaillées – hélas en fichu état aujourd’hui, comme une majeure partie de Bruxelles semble-t-il. Sara me dit qu’une célébrité, je ne sais plus qui, a récemment racheté trois des maisons & va les faire rénover, ce qui devrait provoquer, hopefully, un mouvement bénéfique pour l’ensemble des réalisations de Blérot (ah si, je sais : c’est l’écrivain Martin Gray). Ce serait une bonne chose ! Car voir de tels chefs d’oeuvres architecturaux à moitié abandonnés, souillés, noircis, fendillés, fait vraiment mal au cœur.

C’est une constante bruxelloise : la vétusté. Et quoique j’adore les friches industrielles & les quartiers anciens, au point de trouver que sa décrépitude fait partie des charmes un peu pervers d’une ville comme Bordeaux, pas trop n’en faut tout de même & Bruxelles pousse un peu dans le style crasse croulante… Enfin, on n’en est plus à l’époque de la « bruxellisation » (les destructions/vandalismes architecturaux des années 70), les quartiers encore en cours de démolition pour être remplacés par des gratte-ciel n’étaient guère couverts que de taudis, et des réhabilitations commencent à entrer dans les moeurs bruxelloises, de toute évidence.

Architecture toujours : je vais voir (forcément !) le musée Horta. Victor Horta est LE grand architecte bruxellois de l’Art Nouveau. J’avais vu l’an passé le musée de la bédé, l’une de ses réalisations sauvées in-extremis des buldozers ; cette fois, il s’agit de son atelier/maison. Une merveille ! Évoluer dans un espace entièrement inventé par Horta, dans une maison où il a vécu, qui est encore partiellement (quoique trop chichement) meublé dans son style, c’est une sorte de voyage dans le temps – tout comme au musée des transports, l’autre jour à Londres. J’ouvre grands les yeux & m’empreigne d’un mode de vie/de déco précieux & désuet.

Le soleil tape. Empruntant ensuite le tram, étroit & brinquebalant dans les petites rues pavées, je me rends jusqu’à une petite place, Saint-Pierre, afin de trouver le parc du Cinquantenaire. Bien m’a pris de passer par là : je tombe en arrêt devant l’une des plus belles & célèbres maisons Art Nouveau !

La verdure du parc ne fait aucun bien à mon rhume des foins, qui se réveille aussitôt, mais cette courte promenade est tout de même bien agréable & je rejoins ainsi le terminus des trams, où Sara m’a dit que je verrai le fameux Palais Stoclet d’Hoffmann. Raté, ce n’est pas là. Je pousse un peu plus loin, puis encore. Ah, enfin ! Au moment où j’allais désespérer & faire demi-tour, voici qu’apparaissent soudain les murs blancs bordés de cuivre du Palais Stoclet. Je cherche un instant bouche bée, stupéfait & ravi d’enfin voir de mes yeux voir ce chef d’œuvre, cette merveille, que j’avais tant & tant vue en photos dans des bouquins d’archi. Une des plus belles réalisation de la « Sécession viennoise » — et elle est à Bruxelles, juste là, devant moi. C’est toujours une maison privée, on n’entre pas. Je la mitraille de mon appareil photo, j’arpente le trottoir de long en large pour tout voir sous tous les angles. Intense plaisir des yeux, je me gorge.

Afin de remonter vers le parc du Cinquantenaire, je prend une petite rue plus ou moins parallèle à l’avenue. Quartier riche, de toute évidence, superbes maisons, un peu d’Art Nouveau of course, également une très étrange maison Art déco. Un peintre y a vécu, dit un panneau : si à Londres j’ai constamment l’impression de marcher sur les pas d’écrivains, à Bruxelles ce sont peintres & architectes qui abondent.

Caprice du temps nordique: maintenant il pleut, un peu. Au blanc violent du ciel a succédé un gris doux & bas. Mes errances urbaines me conduiront ensuite à me promener un peu dans le quartier des grattes-ciel — étrange arrogance européano-friquée qui érige de grands buildings & creuse de larges avenues — puis à descendre dans Etterbeek, charmant quartier typiquement bruxellois, ai-je l’impression – par endroits je croirais me trouver dans une bédé de Broussaille ! Charme fragile, un peu vétuste, XIXe populaire, pavés, églises… Un petit côté parisien, mais pas le Paris actuel : le Paris d’autrefois, celui de Maigret ou de Burma, j’imagine. Ça grimpe beaucoup, ça descend raide : Bruxelles a beau comporter de nombreuses pistes cyclables, il doit falloir de sacré mollets pour les emprunter. Etterbeek me plaît, je me perd sciemment, tourne, vire.

Déception du Parlement européen : immense, oui, mais d’une arrogance sans imagination, pas de vie architecturale, juste un grand boyau gris sombre, triste, froid. La minuscule gare du Luxembourg frissonne juste devant ce mastodonte, bientôt plus que la façade – paraît qu’ils vont la conserver, heureusement. Curieux contraste entre cette placette de gare traditionnelle & les bâtiments géants érigés juste derrière par l’Europe… Une Union Européenne qui montre décidément un visage peu amène, froid & technocratique — entre les buildings bordant la rue de la Loi (brrr) et la barre anthracite du Parlement, le tout écrasant d’anciens quartiers populaires, comment ne pas ressentir un léger frisson anti-européen ? Méchants symboles que ceux-là.

Quoi d’autre ? Le quartier industriel Tour & Midi, avec Sara : au bord du canal, friches industrielles aux dimensions géantes (les bruxellois ont la folie des grandeurs, dés qu’il s’agit d’architecture !), superbes, & immenses entreprises récentes, non moins géantes mais en archi de la décennie nonante. Un petit musée : des industries & du travail. Pas de la « culture officielle », non, plutôt baba, mais très bien fichu, dans une ancienne fonderie. Immenses outils rouillés exposés dans la cour herbue, dans le bâtiment rénové des tables d’ouvrier, machine à filer, lynotype, panneaux vernis donnant les instructions du patron, photos anciennes… Et puis une expo, d’un côté de très belles photos N&B de friches industrielles (prises dans le Branban néerlandais, du côté de Breda, par des photographes italiens), de l’autre de non moins somptueux clichés (pas friches : hauts fourneaux toujours en activité non loin de Bruxelles – et visages ouvriers, dont l’un frappant par sa beauté & son intemporalité).

Quelques librairies de bédé, tout de même. Des tas de photos. Soirée en compagnie du compère Dunyach, de passage. Taverne « La Bécasse », Sara me fait découvrir une lambiek blanche délicieuse, alors que je n’aime généralement pas la bière.

Ixelles, Etterbeek, Schaerbeek, Saint-Gilles, Saint-Josse, Bruxelles, Bruxelles…

Ah, le Palais des Beaux Arts ! L’aile (en fait une tour) du XIXe siècle n’est pas tout à fait assez riche à mon goût, pas grand-chose de bien saisissant (oh, quand même un petit Monet, le luministe belge Emile Claus avec deux peintures de Londres, quelques petites choses comme ça). De plus, elle est en rénovation, donc expo tronquée. Mais l’aile XXe ! Mama mia, l’aile XXe ! Quelle richesse, quel bonheur ! De très vastes galeries aux murs blancs & arrondis, dans une demi-pénombre feutrée, le silence juste perlé à intervalle régulier par un gong (je n’ai pas vu quelle œuvre émettait ce bruit, d’ailleurs), salles après salles d’oeuvres superbes, souvent célèbres, toujours captivantes. Une quinzaine de Spillaert, wahou ! Et quelle richesse que le fauvisme brabantais ! Je n’avais jamais réalisé que, à part bien entendu Rik Wouters, tous ces artistes formidables étaient belges ! Je passe assez vite par les surréalistes, pas ma tasse de thé, mais tout le reste… Eh bé, la Tate Modern peut aller se rhabiller, avec sa collection maigrichonne. Ici l’art contemporain est réellement représenté, il y en a presque trop, je ne peux tout voir – d’autant que les musées bruxellois ont la fâcheuse habitude de n’ouvrir que de 14h à 17h, ça ne laisse que trois heures pour explorer/s’extasier, c’est trop peu, il faudra que je revienne.

Et Bodichiev dans tout ça ? Si, j’ai bel & bien été inspiré par Bruxelles, aucun doute sur la question. D’autant que Sara s’est chargée de m’apporter documentation & détails nécessaires. Je repars avec tout ce qu’il faut – quand écrirai-je cette enquête bruxelloise, et l’enquête amstelodamoise? Impossible à dire, peut-être bientôt, peut-être jamais – et peut-être serai-je revenu dans ces villes du Nord avant d’avoir couché le premier mot de chacune de ces nouvelles. On verra selon le temps & l’inspiration, mais peu importe: je repars la tête pleine de nouveaux paysages.

#255

Noté le mardi 11 juin:

J’avais déjà bousillé une paire de chaussures l’autre jour à Londres (un talon littéralement explosé), cette fois voici que c’est au tour de mon autre paire de déclarer forfait (semelle cassée). Il faut absolument que je retrouve à me chausser. Je me rends donc ce matin sur Kinkerstraat, la grande avenue commerçante juste derrière chez Anne & David. C’est aussi l’occasion de faire une deuxième visite à la librairie de bédé – quelques emplettes. Je me suis fait des colis de bouquins, cinq en tout, expédiés : ma valise sera ainsi un chouia plus soulevable…

L’aprem est consacrée à une très agréable « visite complémentaire » d’Amsterdam, par Anne : elle me montre plein d’endroits intéressants que je n’avais pas encore vu, tel que cet étrange monastère pour femmes, un béguinage (une sorte de clos de belles maisonnettes, serrées autour d’une petite église) ; le musée historique ; un centre commercial aménagé dans une ancienne (& gigantesque) Poste toute en gothique vertical ; le palais de la Reine, gris & lourd, sur le Dam ; un p’tit bout du « quartier rouge » & du quartier chinois…

Nous passons à la fameuse librairie Lambiek, grand spécialiste de bédé. Joie, bonheur : il y a une exposition d’originaux de François Avril ! C’est sans doute l’un des plus géniaux illustrateurs contemporains, d’une influence inversement proportionnée à sa célébrité : Petit Roulet ou Dupuy & Berbérian lui doivent (presque) tout, mais Avril demeure dans l’obscurité. Il ne le mérite pourtant pas : ses dessins & peintures sont d’une grâce, d’une luminosité, d’une épure, qui me transporte. Quelle chance que de pouvoir contempler ainsi ses originaux. Et en grand nombre, encore. Beauté idéale.

Nous finissons la journée au salon de thé d’un nouveau centre commercial (le seul exemple d’architecture contemporaine, tendance années 90, que j’aurai vu dans tout Amsterdam ! Visiblement, l’évolution architecturale & décorative récente n’a guère pénétré les consciences hollandaises, bloquées dans les années 70 ! Même leurs bâtiments les plus récents semblent dater des seventies), tout en haut d’une tour en acier & verre, au-dessus de la ville.

#254

Noté le lundi 10 juin:

Découverte en solitaire. De la « rando urbaine », comme David décrit mes habitudes de flâneur attentif.

Spectacle ravissant de cette ville de canaux, pas vraiment de commentaires à noter. Je pourrai aisément tomber amoureux d’une telle ville. Passage le matin dans une librairie de bédés près de chez Anne & David, l’aprem dans la grande librairie d’Amsterdam, Scheltema. Tiens, of course la France est belle & bien la seule à ne produire que des livres moches… Les néerlandais ont eux aussi des hardcovers, sacrebleu ! Pourquoi diable les Français n’y ont-ils pas droit ?

Le reste du temps : errance au hasard, au gré des quais. Vieux pavés, herbes folles, dos rond des ponts en brique, hautes façades de guingois, petits ponts à bascule… Très fier de moi : je n’ai pas recours au plan, je me repère suffisamment bien. Je songe vaguement à une enquête de Bodichiev que je pourrais situer à Amsterdam (j’espérais bien que ce serait le cas, d’ailleurs, que mes balades urbano-nordiques m’apporteraient une telle inspiration). Une remarque en passant de David hier, à propos de la Banque des Pays-Bas, a été le déclic. Tout se construit ; je note des lieux, des détails, une adresse possible pour Bodichiev, je prends quelques photos, je cherche des ambiances, j’achète un petit plan pour future référence. J’adore ce processus de mise en place.

Le temps est toujours changeant, le ciel tumultueux, c’est l’ordinaire d’Amsterdam m’a expliqué Anne. Mais il fait doux & j’échappe à la pluie, alors…

Le soir : j’ai invité mes hôtes au restaurant – ils ont opté pour un délicieux indonésien. David & moi finissons ensuite la soirée dans un « café brun », l’équivalent local des pubs.