Noté le samedi 8 juin:
Après une journée de balades tranquilles à vélo (une antique horreur à la roue avant partiellement fichue, la jante déborde, le guidon est de travers & le tout grince abominablement – je me débrouille malgré tout, quoique vraiment sans foncer), à pied & en bateau, Amsterdam de long en large, nous nous rendons le soir venu à la fête organisée par un copain gay de David, qui vient de se marier avec son compagnon.
Anne & David se sont fait très beaux, David en costume de lin beige avec un petit gilet aux motifs verts & dorés, Anne en jupe-pantalon noire : sur son vélo, la jupe flottant élégamment & une main retenant son superbe chapeau rouge, assorti à son petit gilet, Anne est la classe incarnée – très Belle Epoque, même sur un deux roues on croirait qu’elle a un chauffeur.
Rozenstraat, n°8. Au dernier étage, une salle de concert – murs écaillés, mezzanine obscure, scène peinte en noir, vieux parquets… Les guirlandes qui pendouillent sur tout le pourtour de la salle ne font guère qu’accentuer l’aspect misérable des lieux, comme vaguement abandonné – cet aspect à la fois très sympathique & un peu pitoyable qui est un paradoxe habituel de ce genre d’endroits. On nous donne à chacun un petit drapeau néerlandais – Martin ou Timon, les deux mariés, devant les récupérer tous, afin d’être certains d’avoir salué tous leurs invités. De l’autre côté de la salle s’est agglutiné un petit groupe de français. Les amis de Nicole, dont une vieille aux cheveux gris qui, l’air dur quoique souriante, genre instit à la retraite, qui me lance une vacherie gratuite en guise d’entrée en matière – puis m’explique, comme s’il s’agissait d’une excuse, qu’elle est « méchante ». Je ne retiens pas son prénom et la surnomme aussitôt en mon for intérieur « the old bitch ». Sympa pourtant, quand elle le veut bien – nous essayerons d’un peu bavarder à la fin de la soirée, en dépit de la musique assourdissante.
La musique ? Quoique les garçons me semblent lamentablement rares (il n’y a visiblement presque que des couples hétéros & une poignée de lesbiennes, très/trop peu de gays, Martin & Timon sont visiblement un couple très intégré & peu porté sur les fréquentations ghetto), il y a tout de même deux flamboyants spécimens de « mauvais goût gay ». Un grand garçon blond, visage chevalin, pantalon lamé argent & petite veste de fourrure blanche ; et le DJ, un beau garçon au teint mat coiffé d’une moumoute à la Jackson Five & vêtu (à peine) d’une petite robe noire décolletée jusqu’au nombril…
Le garçon d’argent mène la danse : répétition pour l’arrivée des mariés ! Un abominable morceau de variété teutonne se met à pulser dans les enceintes & le garçon d’argent de nous indiquer les gestes à effectuer – une vraie chorégraphie disco, roulades, bras levés, etc. Le reste de la nuit sera consacré à une bande-son typiquement gay, avec un peu de techno, un peu de variété batave & beaucoup, beaucoup, de vieux tubes disco très rigolos. « I Will Survive », « Voulez-vous coucher avec moi, ce soir », Diana Ross & autres Jackson Five…
Longtemps que je n’avais pas dansé ! Mais j’aime ça. Pour sa part, David ne danse que par intermittence – mais avec une énergie & une grâce spectaculaires, il ne se contente pas de danser, de se défouler : il mime, il joue la comédie, en représentation. Rien que le regarder est un bonheur en soi. Anne est dotée d’une énergie presque inépuisable & sera parmi ceux qui danseront le plus longtemps. Moments magiques, Anne ondule sous un spot bleu/rouge, silhouette parfaite aux mouvements idéalement gracieux & en harmonie – des instants de pure beauté.