#684

Tout d’abord, un soldat thaïlandais drague gentiment un jeune fermier thaïlandais, ils sortent gentiment ensemble, vont au cinéma, jouent au foot — et c’est tout, rien d’autre. Puis le soldat regarde l’album de photo de son boyfriend… Et l’histoire change complètement, il s’agit maintenant d’une légende sur un chaman qui pouvait se transformer en animal sauvage, et qui ayant été tué par la balle d’un chasseur se retrouva bloqué sur terre sous la forme du fantôme d’un tigre. Un tigre qui tue occasionnalement encore des villageois égarés, et que traque uns odlat, dans l’épaisse jungle thaïlandaise. Tigre et soldat se livrent à une traque où l’on ne sait plkus qui est le chasseur et le chassé, l’homme et l’animal (le tigre apparaissant le plus souvent sous la forme d’un jeune homme nu, couvert de tatouages). Le soldat tente d’attirer le fantôme une nuit, et tire — sur une vache, dont le fantôme s’éloigne ensuite dans la jungle.

Non, je n’ai pas pêté un plomb: c’est le résumé succinct du très étrange (euphémisme) film que m’a entraîné voir le sieur Fabrice Colin, hier. Tropical malady. Une manière inattendue de boucler ma petite semaine de vadrouille parisienne.

La veille j’avais été voir avec mon oncle Jean The Incredibles des studios Pixar — toujours un plein bonheur, esthétique génialement décalée (très sixties pour les persos et fifties pour les décors, ainsi que pour le générique de fin à la UPA), animation époustouflante, trouvailles continuelles et humour déjanté. Avec cependant un léger bémol: beaucoup moins d’originalité que dans leurs deux précédents films, nous sommes là dans une parodie de super-héros, donc en territoire assez connu.

Et pour le reste, qu’ai-je fait? Des promenades dans Paris, bien sûr (l’enchantement doré du dôme des Invalides, les rues grises rehaussées par un rayon de soleil soudain, la Tour Eiffel à travers un feuillage rouge, les quais du canal de l’Ourcq jusqu’à La Villette), quelques librairies, et quelques expos: les photos médiumiques (Maison Européenne de la Photographie), les tableaux de Marquet sur Paris et l’Ile de France (Musée Carnavalet, quasiment à côté), Franquin dans tous ses états (ah, la Turbotraction en vrai!!), Steiglitz et l’école de New York (à Orsay, splendide expo finalement moins intéressante pour les orginaux des tirages photographiques — troubles et minuscules — que pour les tableaux les accompagnant, par des artistes peu vus en Europe comme Demuth, Dove, De Zayas ou O’Keefe, ou bien les Picabia, par exemple).

Et puis des tas de visites sinon mondaines, du moins éditoriales — boulot, SP, contrats, bavardages et plans sur la comète: Gilou chez Denoël, Audrey et Celia chez Mnémos, Thibaud chez Folio, Seb chez Calmann-Lévy, Julien dans un restau, Fab Colin au restau encore (et Caroll’ un petit peu), mon vieux copain Fred à sa galerie (Galerie Frédéric Bosser), Kloetzer par hasard dans le métro, Altairac chez lui en pleine rage de dents, JPJ et un DA sur Miyazawa… Un emploi du temps aussi chargé que passionnant et fructueux. Avec un rhume en prime — zut, fait froid dans le Nord!

#683

Hier soir

Plus assez de lumière pour lire, l’éclaboussure jaune de l’halogène n’est pas assez puissante pour que je ne m’use pas les yeux à déchiffrer les entretiens de René Laloux et de ses collaborateurs, dans le beau livre qui vient de lui être consacré. Me relevant, j’aperçois au dehors un ciel presque lovecraftien. Je me penche à la fenêtre, l’air a déjà cette odeur de fumée qu’a la ville la nuit. Des zébrures sombres tombent en guirlandes funèbres sous le coton bleu des masses nuageuses. Des veines rougeoyantes s’aperçoivent vers l’ouest, au-dessus des immeubles, blessures vénériennes des nuées crépusculaires. Les rails crient, stridentes, sous le tintement indistinct des annonces de la gare.

#682

Books, like beautiful women, live by adulation. It is not enough to praise them, and having praised to feel that their place is secure, their authors assured of immortality. Since memories are short and printed paper is not immortal, it is necessary to repat our praises at frequent intervals and in resounding tones.

Thomas Burnett Swann, sur A.A. Milne.

#680

Depuis quelques années, j’ai installé au-dessus de mon lit une étagère sur laquelle je pose les livres qui doivent être lus. Je parvenais jusqu’alors à tenir cette étagère raisonnablement peu encombrée, et ce bien que certains ouvrages y soient en fait depuis très, très longtemps (c’est le cas par exemple du I See by My Outfit, journal de voyage de Peter S. Beagle, que j’e n’ai toujours pas ouvert). Mais j’ai peu lu ces trois derniers mois, tandis que les livers continuaient à arriver de manière régulière (autant par SP que par achat, d’ailleurs). Et là l’étagère est tout simplement pleine à craquer, impossible d’y ajouter le moindre bouquin — alors que j’en ai encore reçu quatre hier (deux hardcovers de romans pour la jeunesse, le dernier prix World Fantasy et un polar pas commandé glissé par erruer par Amazond ans mon colis). Argh.

Et je n’ai pas énormément lu non plus durant mes récents congés. En fait, je n’avais pas pris assez de lecture — erreur très rare de ma part. J’ai lu plusieurs BD chez Patrick — dont l’une m’a du coup inspiré un « petit maître de la fantasy » pour Faeries, tant qu’à faire — ainsi que le dernier volume des rééditions d’Holdstock chez Folio-SF (traduit par Patrick). Cela fait un peu étrange de lire une VF, d ‘ailleurs, je n’en ai plus l’habitude et vois trop les transpositions et l’anglais d’origine. Lire en traduction est une sorte de démarche handicappée, la plupart du temps, un aveuglement volontaire au fait qu’il ne s’agit jamais que d’une adaptation. Ceci dit, j’ai aussi lu chez mes parents un Agatha Christie, L’Affaire Protheroe, et le style de Christie est de toute manière si ténu, si utilitaire, qu’une VF ne change rien.

Sinon, j’ai terminé le réjouissant Darkness at Pemberley de T.H. White — un polar de 1932, par l’auteur du Once and Future King, que j’ai eu envie de lire en reparcourant l’article de Patrick sur cet écrivain, dans le Panorama illustré de la fantasy & du merveilleux. C’est très rétro mais très original, une lecture amusante. Lu également de larges passages de la bio de Lovecraft par S.T. Joshi — je n’apprécie pas spécialement cet écrivain, mais en revanche sa vie s’avère passionnante, et les analyses de Joshi plutôt bien fichues (bien que très mal écrites).

Si j’ai manqué de lecture, c’est que j’avais pris avec moi un énorme pavé, dont je pensais qu’il allait m’occuper un long moment: Phaos d’Alain Bergeron, un thriller post-cyber québécois. Et en fait, je l’ai dévoré à grande vitesse. Il présente queqlues longueurs (des paragraphes un peu redondants auraient sans doute mérités d’être zappés), mais dans l’ensemble c’est vraiment un chouette bouquin, de l’excellent suspense cyberpunk avec tout ce qu’il faut de magouilles entre multinationales, secrets technologiques, etc. Et puis un autre roman que j’ai dévoré très vite: Blue Girl, le dernier Charles de Lint, une agréable fantasy pour la jeunesse avec tous les ingrédients habituels de l’auteur.