#1042

Jausiers. Dans le cercle des montagnes, le regard perd un tantinet le sens des proportions. Seules les maisons, toutes menues en bas, blotties dans la verdure, permettent de réaliser l’immensité de l’Auguste Personnage qui, balayant tout le flanc montagneux de sa traîne brumeuse, avance à pas majestueux dans le ciel. Son visage se perd au sein des nuées mais ses épaules et le mouvement de son corps se distinguent aisément, au déplacement de sa cape de blanche pluie. Un dieu passe.

#1041

Jausiers. Basses-Alpes seulement de nom. Le citadin que je suis redécouvre chaque fois la montagne avec un peu d’émerveillement. Pique-nique en altitude au bord d’un torrent, paradisiqaque. Une cascade, une foumilière d’aiguilles de pin, une petit île de galets, le vaste tapis de la prairie. Les sapins qui descendent jusqu’au bord de notre alpage sont d’une douceur de peluche, les aiguilles si vertes et si douces: ce sont des épinettes, m’apprend mon guide (presque) indigène. Le lendemain, promenade de l’autre côté de la frontière. Bien nommé Piémont, où la montagne s’interrompt soudain pour laisser place à la plaine. Cité de Cuneo, j’emplis mes yeux et mes poumons d’une ville que je ne connaissais pas, toute de voûtes ombragées, d’églises romanes au portail baroque, de façades isabelle et de murs roses. Une librairie: en Italie aussi, ils ont des « hardcovers ». Bon sang, somme-nous donc le seul pays assez sot pour ne pas publier de ces beaux ouvrages reliés « en dur »? Quelle tristesse. J’avais déjà constaté tant aux Pays-Bas qu’en Catalogne que les « Hardcovers » existent là-bas aussi. Quelle absurdité culturelle fit que les éditeurs français ne lancèrent jamais ce format?