À l’image de celle des humains, les livres forment une sorte de société. Les ouvrages de politique correspondent aux législateurs, de droit aux magistrats et aux hommes de loi, ceux de théologie au clergé, et ainsi de suite. Remontant par une longue et illustre suite d’ancêtres à Orphée, la poésie serait l’aristocratie ; et le roman représenterait la bourgeoisie, puisque, comme elle, il a pris tant d’importance au dix-neuvième siècle. Et le roman policier ? Lui, c’est le bâtard, l’aventurier. (…) Commes les aventuriers, il se mêle à toutes les classes de la société : on le trouve aussi bien dans la loge de la concierge des faubourgs que dans le salon, tout en chromé et en miroirs, de la femme à la mode ; il se dissimule sous les dictionnaires du lycéen, ainsi que sous les manuscrits de l’intellectuel.
François Fosca, Histoire et technique du roman policier (Nouvelle Revue Critique, 1937)