Den Haag 3
Pour mon troisième jour de voyage, je pris la direction de La Haye: je devais y séjourner une semaine. La veille, dans le métro avant de nous séparer, Pierre Pevel m’avait confié qu’il « entendait » encore dans sa tête la voix de Patrice, mais que ce qui l’attristait était de savoir fort bien que cette petite voix particulière allait s’estomper rapidemment. Je me suis souvent fait cette réflexion: ce que l’on perd en premier, ce sont les voix. Sans doute le particularisme le plus personnel d’un individu. Ainsi ai-je perdu depuis longtemps l’accent rocailleux de Mère-poule, la maman de ma marraine. Ou la douceur de Boum-boum, mon grand-père paternel (oui, dans la famille les surnoms étaient souvent assez étonnants). Et déjà du vivant de Patrice, je perdais sa voix, éraillée comme elle était devenue dans les derniers mois. Lisant hier soir le texte de l’excellente interview qu’avait fait Richard Comballot, je n’y entendais pas Patrice. Mais enfin, je me console en me disant qu’avec tous ses enregistrements, tous ses documentaires aussi, la voix de Patrice n’est sans doute pas tout à fait perdue.
Direction La Haye, donc. Une semaine pour écrire (je dois continuer mon deuxième roman). Je fais des choses étonnantes, disais-je en ouverture de ce « travelogue ». Mais peu sont aussi inhabituelles, certainement, que d’aller vivre dans une Nonciature apostolique!
(à suivre)