#1214

C’est certain: sauver le patrimoine de l’Imprimerie Nationale importe peu aux candidats à la présidentielle, et Chirac n’avait déjà rien fait après la pétition qui de 21 000 personnes à ce sujet… En février 2006, Élisabeth Badinter, Yves Bonnefoy, Roger
Chartier, Jacques Rigaud, Bernard Stiegler et Michel Tardieu revenaient pourtant sur le sujet, en publiant dans Libé un appel qui
demeure, un an après, d’une actualité et d’une pertinence éclatantes. Amoureux du livre, allez donc faire un tour sur le site de Graphê, l’association qui se bat pour sauver ce patrimoine incomparable.

Strictement sans rapport: David Sylvian, le crooner british, fait aussi de la photo et ça vaut le coup d’oeil.

#1213

Den Haag 4

Vous voyez le style de manoir que l’on voit dans des épisodes de « Chapeau melon » ou de « Amicalement vôtre »? Avec un lourd escalier de bois sombre partant du hall pour rejoindre une mezzanine aux lourdes balustrades sculptées qui fait tout le tour? Eh bien, la Nonciature apostolique de La Haye, ce’st cela. Et immense, bien sûr, des salons et des chambres de tous les côtés. Avec de grandes fenêtres et, bien spouvent, des demi-pièces vitres séparées du salon par des panneaux coulissants. Comme dans tout châteaux qui se respecte, il y a le salon rouge, le salon bleu, le salon jaune, etc.

Mon parrain, le nonce, est venu me chercher en limousine conduit par son chauffeur, un Colombien tout sourire prénommé José. À deux pas du centre (minuscule), la Nonciature est logée dans une rue calme derrière la silhouette néo-gothique du Tribunal International, pour le coup un véritable château, immense et impressionnant. Des bois entourent la Nonciature: le quartier des ambassades occupe un bout de forêt. Des mouttes criaillent dans el ciel et, tous les matins, je serai réveillé par des vols de canards.

(à suivre)

#1211

Den Haag 3

Pour mon troisième jour de voyage, je pris la direction de La Haye: je devais y séjourner une semaine. La veille, dans le métro avant de nous séparer, Pierre Pevel m’avait confié qu’il « entendait » encore dans sa tête la voix de Patrice, mais que ce qui l’attristait était de savoir fort bien que cette petite voix particulière allait s’estomper rapidemment. Je me suis souvent fait cette réflexion: ce que l’on perd en premier, ce sont les voix. Sans doute le particularisme le plus personnel d’un individu. Ainsi ai-je perdu depuis longtemps l’accent rocailleux de Mère-poule, la maman de ma marraine. Ou la douceur de Boum-boum, mon grand-père paternel (oui, dans la famille les surnoms étaient souvent assez étonnants). Et déjà du vivant de Patrice, je perdais sa voix, éraillée comme elle était devenue dans les derniers mois. Lisant hier soir le texte de l’excellente interview qu’avait fait Richard Comballot, je n’y entendais pas Patrice. Mais enfin, je me console en me disant qu’avec tous ses enregistrements, tous ses documentaires aussi, la voix de Patrice n’est sans doute pas tout à fait perdue.

Direction La Haye, donc. Une semaine pour écrire (je dois continuer mon deuxième roman). Je fais des choses étonnantes, disais-je en ouverture de ce « travelogue ». Mais peu sont aussi inhabituelles, certainement, que d’aller vivre dans une Nonciature apostolique!

(à suivre)

#1210

Joli projet littéraire à suivre: une correspondance imaginaire de Lovecraft avec Robert E. Howard…

« H.P. Lovecraft est mort. Une part occultée de sa correspondance remonte à la surface. Il était temps. Double Styx. »

Lu hier matin le somptueux et bouleversant Journal d’un fantôme de Nicolas de Crécy, sans doute la plus belle bande dessinée que j’ai lu depuis longtemps. Graphiquement abondante et fascinante, scénaristiquement elle parvient à être à la fois intellectuellement provocante et émotionnellement touchante.

À un moment, parlant des palais en ruine d’une ville brésilienne, Crécy dit qu’ils prennent « un aspect presque végétal ». C’est bien vu et cela rejoint une expression anglaise que j’aime pour l’image si juste qu’elle donne: « going to seed ».