#1480

Jack, un peu de la suite…

Si nombreux sont les événements d’origine surnaturelle, en fait, que certains détectives ont pu se spécialiser dans leur étude (nous penserons ici à Thomas Carnacki dans les années 1910 et à Harry Dickson dans les années 1930), et que fantômes, goules et démons sont détaillés quartier par quartier dans plusieurs ouvrages tout à fait sérieux. À en croire certaines sources, il se pourrait même que la reine Victoria ait créé, en 1879, un institut spécialisé dans l’étude de tous les phénomènes situés en dehors de la sphère du normal : Torchwood.
Quartier populaire s’il en fut, l’East End connaît depuis toujours son lot de monstres en tout genres — et notamment, de manière assez cocasse, de fantômes hantant des pubs ! L’affaire de ce genre la plus célèbre est sans doute celle du Black Swan, sur Bow Road, au cœur du Londres cockney. Le 23 septembre 1916, le pub d’origine fut dévasté par la bombe lâchée par un Zeppelin, lors d’une des toutes premières attaques aériennes de Londres. Quatre personnes furent tuées — les deux filles du propriétaire (âgées respectivement de vingt et vingt-et-un ans), le bébé de la plus âge des deux filles, et sa mère. Le pub fut reconstruit, mais les fantômes de Cissie et Sylvia Reynolds, les deux jeunes filles, se mirent à le hanter. En 1974 encore, la cave du Black Swan avait une réputation inquiétante et le berger allemand du nouveau propriétaire refusait d’y descendre.
La même année 1974, un autre pub de Bow Road, le Bow Bells, vit ses toilettes hantées par un esprit farceur. Sur Hackney Road, c’était le Nag’s Head qui était hanté, à la fin des années 1960 : une femme portant un châle gris sur sa longue robe victorienne s’apercevait de temps en temps dans la cave. Une séance de spiritisme apaisa cet esprit. Il en alla de même en 1979, au Driver’s Arms de Mile End, où il s’avéra que logeait un esprit frappeur victorien désapprouvant que les femmes boivent de l’alcool.
Dans tous ces cas, et de nombreux autres, il ne s’agissait que de simples hantises… Mais plus sinistre fut le cas du vicaire de Ratcliff-Cross. De son vivant, ce sinistre individu profitait de sa double position de clergyman et de propriétaire d’une pension pour marins, pour tuer nuitamment ses clients les plus fortunés, et jeter leur corps dans le fleuve. Les crimes du vicaire devinrent si célèbres que, deux cents ans après les faits, une telle superstition s’attachait à Ratcliff Wharf qu’aucun navigateur ne voulait s’en approcher seul — et que le dock fermait à cinq heures de l’après-midi. En 1971, un ouvrier de la construction vit qu’un étrange vieux gentleman l’observait de loin. Habillé d’un curieux costume noir avec un haut col, portant des guêtres et s’appuyant sur une canne, l’individu avait de longs cheveux blancs. Intrigué, l’ouvrier se retourna en direction de l’eau, pour voir ce qui pouvait tant intéresser l’homme en noir. Quand il reporta son attention sur ce dernier, n’ayant rien vu, le vieil homme avait disparu. D’autres témoins virent à leur tour le vieil homme en noir, durant les jours qui suivirent, et c’est dans un climat malaisé que s’acheva le chantier. Quoi qu’il en soit, ces apparitions furent tardivement dénoncées comme une invention d’un journaliste, Frank Smyth. Pourtant, ce qu’ignorait le plumitif, c’était qu’il existait pour de bon un fantôme ! Dans le quartier, on disait que le vicaire de Ratcliff n’apparaissait que durant les nuits d’été —les prétendues apparitions de 1971 se firent durant plusieurs dimanches matins de juillet.

#1479

Jack, début (sans les notes de bas de page)…

Avant toute chose, pour entamer une étude de Jack, il convient d’examiner sa seule parcelle d’identité connue : son prénom.
Jack.
Pour un lecteur français, ce bref prénom n’évoquera aucune résonance culturelle particulière. Mais pour un Anglais ! Ouvrons le Brewster Dictionary of Phrase & Fable, cet incroyable compendium de la culture populaire britannique à travers ses noms et ses phrases. À la lettre J : deux pages et demi de « Jack ». Eh oui, car voici un nom qui recouvre bien des choses dans l’imaginaire de l’archipel britannique… Diminutif traditionnel du prénom John, Jack est devenu un terme générique pour les garçons, les hommes, les maris… bref, tous les mecs, et une forme familière d’adresse en sein des marins, ouvriers et autres membres masculins des classes laborieuses. Appliqué à un animal, Jack signifie « mâle ». Appliqué à certains articles, le mot connote en général une petitesse, une infériorité d’une espèce ou d’une autre : ainsi un jack est-il par exemple un drapeau de petite dimension (installé sur le jackstaff à la proue d’un navire : d’où la désignation d’Union Jack pour le drapeau britannique). Enfin, un jack est le nom de nombre d’objets et d’outils qui rendent inutile l’usage d’un assistant.
Jack : quatre lettres pour tout désigner.
Jack Adams (un idiot), Jack-a-Dandy (un snob), Jack-in-office (un officiel pompeux), Jack-o’-lantern (un feu follet), Jack Sprat (un nain)…
Et le matériau des légendes, aussi : Jack, dans le folklore, c’est celui qui grimpe sur la hampe géante de haricot pour atteindre le pays des géants dans les nuages (et y dérober la poule ou l’oie aux œufs d’or) ; c’est celui qui se vante d’en avoir tué « sept d’un coup » (des mouches, pas des géants) ; c’est la personnification du vent d’hiver (Jack Frost) ; c’est le petit gars qui monte une colline avec sa copine Jill pour aller chercher de l’eau (une nursery rhyme) ; c’est le « Petit Jack Horner » qui vole une prune (une autre nursery rhyme) ; c’est le Jack-in-the-Green des fêtes de ramoneurs du 1er mai (une forme adolescente de l’Homme vert) ; c’est Jack l’immortel farceur (trickster), toujours en difficultés mais toujours présent…
En résumé, Jack signifie « mâle », avec souvent une connotation de ruse, de débrouillardise… Et qui dit homme rusé, dit que le Diable n’est pas forcément très loin… D’ailleurs, il faut bien dire qu’à Londres, au moins, il n’est jamais bien loin.
Ainsi, en 1189, les braves citoyens de Londres décidèrent de réaliser un sacrifice des Juifs de la ville « à leur père le Diable », un holocauste qui occupa les habitants durant plus d’une journée…
En 1221, des créatures volantes maléfiques furent observées au-dessus de la ville, de « méchants esprits dragons ».
Si grande était la crainte du Diable dans laquelle se trouvaient les Londoniens que les plus riches d’entre eux avaient pris la coutume, à l’époque médiévale, de se faire enterrer dans une bure de moine dominicain — pour mieux éloigner les démons. Enfin, les témoignages abondent, à toutes les époques, d’apparitions diaboliques à Londres. « L’un des devoirs du Diable est de parcourir les prisons. Coleridge et Southey l’imaginaient en train de faire le tour de la fameuse Coldbath Prison, et d’admirer l’intérieur des cellules d’isolement. Byron appelait Londres le ‘salon du Diable’. ».

#1478

Terminé les maquettes de Conan et de Fiction tome 8 (du moins, dans l’attente du retour des corrections d’épreuves). Idem depuis un bon moment pour le Nouveau Cabinet des fées (mais les épreuves corrigées par un érudit helvète semblent avoir été perdues par la poste, darn!). Le hardcover d’Avant l’Hiver de Léa Silhol vient enfin d’arriver (retardé deux fois par un imprimeur interloqué par la jaquette — ça nous apprendra à faire arty). Le Malaussène est déjà chez l’imprimeur. Et j’ai fait la base de maquette d’un agenda pour une asso. Je suis donc provisoirement libéré de ce type de travaux… En route pour l’écriture!

J’avais bien prévu de consacrer mon mois d’août à l’écriture, et c’est un véritable plaisir. Chaque fois que j’attaque un gros projet, je ressens une douce excitation, les doigts qui me démangent et le cerveau qui pétille… Enfin, quelque chose comme ça. Installé donc hier matin le petit ordi sur la table du salon (plus de place pour étaler la doc, et quelques degrés de moins dans cette pièce par rapport au bureau). Tâches du mois: enfin finir le Jack l’Éventreur, enfin finir Science-fiction, les frontières de la modernité. Écrire une nouvelle (si possible). Faire un article. Yeah!

#1476

Routine actuelle: chaque matin, lire vingt ou trente pages du nouveau roman de Xavier Mauméjean, Lilliputia. En écoutant un peu de Satie, pour ponctuer le calme matitunal. Solitude d’été, rien ne bouge.

Oeuvre étonnante, décollant du réel pour brosser la fresque d’une cité factice toute peuplée de nains parfaits, de petites personnes réunies là pour les besoins d’un immense parc d’attraction. Réalisme magique, je pense à Mark Helprin, à Roland Fuentès, à Rhys Hugues. Et suis fasciné par cette lecture inorthodoxe, qui se savoure et ne cesse de me surprendre.