Achats culturels: le nouvel album de Jean-Phillipe Goude (grave et beau, tellement beau) et le DVD de Peur(s) du noir. N’allant quasi jamais au ciné (trop cher, trop loin, flemme) je n’avais pas fait exception non plus pour ce film, mais l’attendais avec pas mal d’impatience… et ne suis pas déçu, ô non. Mamma mia, c’est même su-per-be. Autant un DVD du même acabit que j’avais acheté en début d’année (j’sais plus le titre, je l’ai prêté) allait du médiocre au lamentable, avec comme seule exception la première séquence, d’après François Avril (où c’était fidèle au trait de l’artiste et où ça bougeait à peu près), autant donc cette fois c’est waouh! Blutch impec, Burns totalement Burns, Mattotti tout simplement renversant. Y’a que la séquence par Marie Caillou sur scénario de Slocombe qui ne m’a pas réellement séduit. Mais je n’ai jamais aimé les trips de Slocombe. Quant aux séquences intermédiaires de Disciullo, abstraites et admirablement contées par Nicole Garcia, elles sont surprenantes, marrantes comme tout et d’un réjouissant politiquement incorrect! (ah, le coup du centre gauche). Tout ce film est d’ailleurs plus souvent drôle que véritablement effrayant, en définitive, même si c’est sur le mode soit ironique soit tendre.
Archives mensuelles : septembre 2008
#1503
À force d’écrire sur l’histoire de la SF, les Terres creuses et tout ça, j’en viens à faire des rêves étranges… Là j’avais été invité au bord de la mer par Patrick Imbert, et depuis le balcon de son bungalow la grande eau le soir venu avait acquis une splendide teinte d’un bleu foncé, très foncé, presque lumineux au ras de l’horizon. Nous repartions en deux-chevaux, roulant dans les collines, quand soudain une immense lueur attirait notre attention. Et, au détour d’un virage, en haut d’une de ces collines, soudain nous apercevions d’où provenait ce halo lumineux: non pas d’une ville, mais d’un groupe de collines, qui semblaient éclairées par-dessous. Elles étaient translucides, chaque brin d’herbe, chaque arbre, se détachant avec précision sur ce fond d’un jaune chaleureux. Au sommet d’une des collines, se distinguait même l’ouverture de la Terre creuse: un cercle plus sombre. Bien entendu, nous décidions d’aller explorer cette merveille, le moteur de la deuche vrombissant dans la descente — et se transformant en le ronron d’un petit chat, qui me réveilla, me privant de cette aventure.
#1502
C’est épuisant. Une fois de plus, je rentre claqué: réunir sur 4 jours plein de rendez-vous + une journée de cours + une conférence, y’a pas… c’est aussi passionnant que trrrrès fatiguant. Même manger au resto, ça me fatigue vite. Et tout ce monde, plein les rues, plein le métro, plein partout, brrr. J’suis content de retrouver mon chez moi. Même si voir tout ce monde est utile – plaisant – intéressant, et le fait de donner cours et conf toujours une activité qui m’amuse beaucoup — l’impression de faire un petit one man show. Mais tout cela force nettement ma nature casanière et agoraphobe, tout de même, et s’accompagne donc, non pas de trac (je n’en ressens aucun) mais d’un stress, d’une vague et permanente tension qui m’use vite. Sans parler du fait que Jean m’a un peu refilé de son inquiétude pour la famille de mon cousin — qui sont en banlieue de Houston, donc en zone d’ouragan la nuit dernière (ça va: pas de bobo).
J’avais emporté deux romans, mais je suis vraiment contrariant, en ce moment, niveau lecture. Je n’arrive décidément pas à me remettre aux romans. Du coup, hier soir à l’hôtel et dans le TGV ce matin, j’ai lu à la place l’excellent huitième numéro de Comix Club, que JPJ venait de me donner, et puis Fat Chance de Simon Gray, que Jean venait de me prêter. 126 pages, brillantes. Simon Gray y relate, quasiment à chaud, le mauvais coup que lui fit Stephen Fry fin 1995: mon acteur-écrivain fétiche abandonna soudain la pièce de Gray où il jouait avec Rick Mayall. Il s’est depuis expliqué sur cette terrible poussée dépressive, et Simon Gray livre dans Fat Chance au jour le jour l’écriture puis la mise en scène puis l’effondrement de Cell Mates, sa pièce. C’est remarquablement bien écrit, d’un degré stupéfiant d’attention aux autres et d’équanimité finalement face à une situation assez odieuse, et passionnant — moi qui ne suis guère porté sur le théâtre (euphémisme), je découvre avec grand intérêt les coulisses de cet art. Et puis, justement, j’avais regardé il y a peu The Common Pursuit, un téléfilm adaptant une pièce de Simon Gray avec Stephen Fry dans l’un des rôles principaux. Je m’apprête à en voir une autre, également avec Fry, et Simon Callow en plus. Simon Gray (récemment décédé) est définitivement un auteur qui m’intéresse.
#1501
Troisième jour parisien, demain après-midi je poursuis ma route vers Liévin (conférence en bibliothèque, sur l’histoire de la fantasy), via Lille bien sûr.
Après-midi libre aujourd’hui: j’ai donc utilisé mes deux derniers billets gratuits du Musée d’Orsay pour aller me promener, une fois de plus, dans ce palais des merveilles, en compagnie de mon ex coloc / ex gérant des Moutons. Et j’ai beau explorer le Musée d’Orsay presque à chacun de mes passages lutéciens, c’est sidérant j’y découvre encore de nouvelles choses. Sans parler de celles que je redécouvre. Un petit tableau d’Alger noyé de lumière ; une immense toile symboliste hallucinante de couleurs, « Le chevalier aux fleurs », à ce point mièvre qu’il en devient génial, une vision psychédélique ; les plaques en zinc du théâtre d’ombre du Chat noir (avec, ah ah, Barrès et Mauras, en compagnie de Sardou !) ; Tim Burton est un petit joueur à comparer avec les décors découpés de Morin ; revoir « en vrai » le Vlaminck dont j’ai une repro dans le salon ; et la scène nocturne de Winslow Homer ; et le mobilier Art nouveau… bref, je ne m’en lasse pas. Quant à la petite expo d’aquarelles, très belle révélation le trait d’Eugène Boudin, quasi cubiste ; et un Jonkind noyé de bleu(s). Ces croquis, ces esquisses, font de formidables oeuvres en elles-mêmes, nettement plus personnelles et originales, en réalité, que les tableaux achevés. Tout à fait comme avec les préparations de Turner, l’oeil (post-) moderne interprète ce qui n’était censé être que vite jeté, inachevé, comme des créations fascinantes et toujours d’actualité, presque d’avant-garde encore. Seule l’idéologie d’une époque empêchait Boudin ou Jonkind de donner libre cours à si expressif et personnel style.
#1500
Paris, donc. RDV avec le boss de la Fnac pour les rayons polar-SF-fantasy. Leur nouveau siège social étant situé sur les quais d’Ivry, j’en profite pour m’y rendre tranquillement pedibus cum jambis, depuis la gare de Lyon. Toute cette zone est passionnante et il y a un moment déjà que je voulais la voir de pus près…
La ville s’y réinvente, en véritable labo d’architecture contemporaine. Oh, pas grand-chose de révolutionnaire, même leur « biopark » semble n’être que des bâtiments assez traditionnels couverts de verdure, mais quoi, ce sont tout de même de baux édifices neufs. Au retour, n’ayant finalement personne avec qui déjeuner, je pénètre un peu plus avant dans ce quartier Tolbiac. Découvrant la fac Diderot (qui a sauvegardé au moins une partie des bâtiments des Grands Moulins de Paris) et l’école d’architecture. Cette dernière semble conçue comme un plateau portant des exemples en vrac de tendances actuelles, des formes compactées en un seul édifice étonnant, en joli contraste avec le corps de brique rouge corseté de tringles en métal d’un ancien siège industriel, celui du « gaz comprimé », que la fac englobe également. Tolbiac n’a plus rien du Paris de Burma, c’est tout un orgueilleux surgissement d’immeubles de verre et d’acier, et partout des jeunes mâchant des sandwiches.
Ayant tourné dans le vieux 13e, je rédige ces notes assis sur un banc au côté de l’église Ste Jeanne d’Arc. « Patronne secondaire de Paris », whatever it means. Je pense aller ainsi jusqu’au 5e et chez Mnémos, pour faire (au moins aujourd’hui) de ce séjour parisien l’occasion d’une déambulation urbaine, en plus de mes RDV.
Marcher à pas lent, le regard en éveil pour les beaux immeubles et les jolis garçons — d’un seul mouvement esthétique. Là est mon évasion, de temps en temps, en rupture de ma casanière existence. Je ne suis qu’un passant, à qui bien douce semble la vie des étudiants qui sirotent leur verre de vin rouge aux terrasses de la place de la contrescarpe.