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C’est avec une certaine jubilation que j’avais découvert, faisant la « post-production » du Bibliothèque rouge consacré à James Bond, que le fameux espion britannique avait habité dans sa jeunesse, avec ses parents, dans la région de Chinon. Déjà, j’avais glissé dans l’icono du Hercule Poirot une photo de famille (afin d’illustrer la tenue des infirmières de la Première Guerre mondiale) et, dans celle du Maigret, une photo du port de Nantes fournie par mon oncle Nérisson. Cette fois, cette sorte de clin d’œil personnel invisible au grand public pris donc l’aspect d’un petit paragraphe sur Chinon et d’une gravure l’accompagnant, œuvre du peintre James C. Richard, qui était un ami de mon grand-père.
Tout cela pour dire que ma famille (paternelle) trouve ses racines en cette petite ville de Touraine. Serré entre la Vienne et le coteau où s’érige son château, ce bourg médiéval a vu passer Richard Cœur-de-Lion, Jeanne d’Arc et, son enfant le plus célèbre, Rabelais. Si le grand-père de Bruno B. Bordier y avait une entreprise de vente de bois, le mien tenait pour sa part une boutique d’opticien, tandis que mes arrières grands-parents avaient fondé le Grand Hôtel.
Je travaille au quotidien sous une affiche représentant Chinon vu depuis l’autre rive de la Vienne, une œuvre de James C. Richard bien entendu (datant de 1925). Sur cette grande illustration, comme sur toutes les représentations de la ville, le château est cette présence à la fois imposante et presque fondue dans la roche, celle de tours et de murailles ruinées, de murs pointant vers le ciel.
Eh bien, ce ne sera plus jamais le cas. Dans une démarche d’ambition inédite, le Conseil Régional a entrepris ces dernières années… le reconstruction du château ! Certainement, depuis Viollet-Leduc notre patrimoine n’avait jamais subit tel assaut. Et avec la montée des murs, la pose des toits, la reconstruction même, à l’autre extrémité du coteau, du fort Saint-Georges (qui était presque invisible tant il était en ruines), c’est le visage qui l’on croyait immuable de la bourgade de mon enfance qui change irrémédiablement.
En suis-je chagrin ? Well… I’m of two minds, on the subject. L’impulsion d’un tel chantier me semble relever plutôt du besoin d’attirer le touriste que de la recherche scientifique. Avec le danger de Disneyland-iser notre patrimoine historique au nom de cette « rentabilité » qui obsède depuis peu les pouvoirs publics. Certes, pour une fois on n’aura pas socialisé seulement les pertes mais également les profits — je n’imagine pas que les recettes soient gérées par un organisme privé, tout de même. Mais enfin, j’avais la curiosité de visiter ce site renouvelé — dont même le nom a subit un commercial lifting, puisque celui que l’on a toujours appelé le « château de Chinon » se nommerait désormais la « forteresse royale de Chinon ». Ce devait être mon quatre ou cinquième tour au château, et l’entrée provisoire par les douves est finalement ce qui m’a le plus amusé. Pour le reste seules les salles basses des logis royaux se visitent déjà, pas l’étage, et l’intérêt d’une telle reconstruction ne m’a pas frappé clairement, tout cela demeure assez anecdotique. Plaisant, mais de quelle (coûteuse) nécessité ?
Broutilles que tout cela. Il me semble que la seule VRAIE question est : le grand-père de Bruno B. Bordier était-il biglous et aurait-il pu fréquenter la boutique du grand-père Ruaud, où la grand-mère Ruaud (qui tenait la caisse) lui aurait tapé dans l'œil et je suis sûr que tout le monde a compris où je voulais en venir ?
Chinon n'est pas la seule « victime » de ce besoin de reentabiliser les lieux historiques. J'ai récremment visité le château de Nantes, lui aussi réhabilité, et celui de Sarzeau dans le Morbihan, auquel on a fait subir le même sort que Chinon, pour la même nécessité. Il doit y en avoir d'autres.