Curieux paradoxe qu’au moment même où l’on nous annonce la mort du livre en papier (annonce ma foi qui me paraît fort crédible lorsque je consulte les chiffres de vente), soit né aux États-Unis un mouvement de rééditions luxueuses et ultra soignées, sous la forme d’intégrales en hardcover, du patrimoine des comic strips. Je crois avoir déjà exprimé ici mon délice de lire en grand et beau et complet format les Rip Kirby d’Alex Raymond, par exemple, ou les King Aroo de Jack Kent. Les deux firmes IDW et Fantagraphics font dans le domaine du strip un travail extraordinaire. Et voici que je reçois le premier volume des Pogo de Walt Kelly. Mon bonheur est complet: chaque dessin, le moindre crobard de Kelly, est un pur délice pour l’oeil. Depuis des années, j’achète de temps en temps des Pogo jamais complets, en divers formats, j’ai même dans un carton le « Gag de poche » Dupuis autrefois traduit/adapté par Yvan Delporte. Mais là, ah! C’est le bonheur, je ne trouve pas d’autre mot.
Et vu l’épaisseur du volume, je ne suis pas prêt de le ranger, je crois, le temps de tout lire — ce qui est aussi bien, car franchement je n’ai plus du tout d’espace chez moi pour les bédés, ce qui ne manque pas de m’ennuyer vu le nombre que j’achète. Hum, voyons voir, il y aura en tout 12 volumes des Pogo… ça va faire près de 40 cm d’étagère! Ouch. Et moi qui n’arrête pas d’acheter des bédés, c’est affreux. Mon goût pour Walt Kelly provient en partie de la séduction qu’exerce sur moi tout le domaine de la BD animalière (et non, crétin de ministre, Babar n’a jamais été une bédé). L’autre jour l’ami JPJ, connaissant ma faiblesse, m’a d’ailleurs conseillé deux albums anglais de la collection « DFC Library » (des bédés dans le format français, publiées outre-Manche par un petit éditeur pour la jeunesse). J’ai déjà lu Super Animal Adventure Squad, hilarant de bêtise et d’absurdité, et je vais me plonger dans le dessin à la fois clair, précis et surchargé de Baggage des Etherington Brothers. Franchement, c’est le genre de créations que Dupuis devrait publier, plutôt que la minable soleillerie Zarla que je subis actuellement dans les pages de Spirou…
Ah, et puis j’ai adoré 10 petits insectes dans le brouillard, de Cali & Pianina chez Sarbacane. J’avais été attiré par la couverture, le dessin et les couleurs sont très étranges, la narration gentiment absurde, c’est fascinant. En rangeant vaguement ma bibliothèque de bédé, l’autre week-end, je constatais d’ailleurs avec effroi que la disparition de la maison Carabas m’avait privé de certaines de mes séries favorites de ces dernières années: Arbreville d’Éric Sagot, Georges Frog de Phicil & Drac, Nébulo de Zébé… Encore des oeuvres, d’ailleurs, que j’aurai bien vu chez Dupuis, vu les traditions graphiques auxquelles elles se rattachent. Tout fout le camp, mon bon monsieur.
10 Petits Insectes dans le Brouillard -bande annonce- from Philippe Valette on Vimeo.