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Deux photos, l’une jaunie, l’autre rosie et pâlie, qui surgissent du lointain passé — la fin des années 1970. Deux photos qui n’ont guère de sens que pour moi mais que je peux tenter d’expliciter un peu. Le contexte technologique : la commercialisation en 1977 d’un appareil photo, le One-Step de chez Polaroïd, qui permettait le développement presque instantané d’une photo. Une fois pris le cliché, il fallait extraire l’espèce de petit sac, le secouer pour étaler l’émulsion, le secouer encore, attendre une minute ou deux, ouvrir le sachet… et voilà ! Une photo carrée, mal teintée, qui se mettait à pâlir très vite… mais une photo « instantanée », miracle de la science. Il faut dire qu’elles vieillissaient bien mal, ces émulsions industrielles à bas prix, comme le prouve l’autre cliché, pourtant pris pour sa part avec un appareil classique, et d’aspect désormais plus piteux encore. Le contexte géographique : Cergy-Pontoise ville nouvelle, fleuron d’une urbanité neuve rêvée par l’ère Pompidou, une version revisitée seventies de la ville à la campagne, dans le nord de la région parisienne. La petite maison de mes parents, dans le quartier des Touleuses, possédait un microscopique jardin. Sur la première photo, l’on aperçoit à ras de terrasse la table de jardin et quelques arbustes. Sur la seconde, la haie de troènes qui clôturait cet espace réduit, avec la rue derrière et un petit immeuble au-delà, en frontière du bois. C’est dans cet immeuble qu’habitait alors le premier garçon qui me révéla, clairement, que je préférai le sexe masculin. Il avait neigé : nous étions donc en février, il neigeait à Cergy souvent au mois de février, semble-t-il me souvenir. Le froid humide, la pointe d’excitation, le décor transformé, la lumière blanche. Quel âge avais-je ? Quatorze ans, quinze peut-être.

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