Arrêtez-moi si je sors des banalités, mais… Pourquoi somme-nous si attaché à ce qu’une histoire « se termine bien »? Il n’y a pas de happy ending dans la réalité: en fin de compte, nous mourrons tous. Est-ce que raconter des histoires est une manière de réinventer l’ordre naturel, en lui forgeant une fin heureuse? Flaubert pour sa part avait fait en sorte d’allier le « racontage d’histoire » avec un véritable réalisme, dans Madame Bovary, puisqu’on y suit les personnages principaux jusqu’à leur mort.
Admettons cependant que Madame Bovary, pour esthétique et bouleversante qu’elle soit, n’est pas exactement ce que j’appellerai une « bonne histoire »… Tandis que le camarade Calvo, lui, dans son recueil Acide organique, me semble somme toute trouver une belle manière de jouer le jeu de la fiction tout en ne conduisant pas le processus du happy ending: il met en scène des tournants de vies, les rend totalement subjectifs et ne tranche ni ne juge, ne conclut pas puisque la vie demeure ouverte. « La bêtise consiste à conclure », affirmait Flaubert.
Nous sommes bien obligé d’apprécier l’existence au temps présent, instant par instant, il faut s’efforcer de profiter des instants heureux car construire des projets est essentiellement un leurre: tout ce que nous faisons peut toujours être interrompu, à tout instant, par notre propre mort ou par celle des autres. La semaine dernière j’ai récupéré un copain aux urgences — rien de grave, heureusement. Aujourd’hui, je vais aller voir un autre copain, opéré d’urgence pour une thrombose — ça semble aller, heureusement. Mais qui sait si demain? J’ai tendance à souvent me dire « car rien n’a d’importance » — mais si: savourer le moment. Oui, je sais, ce sont des banalités.
Mon mantra:
« Par réalité et par perfection, j’entends la même chose » Spinoza. On en revient toujours là.