« Le Grand Meaulne » d’Alain-Fournier fait partie de mes romans « cultes », assurément. J’avais d’ailleurs été ravi lors d’un séjour bordelais de dénicher l’essai sur cet auteur par Michel Sufran — formidable écrivain du cru, un très grand monsieur des lettres françaises, même si (presque) personne ne le sait. Et dédicacé par Sufran, en plus, l’essai. Bref. J’aime également beaucoup les « Disparus de Saint-Agil » de Pierre Véry — et j’en ai vu l’adaptation ciné il y a quelques temps, avec grand plaisir. Tout cela pour dire qu’avec de telles influences inscrites d’entrée dans son introduction, je m’attendais à aimer « Camelot » de Fabrice Colin — oui, encore un nouveau Colin, cet homme va bientôt entrer en combustion spontanée, tiens, dans l’équivalent écrivain des victimes de la comédie musicale de Buffy. Mais je m’égare.
Eh bien, oui, bien sûr: j’ai beaucoup aimé « Camelot ». Sans « mais » à venir dans ce laïus. Ce roman classé en jeunesse est une fois de plus un petit bijou douloureux, tendu, plein d’une sombre poésie. C’est pas un rigolo, Colin, la plupart du temps. Et ses persos, qu’ils soient mômes ou adultes, souffrent souvent de désordres psychologiques, d’attirances morbides, d’llusions de grandeur… Le jeune Arthur, ici, ne faisant pas exception. Je ne sais ce que pensent les ados de telles oeuvres — mais, depuis le temps, un éditeur comme l’École des Loisirs a solidement placé le style « triste mas beau » au sein de la littérature jeunesse, et pas mal d’autres éditeurs suivent désormais — tel Seuil, puisque c’est au Seuil que sort « Camelot ». J’imagine quand même que pas mal de mômes vont lâcher des larmes dans les dernières pages — salaud, Colin, tu fais pleurer les enfants! Mais, eh, être bouleversé par un roman, c’est plutôt gage de la qualité d’icelui, non? D’autant que tout y est subtil, par touches légères, il ne s’agit nullement de manipulation psychologique facile.
À part ça, lu aussi un recueil de trois nouvelles de Fred Vargas (« Coule la Seine »): grâce, fantaisie, prose agile et métaphore originale, c’est une autre émotion. Un auteur best-seller et qui le mérite — c’est fou, ça.