#1981

« Les lieux vides et flous que j’explorais m’offraient le surplus d’inconnu que me refusait désormais la fiction, musique d’ambiance moulinée par la télévision, et les magazines, pâte grise égalisant les surfaces, arrondissant les angles et bouchant les fissures. J’étais revenu au réel pour trouver du merveilleux, alors que c’est précisemment cette quête qui m’en avait, à l’origine, éloigné. » (Philippe Vasset)

#1980

Lectures du début d’année: une relecture, en fait, et un peu de psycho-géographie.

Dans ce deuxième cas, il s’agit d’un petit livre conseillé dans un commentaire ici-même par Jean-Jacques Régnier, Un Livre blanc de Philippe Vasset (Fayard, 2007). L’auteur, géographe de formation et fasciné par les cartes, a décidé d’aller identifier et explorer la zones blanches sur les cartes de la proche banlieue parisienne. Des endroits que les cartographes ont laissé vierges, faute de savoir en décrire le contenu fluctuant et souvent à l’état de friche. Et Vasset lui-même a hésité entre plusieurs approches, pour donner un sens à sa démarche et justifier, en quelque sorte, ses promenades. C’est tout cela qu’il nous confie, dans une prose très belle, blanche et hésitante comme les zones qu’il explore. Il faudrait que je trouve le moyen d’exprimer le plaisir que je ressens à lire ce type de récits, si subjectifs, qui participe bien sûr de celui que j’ai à mener aussi ce genre de dérives, comme disaient les situationistes.

Ma relecture, c’est celle d’un thriller anglais, Dispossession de Chaz Brenchley. Je crois que cet auteur n’a jamais été traduit en France, ce roman date en tout cas de 1996. L’envie m’a pris de le relire car j’y repensais (preuve que les images qu’il recèle furent pour moi marquantes) et j’ai réalisé que j’avais tout à fait oublié les tenants et les aboutissants de son intrigue. C’est l’avantage de ma médiocre mémoire: ainsi puis-je relire des romans sans en savoir la fin! Et je le redécouvre, aussi séduit que la première fois. Un avocat ayant perdu trois mois de mémoire, durant lesquels il a soudain changé de vie de tout au tout; son amitié avec ce qui semble bien être un ange; son implication dans un complot… Captivant, et littérairement superbe.

#1977

Oups, déjà le dernier jour de l’année? Comme le temps passe. Il paraît que c’est le moment des bilans, les bloggueurs aiment bien établir des listes… Voyons voir, puisque ma vie ce sont les bouquins, si je réfléchissais à ce que j’ai le plus aimé lire, cette année?

Pour moi, en dehors des bédés et des essais, l’année fut surtout placée sous le signe du steampunk et du néo-pulp, je crois. Et donc fort peu de lectures francophones, hélas — et sur le peu que j’ai lu en français, faut dire que le dernier Jeury et le dernier Lorris Murail, pour agréables qu’ils étaient, présentaient de gros défauts structurels, ce qui n’en fait pas mes lectures favorites de l’année. Ah si, ah si, j’ai failli oublier un superbe roman post-apo: Cygnis de Vincent Gessler! Celui-là, j’aurai aimé le publier.

Bref, donc et en vrac, sinon j’ai adoré les trois premiers Gail Carriger (à paraître chez Orbit dans une traduction de Sylvie Denis, me souffle-t-on), la totalité des Mike Carey (qui ne se vendent pas chez Bragelonne, me dit-on, et ils ont oubliés fort étrangement de publier le premier de la série, c’est malin), les deux premiers Trent Jamieson (je viens juste de finir le deuxième) et les deux premiers Kate Griffin (splendide fantasy urbaine à paraître chez Eclipse). Lectures sérielles, ma foi, j’adore le principe des personnages récurrents, c’est une des bases de la littérature populaire. Dans le même esprit, adoré Boneshaker de Cherie Priest (steampunk très original qu’on croirait écrit par Miyazaki ; traduit chez Eclipse, c’est fou, pour une fois je n’ai pas lu que des trucs introuvables en VF!) et The Strange Affair of Spring-Heeled Jack de Mark Hodder (steampunk classique à la Powers-Blaylock ; ah, j’ai parlé trop vite).

Hors littérature populaire en série, quoi donc? Eh bien, Le Fond du ciel de Rodrigo Fresan et Hackney, That Rose-Red Empire de Iain Sinclair. The Quickening Maze d’Adam Foulds et Shades of Grey de Jasper Fforde. Et les poèmes en prose d’Hubert Voignier (chez Cheyne), précieuse découverte.

Et puis tiens, deux bandes dessinées vraiment renversantes, de la grande science-fiction: Les Derniers jours d’un immortel de Fabrien Vehlmann sur dessins de Gwenn de Bonneval (Futuropolis), et Omni-visibilis de Lewis Trondheim sur dessins de Matthieu Bonhomme (Dupuis).