#1812

Ayant quelques chèques cadeau à dépenser à la Fnaqueue, j’ai été me promener dans cette grande surface culturelle. Plaisir: trois piles de mon Dico féerique en « tête de gondole ». La libraire me confie qu’elle est fatiguée de n’y caser que du Bragelonne et de l’Atalante.

Découvert que les éditions Flblb ont publié à l’automne dernier un premier recueil du journal de Jo Manix, sous préface de mon copain Jennequin. Jean-Paul y évoque ce salon des fanzines qui se déroula une fois dans un lycée parisien — je m’en souviens bien, j’y étais également, avec mes Yellow Submarine, à l’époque la SF était particulièrement au fond du trou, YS mensuel était la seule revue régulière — mais juste un fanzine, avec un tirage minuscule. Parmi les stands il y avait mes potes de La Geste, il y avait la Comédie illustrée de Christopher qui se lançait (j’avais été très impressionné par son style), le Simo de Jo Manix et Nylso (dont j’achetai les premiers numéros)… J’avais l’impression que nous n’étions plus qu’un quarteron de survivants de la SF, et en fait une renaissance se dessinait, celle qui mena d’une part aux petits éditeurs indépendants de « littératures de l’imaginaire », et d’autre part à ceux de la « bande dessinée indépendante ». J’échangeais quelques mots avec Jo Manix, Nylso semblait faire la gueule. La première est décédée en 2001, le deuxième toujours actif et j’admire toujours énormément son style. Chez Jennequin, chez qui je logeais régulièrement à l’époque lors de mes passages parisiens (mon oncle habitait encore en lointaine banlieue), je découvris ensuite, peu à peu, les productions des gens du Simo, les beaux sketchbooks de Jo Manix en particulier — en tant que libraire de bédé je trouvais passablement frustrant de ne pouvoir vendre (et acheter) de tels bouquins. Il n’y avait pas encore le Comptoir des Indés, à l’époque.

Cette mouvance naissante, elle me fascinait, me permettait de réinvestir de l’enthousiasme pour la bédé, genre que dans mon boulot de tous les jours je voyais crever sous les monstrueuses et racoleuses médiocrités de chez Glénat et Cie. Enfin ça bougeait, la bédé française se réveillait. Menu et Trondheim quittaient les fanzines auto-édités pour lancer l’Association, Fabrice Neaud commençait son Journal, tout ça… Et puis, toutes ces lectures me donnaient des envies personnelles: le journal, quelle belle forme, que j’aurai aimé en dessiner un moi aussi… Mais je n’osais pas, dessiner j’en ai toujours rêvé mais tout ce qui est dessin m’intimide terriblement (pourtant, Lolmède et Manix, par exemple, ne dessinaient pas vraiment « bien »!). Un jour, à Londres (longtemps plus tard), mon oncle me parla des « weblogs » et je me promis d’en lancer un dès en rentrant. Je le fis: ceci est la 1810e entrée de ce blog.

#1811

Cité sur le blog de Jeffrey Ford, un très beau film muet de 9 minutes et quelques. Une splendeur: un poème filmé en 1920 par Charles Sheeler et Paul Strand, en illustration de certains passages de « Leaves of Grass » de Walt Whitman. Fascination: c’est là le New York sur lequel écrivit Paul Morand, celui que dessina Réno — avant tout: celui que photographia Alfred Stieglitz. Mais un New York 1920… qui bouge. Thanks Jeff.

#1810

Le roman américain est terriblement trendy, hypra branché. C’est le nouvel arbitraire de la culture dominante, dirait l’universitaire dont j’ai parcouru un papier hier soir. On découvre enfin Richard Powers ou Jonathan Lethem, des années après que je les ai lus (j’avais même conseillé à un éditeur de publier du Powers, mais il n’en fit rien). Et tandis que tout les intellos, de mon copain libraire Cissé à mon tonton Jean en passant par Fabrice Colin, par exemple, se gargarisent de la littérature américaine contemporaine, eh bien, les hasards de mes envies et de mes recherches font que moi je n’en lis plus tellement… Mais je prends grand plaisir à recevoir, chaque mois, une revue culturelle ô combien américaine: The Believer. C’est publié chez l’épatant éditeur McSweeney’s, et c’est assez étonnant, chaque sommaire est inattendu. On a publié dans le dixième Fiction un petit article qui en venait, d’ailleurs. Et là, ce mois-ci, je me suis délecté d’un long papier sur un copain de Brautigan, Don Carpenter, et d’un autre sur un duo de mythologues japonais de 1908 ! Je me demande même si on ne pourrait pas le traduire pour la nouvelle mouture du Panorama, celui-ci. Seulement un article médiocre, ai-je trouvé: un entretien de Francis Ford Coppola avec une copine à lui, critique gastronomique, où ils papotent des bouffes qu’ils ont faites et des recettes qu’ils aiment. Uber-snob et passablement ridicule.

#1809

Un ami vient de m’en raconter une bien bonne: il avait offert Zombies! à l’un des animateurs du gratuit culturel lyonnais Mercure liquide, qui le lisait l’autre soir dans le métro. En face de lui était assise une jeune goth. Arrive un arrêt, la fille se lève et lui arrache le bouquin, s’enfuie avec! Je savais que ce bouquin commençait à être sérieusement « culte » auprès du public goth et Cie, mais alors là, si on se l’arrache, c’est encore mieux…

#1808

De même que j’aime beaucoup les versions illustrées de livres, j’aime également les adaptations filmiques — qui fonctionnent pour moi moins comme des oeuvres autonomes (alors que la critique à tendance à ne parler que du film, comme s’il ne s’agissait pas juste de l’ombre portée par un roman) que comme des illustrations — des illustrations qui bougent. Et ainsi, j’aime beaucoup regarder des versions différentes de certains de mes romans favoris: les Jane Austen, bien sûr, que la BBC ne cesse de retourner et re-retourner (j’ai un nouvel Emma à voir), mais aussi Retour à Brideshead d’Evelyn Waugh, dont j’avais vu l’adaptation télé il n’y a pas très longtemps, très belle, et dont j’ai regardé hier soir la version ciné — superbe aussi, et intéressante dans la manière dont elle reconstruit l’exposé de l’intrigue. L’intelligence et la droiture de Charles Ryder, le tragique destin de Sebastian Flyte, la sensualité, le quant-à-soi britannique, la beauté de Venise, la perversion catholique, tout est admirablement rendu, animé, et jusqu’à la musique qui concoure à restituer l’ambiance de cette histoire fascinante.