#1628


Sympa! Un salon au début de l’été, avec plein de petits moutons électriques dans les invités…

Festival L’Écrit de la fée, avec Ugo Bellagamba, Julien Bétan, David Calvo, Sire Cédric, Raphaël Colson, Jérôme Goffette, Jean-Philippe Jaworski, Nicolas Le Breton, Jonas Lenn et André-François Ruaud. Samedi 4 et dimanche 5 juillet 2009, IUT de Dijon, Campus universitaire. Conférences, lectures, dédicaces, expositions…

#1626

Deux journées bien épuisantes. Hier, arrivage des deux nouveautés de mai des Moutons électriques, mise en enveloppes, postage du tout… Aidé par Raphaël et par mon nouveau stagiaire, Sullivan, heureusement. Le Faiseur d’histoire de Stephen Fry — jamais nous n’avions eu autant de demandes de SP de la part de libraires, ça augure a priori plutôt bien d’un possible succès de ce roman. Croisons les doigts. Un beau pavé blanc, sobre de maquette (faut pas effaroucher les tenants de la « littgen »). Et Space opera !, un volume que j’avais envie de faire depuis trrrès longtemps. Dont je venais de parler un peu, la veille, sur France Culture.

Car la veille j’étais à Paris: arrivée sur les chapeaux de roues, pile à temps pour voir le film Star Trek de JJ Abrams à l’UGC de Bercy-Village, en compagnie de Benoît Lagane de France Culture. Chouette film, très amusant, très astucieux, qui pratique un passage en univers parallèle afin de relancer la license. Après cela, bref entretien qui nous permet de déjà brosser les grandes lignes de l’interview de mardi prochain — Lagane prépare une série d’émissions pour cet été, il veut m’interroger sur les séries britanniques.

À l’origine, j’envisageais d’aller voir une ou deux expos, mais en fait celle sur Tati à la Cinémathèque (qui est maintenant dans le bâtiment de Frank Gehry au bord du parc de Bercy) n’ouvre que le 8, et celle sur l’or des Amériques au Museum d’histoire naturelle idem. Bah, tant pis pour les expos. Je mets en oeuvre ce dont je parlais ici l’autre jour: la dérive. Car il y a bien une exposition qui est tout le temps ouverte, et tout le temps fascinante: celle des rues.
Je traverse donc le jardin, sous la haie d’honneur des hauts arbres aux feuillages lourds, puis vais me promener un peu au hasard, guidé seulement par la direction générale des Invalides (vous ai-je déjà confié la fascination que j’ai pour cette sublime coupole dorée?) et l’envie de ne pas passer par des coins que je connais déjà bien.

Un besoin, aussi: cogiter à un pitch pour mon deuxième polar jeunesse pour Mango, Baudou m’ayant suggéré de lui en soumettre un. Au rythme des pas les idées naissent plus aisément. J’alterne donc les moments de « oh quel beau bâtiment » et de « alors voyons, donc Aurélien est convoqué chez le père supérieur et… ». Un peu avant Port-Royal, je croise l’ami Francis Berthelot — de retour de chez sa mère, me dit-il: ces boulevards huppés sont les lieux de son enfance. Plongée vers le cimetière du Montparnasse, que je n’ai jamais visité. Je cherche en vain la tombe de Huysmans, en revanche celle d’Henri Laurens est aisée à repérer (une de ses belles sculptures l’orne), et quant à celle de Baudelaire, elle est squattée par un trio de petites goths qui se prennent en photo dans des poses qu’elles ont dû voir dans Twilight. Le timbre clair d’une cloche résonne plus haut dans l’allée: c’est un gardien qui passe, sonnant l’heure de la fermeture. Je marche encore, lentement, songeusement, jusqu’aux Invalides. Voilà là-bas la coupole qui jette ses feux d’or sur le bleu fragile d’un ciel couvert, d’autant plus lumineuse que les teintes alentours s’éteignent, se grisaillent. Temps de gagner une station de métro, histoire de n’être pas en retard à France Culture.

#1625

A relire, avec un grand bonheur et un certain frisson, le deuxième tome de la série de Susan Cooper (autrefois traduit sous le titre L’Enfant contre la nuit), roman ployant sous la neige, je me souviens soudain qu’étant ado, je trouvais absurde que Noël soit le 25 décembre: enfin quoi, la neige, en région parisienne où j’habitais, tombait uniquement en février! Il fallait déplacer cette fête, pour qu’on ait un Noël blanc.

De manière générale, le monde me décevait, comme je grandissais. Ainsi, la clairière un peu mystérieuse que j’avais chaque fois du mal à retrouver, loin dans la forêt, était brusquement devenue cette chose prosaïque et haïssable entre toute: un terrain de sport. Et la maison abandonnée, contre laquelle se dressait une colline qui formait, entre sa pente et le côté de la façade, un idéal terrain d’aventure, était chaque jour plus vandalisée — au point que les autorités durent se résoudre à l’abattre, alors qu’elles avaient prévu de la conserver et de la rénover.

Le monde n’est pas marrant.

#1624

Lu un essai acheté à New York la dernière fois: The Lost Art of Walking de Geoff Nicholson. Un essai sur le « pédestrianisme », c’est-à-dire l’amour de la marche à pied. Je me sens concerné par le sujet — sans partager tout à fait le scepticisme de l’auteur quant à la notion situationiste de « psycho-géographie ». Et je me retrouve, bien entendu, dans ce que décrit Nicholson des sensations de la marche, des impulsions d’une promenade, des manières de se balader en ville… Aide de plus le fait que je connaisse un peu Los Angeles, Brooklyn et Manhattan, et fort bien Londres. Des passages du bouquin sont un peu chiants, de simples listes, et le style n’a rien d’emballant, alors que j’avais connu Nicholson excellent styliste dans Bleeding London. Hélas, les meilleurs romanciers ne font pas toujours les meilleurs essayistes, beaucoup ne comprenant pas que le style s’applique aussi à ce domaine. Enfin, le livre (l’objet) est beau, et son thème (sujet) m’intéresse fort.

Cependant, j’ai ensuite eu envie de relire du Jacques Réda, histoire de me remettre en contact avec ce qui est, à ma connaissance, le plus grand styliste de la promenade. Relu donc Le Citadin, et c’est renversant, comme d’habitude. Cette langue! Cette intuition! Cette finesse… Quand je lis Réda je suis à la fois transporté — et un peu déprimé: comment écrire, derrière un monsieur pareil? Non, je n’arrive pas même à en sélectionner une simple citation, tellement chaque phrase me semble parfaite, inséparable du reste de la page. Réda, c’est le sentiment du marcheur en retranscription idéale.

Lu ensuite, sujet Harry Potter oblige, le dernier Neil Gaiman: The Graveyard Book. Étonnamment macabre pour la jeunesse, mais très beau, finement imaginé, exactement le style « classique instantané » de la fantasy jeunesse que j’attendais. Et là je relis le premier tome du cycle de Susan Cooper, Over Sea Under Stone, avec un bonheur intense qui n’est tout juste mitigé que par le regret qu’aucun éditeur français n’ait jamais eu l’idée de faire traduire un tel best-seller, c’est dingue. En tout cas, le style, la poésie, la psychologie, la justesse du moindre mouvement, de la moindre situation, c’est époustouflant.