#1537

J’ai fait mes études de « métiers du livre » à l’IUT de Bordeaux, au milieu des années quatre-vingt. Parmi mes camarades de promotion, il y avait notamment Emmanuelle Lavoie — je pourrais prétendre que c’était une super copine, que je me souviens bien d’elle… Mais en fait non: on avait des copains communs mais on se fréquentait à peine, je n’ai d’elle qu’un souvenir très vague. Pire encore: avant que nous ne reprenions contact, elle ne se souvenait absolument plus de moi. Ah ah ! Mais enfin, contact nous reprîmes, car Emmanuelle s’occupe d’une petite maison d’édition fort admirable, Le Lézard noir, dont le label « Petit lézard » publie une autrice que j’adore ô combien: Tove Jansson. Et puis, ce mois-ci, non contente de sortir les traductions françaises des bédés de Tove Jansson, voici qu’elle nous propose un petit livre particulièrement original: des recette finlandaises! Le tout plein de jolis dessins de moumines (renommés ici Moomin, selon la version anglaise, c’est mon seul regret).

#1536

Pour terminer mon petit week-end avec Sherlock Holmes, je viens de regarder The Masks of Death, un téléfilm Peter Cushing reprenait, en 1984, le rôle du détective consultant, dans une ambiance et avec un réalisateur de la Hammer (Roy Ward Baker). Située en 1913, l’intrigue est brève mais assez inventive, et le passage d’une Irène Adler veuve Norton intéressant. Copie hélas fortement dégradée, mais un sympathique petit film. De la série BBC de 1968, où Cushing jouait Holmes, seule une poignée d’épisodes a survécue — je ne vais pas tarder de regarder cela aussi.

#1535

Holmes, suite : je viens également de regarder les deux épisodes de Sherlock Holmes and the Baker Street Irregulars, télésuite récente réalisée pour CBBC, la chaîne pour enfants. Jonathan Pryce y campe y Holmes un peu plus bonhomme que d’ordinaire, mais crédible, et la grande nouveauté est d’avoir centré l’essentiel de l’intrigue sur les Irregulars, les mômes des rues utilisés comme informateurs pour le grand détective. Deux entorses sont faites au mythe: primo, il ne s’agit pas des Irregulars « historiques », il y a même deux filles, secundo Irène Adler y est une géniale criminelle sans merci. Très sympa, et photographie splendide.

Et puis j’ai trouvé une série qui m’avais échappé: Tom Baker, juste après avoir quitté l’écharpe de Doctor Who, y joue un Sherlock Holmes ma foi excellent dans ce qui constitue certainement l’adaptation du Chien des Baskerville la plus fidèle qu’il m’ait été donné de voir — et pourtant, il y en a des tonnes. Les scènes d’intérieur font très « théâtre », avec des lignes de dialogue reprises telles quelles du texte original, les extérieurs sont soignés, le tout date bien entendu mais est d’une belle qualité — identique à celle des Doctor Who de l’époque, jusqu’au découpage en 4 épisodes.

#1534

Périodiquement, je suis « saisi » par l’une ou l’autre de mes fascinations culturelles, ce que je surnomme mes « pantoufles », des obsessions pour telle ou telle figure de la culture populaire: Spirou, Doctor Who… ou Sherlock Holmes, pour le moment. Après le comic-book de Warren Ellis déjà évoqué il y a quelques jours, j’ai lu les deux tomes des Holmes publiés chez Futuropolis. Scénario très astucieux, pratiquant quelques torsions intéressantes dans la mythe: le jeune Wiggins formé par Sherlock pour devenir son successeur, Mycroft détruisant des documents de son frère disparu à Reichenbach… Car Holmes est devenu un mythe si puissant et si connu, que désormais la principale manière de faire usage de ce personnage est de pratiquer des torsions, des déformations, voir de complètes uchronies, par rapport au « canon » écrit par Doyle.

Ainsi par exemple du beau téléfilm anglais que je viens de voir, Holmes – A Case of Evil. qualité angliase désormais habituelle: photo superbe, décors impeccables, acteurs de première classe. Notamment Vincent d’Onofrio dans le rôle de Moriarty et Richard Grant dans celui de Mycroft, et un jeune homme aux beaux yeux verts nommé James d’Arcy (!) dans le rôle d’un Sherlock Holmes juvénile et impulsif. Le tut est complètement – et délibérémment – anachronique: l’intrigue débute le 2 octobre 1886, mais Holmes est dans la vingtaine ; il habite au 221 Baker Street (sans le « b », puisque l’on a découvert ces dernières années que cette lettre ne désignait pas une porte sur rue, mais le deuxième étage d’un logis) mais aps trace de Mrs Hudson ; Watson est un jeune médecin légiste de la morgue, inventeur à ses heures ; et le non moins jeune Moriarty est visiblement un métis. Eh bien, en dépit d’un jeunisme qui aurait put être clinquant ou ridicule, le tout marche à merveille. Car les auteurs ont bien compris le mode de fonctionnement de ce mythe et de cette époque dans l’imaginaire. Et en réinventant Holmes (dont un Mycroft svelte mais handicapé), ils se permettent même quelques jolis clins d’oeil: ainsi de la (jeune, bien sûr) Mrs de Winter, qui se révèle se nommer en réalité Rebecca Doyle – double hommage à Conan Doyle et à Daphne du Maurier! Le combat final à l’épée dans la tour de Big Ben est tout simplement délicieux, et lorsqu’une certaine Aunt Agatha offre à Sherlock une casquette deerstalker, vraiment, comment ne pas sourire de la finesse des allusions, dans un récit pourtant fort sombre par ailleurs? On aura rarement aussi bien trahit Holmes! Dire que pendant ce temps, en France, on n’a droit qu’à de lamentables massacres de Vidocq, Belphégor ou Lupin…

Ceci dit, j’ai aussi revu deux Sherlock Holmes tardifs de Granada, avec un Jeremy Brett qui en faisait des tonnes, gesticulant et ricanant: bon sang, mais il jouait atrocement mal! Ce qui est d’autant plus dommage que Watson et Mycroft étaient excellents, eux. Et les intrigues sont plus que tordues, elles sont tout bonnement trahies, alors que c’était censé être une série fidèle à l’original. Revu aussi un Basil Rathbone, et c’est plus mauvais encore: tout le monde est très visiblement américain, Holmes boit de grands verres de bourbon en draguant des gonzesses, les appartements sont hollywoodiens dans leur démesure, jusqu’à la « lady in green » qui habite un penthouse en haut de ce qui ressemble fort à un gratte-ciel new-yorkais… Et ne parlons pas du Watson, complètement idiot et sénile! Les Rathbone sont une réinvention douloureusement américanoïde, le mythe holmésien déformé par l’imaginaire d’Hollywood, loin, trop loin de Londres…