#1468

Rituel: un petit tour de mes lectures de ces derniers mois…

– Beaucoup de Jasper Fforde, comme j’en ai déjà parlé ici. J’avais lu naguère le premier tome pour un éditeur français, et c’est avec délice que j’ai redécouvert cette oeuvre étonnante et tordue, avec Lost in a Good Book et The Well of Lost Plots. Me reste à lire le quatrième — et le cinquième ne tardera pas à arrver, si les mannes postales le daignent. De manière, amusante, le 3e tome se termine avec le sauvegarde par l’héroïne, Thursday Next, d’un roman raté et demeuré inédit — et le roman suivant de Jasper Fforde est ni plus ni moins que cet ouvrage. Un polar se déroulant à Reading, dans un univers où les personnages des contes de fées vivent au sein de la population. L’enquête présentée là concerne le décès suspect d’Humpty Dumpty tombé d’un mur… Moins profond que le cycle de Thursday Next, The Big Over Easy est un petit polar parodique fort astucieux relève plutôt d’une sorte de figuration populaire, par comparaison à l’espèce d’abstraction narrative du cycle principal.

– En rapport également à la fiction populaire, les romans de Mark Gatiss sont des extraits de l’autobiographie d’un agent secret anglais ô combien décadent, Lucifer Box. The Vesuvius Club se déroule à la fin du XIXe siècle, tandis que The Devil in Amber retrouve le dandy à l’époque édouardienne. De manière réjouissante, s’il s’agit de parodies d’une certaine littérature d’espionnage ancienne, pleine de savants fous et de vastes complots, le style n’a rien de négligé, non plus qu’un certain réalisme (Lucifer Box gouaille et persiffle, mais vieillit et souffre). Mark Gatiss, acteur et scénariste anglais (notamment chez Doctor Who), se place aux côtés de Stephen Fry ou de Simon Callow dans la lignée de ces formidables écrivains/acteurs gays, et ne lésine pas sur la peinture de la bisexualité de son protagoniste. C’est politiquement incorrect, un peu provo, très drôle et assez grinçant — absolument réjouissant.

– Venant de lire (avec émerveillement) le manuscrit d’Ugo Bellagamba intitulé Tancrède, j’ai relu au retour de chez mes parents un roman mettant en scène un tout autre Tancrède: Le Guépard de Lampedusa. Lenteur et majesté, un grand, très grand, classique auquel je reviens régulièrement ; un roman exemplaire.

– Plus classique encore, datant de 1871: les Notes sur l’Angleterre d’Hippolyte Taine. J’ai déjà exprimé ici mon admiration pour ces ntes de voyages, d’uun style aussi admirable que les observations sur le vif sont saisissantes. De fait, j’en suis tellement séduit que je vais rééditer dans mes prochaines Nombreuses morts de Jack l’Eventreur une partie du premier chapitre du tome I, totalement pertinente dans son évocation des docks, de l’East End et du climat pesant de Londres.

– Lectures légères: trois romans « régence » de Georgette Heyer, une écrivaine anglaise des années 50 qui s’était spécialisée dans la rédaction de romans « à la Jane Austen », très documentés et fort amusants, créant ainsi une branche neuve de la littérature populaire, un mélange de roman sentimental, d’aventure, parfois d’un peu de policier, et d’historique, que l’on nomme simplement le Regency Romance.

– J’en oublie certainement plein d’autres… En dernier, fini Les Falsificateurs d’Antoine Bello, qu’une copine libraire m’avait recommandé. Les prémices sont aussi amusants qu’intrigants (une multinationale secrète qui falsifie faits et événements), le niveau de complexité ne dépasse pas celui d’un bon vieux Langelot en Bibliothèque verte, le roman est un peu long… mais c’est néanmoins très agréable, bien mené et assurément original. L’auteur saurait-il vraiment écrire (son style est seulement correct) qu’il aurait frôlé le chef-d’oeuvre. À défaut, c’est là de l’excellente littérature populaire.

#1466

horreur, malheur, qu’ai-je fait? Je n’ai pas annoncé en ces pages que je prenais un long week-end, et que trouvai-je en rentrant chez moi? Une foule de messages sur le répondeur téléphonique.

Week-end, donc. En Touraine, la patrie de mes ancêtres… et de l’annuelle garden party familiale. Qui fut cette fois encore l’occasion de faire la connaissance de cousins inconnus (les deux fils du demi-frère de mon oncle, la fille d’une cousine de mon père), et d’en redécouvrir d’autres (ma cousine Gwenaëlle, que je n’avais pas vu depuis plus de 30 ans alors qu’elle faisait partie de presque tous mes étés d’enfance). Les petits enfants grouillent et grandissent, la grand-mère terrible est bien fatiguée mais trône en majesté dans un grand fauteuil ancien, cape rouge sur les épaules. Sous les grands arbres et auprès de la mare, l’on fête le cinquantenaire de cette maison, l’Éssart, dans notre famille. Bonhommie et papotages. Un cousin conte comment sa fille a renversé une pleine bouteille de shampoing dans l’escalier, tandis qu’une cousine explique que son fils se prénomme François en hommage à Mauriac, qu’une autre s’amuse que je juge son minuscule bout de fillette visiblement clôné, le temps est clément, roulant dans un ciel clair juste assez de nuages pour tamiser le soleil. Quelques promenades dans la forêt nous mènent du côté de la voie ferrée, désertée pour l’été, dont le ballast rouge tranche vivement sur le vert acide des fougères ; et de celui de l’ancien ermitage, déserté pour l’éternité, perdu dans un trou de terrain rattrapé par les bois.

Comme je rédige ces lignes, une petite chose noire glisse en grognant dans le labyrinthe des dictionnaires et des ordinateurs: Carmilla, juste arrivée, la nouvelle colocataire féline de ces lieux. Merci Sophie.

#1465

Un des plus grands scandales en rapport avec le droit d’auteur ces dernières années, consiste en le fait que le firme Disney se soit vue attribuée une co-paternité du personnage de Winnie l’ourson — alors que c’était une pure création d’A.A. Milne, quarante ans avant que l’empire de la souris ne s’en empare! Et ce n’est hélas que la première de toute une monstrueuse série d’attaques américaines contre le droit d’auteur international (visant notamment à légaliser une certaine forme de piratage par les éditeurs étasuniens). Bref: mon camarade Seb Hayez vient de me signaler une série de dessins animés trop mignons, datant de 1969 — des adaptations polonaises de Winnie! En voici un début, il y en a d’autres au même endroit.

#1464

Science-fiction, les frontières de la modernité. Je n’en ai pas encore parlé ici, préférant laisser la surprise de la découverte… Mais voici qu’Actu-SF l’annonce, et donc, à la demande unanime du camarade Pégase, je me dois certainement d’en toucher deux mots…

Qu’est-ce, donc? Eh bien, un gros essai co-écrit par Raphaël Colson & moi-même, à sortir début novembre chez Mnémos. Avec comme ambition de brosser un panorama de l’histoire d’une culture, d’une esthétique, d’un genre: la science-fiction. Une ambition nettement plus développée que dans le petit volume publié chez Klincksieck il y a quelques années — de fait, c’était même la rédaction dudit petit essai qui nous avait donné la furieuse envie d’en livrer une version beaucoup plus élaborée, tant grande était notre frustration de n’avoir vraiment pas la place de développer. Et puis depuis ce premier essai, nos réflexions sur la science-fiction ont bien évoluées, nous avons énormément creusé la sujet, avons essayé de le « décortiquer », de remettre en question pas mal d’idées reçues, d’en comprendre origines, rouages et enjeux. C’est tout cela, Science-fiction, les frontières de la modernité. Une histoire de la science-fiction déroulée depuis les premiers frémissements du XVIe siècle, jusqu’à l’orée du XXIe. Avec surtout trois grandes parties: l’âge des pionniers, le XVIIIe. L’âge européen, le XIXe. Et l’âge américain, le XXe. Rédaction en cours de fin, maquette prochainement: nous y sommes en plein.