Arrivant dans les couloirs lisses et gris qui mènent à la ligne 14, j’ai croisé le Père Noël. Vraiment le Père Noël: gros, barbe et cheveux blancs aussi abondant que bien peignés, et tout vêtu de rouge pétant. Un bagage à ses pieds, le Père Noël comptait sa main dans le creux de sa main épaisse: il n’y avait certainement pas assez pour s’acheter un billet pour le Pôle nord — si tant est que le métropolitain y conduise car, nonobstant le frimas parisien, tout de même, le pôle est encore loin de ce nord-là.
Archives de l’auteur : A.-F. Ruaud
#1442

Firenze / 6 (où le capitaine se découvre un goût pour le baroque)
Bellissimo, il Duomo! Écrasant de beauté, en fait. Littéralement. Impressionnant édifice, tout couvert de marbre, une présence sublimement graphique qui domine les rues alentours tel un paquebot figé en pleine terre. Il a aussi quelque chose d’un Arlequin, en tout cas d’un personnage de merveilleux: tout ces dominos, les uns au-dessus des autres! Comme un costume près à cliqueter et tintinnabuler au moindre mouvement. Splendide parure — et ce n’est que cela: à l’intérieur, la cathédrale Santa Maria dei Fiori n’est jamais que l’équivalent Renaissance du hall de gare. On y va pour admirer les peintures, je suppose. Peu sensible que je suis aux tableaux de la Renaissance (ceci est un doux euphémisme), et comme de toute manière ceux-ci sont plongés dans une perpétuelle pénombre, je préférai San Gaetano, une petite église qui pour ne pas être commentée par les guides, offre, lorsque l’on pousse le grand rideau doré de sa porte, la vision étonnante d’un intérieur purement baroque: tout en caissons et décrochements anguleux, et entièrement noire, sous une voûte blanche, avec seulement quelques discrètes dorures aux environs de l’autel.
(à suivre, encore)
#1441
Une des choses sympathiques et amusantes ayant eu lieu aux dernières Imaginales d’Épinal, ce fut que deux photographes eurent l’idée de venir shooter les écrivains présents: Patrick Imbert avait apporté un très bel appareil ancien sur trépied, une chambre noire, avec laquelle il captura l’image des volontaires sur fond d’herbe et d’eau ; tandis que Daylon tira le portrait de nombreuses victimes. En attendant de voir les clichés du premier, me voici déjà par le second (qui a pris plein de monde fort souriant).
#1440
Retour d’Épinal. Un festival toujours aussi agréable et convivial, au bord de l’eau, sous de grandes tentes blanches. Nombreuses rencontres fructueuses: David Camus, Harry Morgan, Simon Sanahujas et son photographe Gwen, Tad Williams, Jean-Philippe Jaworski… Et une soirée excellente en les murs du Château Heliot avec Mauméjean, Imbert, Guillot, Jaccaud et Célia Chazel. Bien! J’aurai eu la place pour dédicacer, c’eut été encore mieux, cependant.
Moins bien: je découvre en rentrant que ma carte bancaire ne fonctionne plus. Explication: la Caisse d’épargne a procédé a une grande opération d’oppositions, afin de protéger ses clients contre une attaque web contre ses cartes… Weird! Et fort peu pratique, vu que je repars illico pour deux jours à Paris, puis rebelotte la semaine prochaine, avant un week-end à Aix et Nyons.
#1439
Firenze / 5 (où le capitaine parle d’ombre)
Florence, Firenze: ce simple nom évoque l’éclat de la Renaissance, les fastes des Medicis, ceux de la famille Bonaparte puis des grands-ducs de Lorraine. Mais qui dit éclat ne dit pas pour autant « lumière »… Et la ville au bord de l’Arno n’a rien de très lumineux, en définitive. La pierre y est relativement sombre, et alourdie par l’esthétique du « bossage », le fait de conférer aux énormes blocs du bas des palais un aspect brutal, mal dégrossi. De plus, les rues sont étroites, comme il se doit dans le sud: peu de lumière pour pénétrer dans les rues et dans les cours. Tout celà — et désolé pour le « sacrilège » envers la Renaissance — mais tout cela manque de grâce, sens la pesanteur médiévale. Il faut lever les yeux très haut, pour avoir une vision de légèreté. Car en s’élevant, les palais se font plus élancés, plus gracieux enfin. Et les dômes procurent à Florence non seulement ses principales icônes, mais aussi (surtout) la beauté de ses toits. Ah, somme toute, c’est assez logique pour une ville qui voulait être plus près de toi Seigneur. Le Duomo, bien entendu, absolument colossal, mais aussi quantité d’églises, et puis faisant contraste avec ces collines de tuiles, l’arrondit d’un vert aigu de la synagogue, et là-bas un haut dôme vitré.
(à suivre)
