#1299

« Le Grand Meaulne » d’Alain-Fournier fait partie de mes romans « cultes », assurément. J’avais d’ailleurs été ravi lors d’un séjour bordelais de dénicher l’essai sur cet auteur par Michel Sufran — formidable écrivain du cru, un très grand monsieur des lettres françaises, même si (presque) personne ne le sait. Et dédicacé par Sufran, en plus, l’essai. Bref. J’aime également beaucoup les « Disparus de Saint-Agil » de Pierre Véry — et j’en ai vu l’adaptation ciné il y a quelques temps, avec grand plaisir. Tout cela pour dire qu’avec de telles influences inscrites d’entrée dans son introduction, je m’attendais à aimer « Camelot » de Fabrice Colin — oui, encore un nouveau Colin, cet homme va bientôt entrer en combustion spontanée, tiens, dans l’équivalent écrivain des victimes de la comédie musicale de Buffy. Mais je m’égare.

Eh bien, oui, bien sûr: j’ai beaucoup aimé « Camelot ». Sans « mais » à venir dans ce laïus. Ce roman classé en jeunesse est une fois de plus un petit bijou douloureux, tendu, plein d’une sombre poésie. C’est pas un rigolo, Colin, la plupart du temps. Et ses persos, qu’ils soient mômes ou adultes, souffrent souvent de désordres psychologiques, d’attirances morbides, d’llusions de grandeur… Le jeune Arthur, ici, ne faisant pas exception. Je ne sais ce que pensent les ados de telles oeuvres — mais, depuis le temps, un éditeur comme l’École des Loisirs a solidement placé le style « triste mas beau » au sein de la littérature jeunesse, et pas mal d’autres éditeurs suivent désormais — tel Seuil, puisque c’est au Seuil que sort « Camelot ». J’imagine quand même que pas mal de mômes vont lâcher des larmes dans les dernières pages — salaud, Colin, tu fais pleurer les enfants! Mais, eh, être bouleversé par un roman, c’est plutôt gage de la qualité d’icelui, non? D’autant que tout y est subtil, par touches légères, il ne s’agit nullement de manipulation psychologique facile.

À part ça, lu aussi un recueil de trois nouvelles de Fred Vargas (« Coule la Seine »): grâce, fantaisie, prose agile et métaphore originale, c’est une autre émotion. Un auteur best-seller et qui le mérite — c’est fou, ça.

#1298

Sous un ciel ripoliné de blanc-gris égalisant tout dans une lumière atone, sans doute idéale pour si morose voyage, je me décide à emprunter le nouveau tramway, la ligne T3, occupant l’ancienne voie de l’Est. Je l’ai tant aimé, ce chemin ferré à l’abandon, qui traçait une coulée de verte friche au coeur de la ville, juste derrière chez moi. Je m’y suis tant promené, de jour comme de nuit. Souvenirs liés à chacun de mes colocataires, mais aussi à d’autres amis, à mes parents, à beaucoup d’errances solitaires bien sûr ; à des bouquets de fleurs sauvages, au parfum des budleias, à des jardins secrets, à une brèche dans le mur d’un parking, à une longue virée nocturne, à une nouvelle que je publiai au Québec… Maintenant, cet espace a été aseptisé, ordonné, mis en rails luisants et en herbe rase. Demeurent quand même des paysages post-industriels, notamment cette grande usine près de la gare de Villeurbanne, pas encore abattue, dressant pour le moment encore sa haute silhouette (dans ma tête, je l’ai toujours nommée « le château »). Le tram file doux, loin, égalise les décors. Seule surprise: cet aperçu d’un lac immense, à un détour de Décines, comme un extrait de Suisse greffé au coeur de la banlieue morne.

#1297

Après une année de « dépression musicale », à savoir que je n’écoutais plus guère que les gros noirs rapportés par Likely Lad, mais plus réellement de musique régulièrement, pour mon bien-être, enfin je reprends le chemin des CD. Et c’est curieux: il y a deux ans j’avais eu des vélléités de me plonger dans le jazz-rock — et puis mon coloc de longue date avait décidé pour sa part de se plonger dans le jazz contemporain italo-français, alors je l’avais suivi sur cette très jolie piste. Maintenant, je reviens à la fusion, au Canterbury, au jazz-rock seventies… Nucleus, Soft Machine, Weather Report, Mahavishnu Orchestra, Hatfield & the North, Earthworks, Return to Forever, Bruford, Gong… Et quel bien cela me fait!

#1296

« Ah ben ça, je n’en crois pas mes yeux: faire un CV? Sur un ordinateur?! Jésus-Marie-Joseph, que m’arrive-t-il dans ce monde cruel?!? Mais pourquoi tant de haine? » (Likely Lad’s Weird Adventures, ep. 18)

#1295

Content: je viens d’achever la réécriture complète de la biographie d’Arsène Lupin. En effet, ce premier tome de la « Bibliothèque rouge » est épuisé ou très peu s’en faut (il n’en erste qu’une quarantaine), et je veux donc le rééditer, en fin d’année prochaine. Mais, depuis son écriture, la colelction a un peu évolué, a trouvé une solide assise, des habitudes, etc. Par conséquent, la première bio du gentleman-cambrioleur m’apparaît aujourd’hui bien « sèche », trop près du seul fil chronologique de ses aventures. Une bio de la BR, maintenant, s’écrit avec un peu plus de chair et beaucoup de style: citations, contexte, tout cela… J’ai donc repris mon Lupin, en lui adjoignant un peu des bios de Raffles (un gentleman-cambrioleur anglais) et de Maurice Leblanc (le biographe du personnage) — et même de la fascinante Georgette Leblanc, sa soeur cadette. Ce fut un grand plaisir: j’ai cité du Flaubert, du Maupassant, Francis Carco, Jean Lorrain, Jacques Chastenet et quelques autres, parlé d’Evelyn Waugh, d’Oscar Wilde, de Blaise Cendrars, d’Aristide Bruant ou de Marius Jacob…

Bien: maintenant, il faut que je revienne à la bio de Nero Wolfe, en attendant de travailler sur Jack l’Éventreur, sur lequel je me documente dur-dur. Je vais avoir un automne très « Bibliothèque rouge ». Et le prochain volume sur James Bond est parti ce matin chez l’imprimeur. Il sera suivi demain du Maigret.