#1151

« Nous sommes entrés dans une société où la marchandisation règne à tous les niveaux de l’espace domestique. (…) Il y a des gens pour qui la sortie dans les grands magasins est vécue comme une sortie culturelle. Les grandes surfaces sont un peu les « maisons de la culture » pour certaines catégories sociales. » (Jean-Pierre Durand, sociologue à l’université d’Evry, cité dans l’Huma)

Oué, la conso comme culture. Et plus aucune lecture. Même les classes aisées et cultivées ne lisent plus: nous hallucinions avec un ami, en parcourant dimanche les rues des pentes de la Croix-Rousse, quartier totalement bobo-ifié de nos jours, de la densité de cabarets et bars-concert au mètre carré. Ciné, télé et spectacle: la culture est entrée dans l’ère du tout saltimbanque. Du produit livre, il n’y a guère encore que la bédé pour se vendre. Jusqu’aux années 1990, était considérée comme best-seller une vente de livres au-delà de 100 000 exemplaires. Aujourd’hui, c’est tombé à 10 000 ex. Et la plupart des ouvrages sont bien heureux lorsqu’ils atteignent, péniblement, les 800 ex vendus. Le livre meurt, le livre est mort — almost.

#1150

Journée mondaine, hier, avec tout d’abord une signature d’Etienne Barillier organisée dans une librairie de BD de la Croix-Rousse, en compagnie des acteurs et du dramaturge de la pièce Fantômas revient. Tout le monde fut fort sympathique, mais l’on déplora l’absence de la vedette (Romane Bohringer) ainsi que… du public (un seul client).

Pas énormément plus de public pour le mini-salon littéraire qui suivit, le soir, organisé par Sylvie Lainé dans un restaurant de la rive gauche. Il y eu foule, véritablement, mais pas pas tant de « fans » que d’auteurs, journalistes, libraires, bibliothécaires, graphistes, etc. Etonnante et très chaleureuse ambiance: selon un mot d’Etienne, on se serait cru à une surboum — sans la danse. Mais avec la musique: dans la première salle, Jean-Marc Tomi, l’un des membres du comité de rédaction de Fiction, se déchaîna à la guitare pour une ambiance très fifties. Tandis que dans la deuxième salle, devant, derrière et autour des tables, cela papotait ferme, par grappes mouvantes et compactes. Duvic, Girardot, Lainé, Méreste, Damasio, Ligny, Di Rollo, Colson, Hayez, Goffi, Larme, Leicht, Li-Cam ou Nevil faisaient partie de cet intello-mondain événement, entre verres de bière, bouquins et plats chauds.

#1148

Suis allé voir, ce matin, l’expo du Grand Palais sur Disney et ses sources d’inspiration. Pas du tout d’attente, peu de monde, et une présentation d’admirables merveilles: le bonheur.

« Culture populaire et culture savante s’ignorent le plus souvent il est vrai, et les liens qui les unissent sont peu étudiés et donc mal connus », nous explique-t-on en ouverture. Ce n’est rien de le dire: aujourd’hui encore, nombreux sont les tenants de la culture savante, tel Michel Onfray, pour même nier qu’il puisse exister une culture populaire. Tandis qu’ici, sont enfin exposées les racines de l’imaginaire graphique de chez Disney. Avec flair et brio. Quel plaisir que de voir des aquarelles de Carl Luggren ou de Kay Neilsen aux côtés de dessins d’Henrich Kley (dont Disney avait acheté une grande quantité d’oeuvres originales, ai-je ainsi appris) ou de Beatrix Potter, et tant d’oeuvres-sources du merveilleux. Ah, l’admirable « Echo et Narcisse » de John Waterhouse, de précieux Richard Doyle, un Richard Dadd et un Atkinson Grimshaw, ces quelques John Bauer délicats ou même, amusement, ce beau tableau mettant en scène trois rats anthropomorphisés… qui sort des réserves des Beaux-Arts de Lyon. Les rapprochements sont pertinents, les documents absolument fascinants. Pour l’auteur que je suis d’un Panorama illustré de la fantasy & du merveilleux, ce fut une expérience émouvante.

Par ailleurs, cette fois en tant que directeur littéraire pour les Moutons électriques, je me rends dans deux petites heures à la réunion de représentants, avant d’enfin pouvoir regagner mes pénates et mes félins. Avec un soupir de soulagement, car je me sens véritablement épuisé. J’en avais les jambes qui flagollaient, tout à l’heure, dans un escalier du métro.

#1147

Demain, fin de ce séjour parisien entamé par le très sympathique salon de Sèvres: beaucoup de monde, retrouvé un vieil ami, et tant de discussions que j’en ai presque perdu la voix – dommage seulement que le libraire n’ait pas jugé bon de prendre tous mes titres ni en quantités suffisantes (c’est limite vexant, frustrant en tout cas). Plusieurs rendez-vous, un seul musée (le Petit Palais, conseillé par mon médecin qui a très bon goût): le lumbago et la fatigue firent que, sinon, je restai beaucoup chez mon oncle, à avancer tranquillement lectures et traduction. Le retour ne sera pas de tout repos, avec la signature d’un auteur des Moutons et le mini-salon littéraire qui suit vendredi soir.