Je ne parle pas ici de toutes les bandes dessinées que je lis — de par mon job (libraire de bédé), j’en lis des tonnes, et donc une vaste majorité de merdouillettes ou de bonnes grosses daubes. Je ne parle donc en cette virtuelle page que des ouvrages qui m’ont réellement touché, ceux qui me parlent totalement — et que, bien souvent, je me décide à acheter.
C’est le cas de Jérôme d’Alphagraph par Nylso (publié par une toute petite boîte poitevine nommée Flblb). Les aventures à la fois légères & profondes d’un p’tit gars qui, partant du monastère de son maître spirituel, décide que sa voie sera celle d’un libraire. Et de se faire derechef embaucher comme stagiaire dans une librairie de la ville.
L’univers mis en scène est oriental, mais les thématiques ô combien occidentales — et le ton plutôt zen! Le petit bonhomme doute, hésite, s’amuse, se fait exploiter, se tire, fait des découvertes… J’adore tout autant le ton faussement naïf, que le dessin — ah, le dessin de Nylso! Pour un regard distrait, ce peut sembler être de petits gribouillis rapides, mais dés que l’on se plonge en ces pages, les gratouillis de Nylso s’avèrent être aussi faussement naïfs que ses textes. L’effet d’émiettement & de jeté ne sont que ça: un effet, abritant une grande maitrise du trait, une minutie remarquable — qui est particulièrement éclatante lors des grands paysages, des décors. Il y a du Herriman (Crazy Kat) chez Nylso — cette sorte d’épure trompeusement désinvolte. Mais il y a surtout… du Nylso, je suppose!
Je connaissais déjà ce dessinateur — mais fort peu, trop peu: sa petite maison d’édition, Le Simo, n’a jamais été distribuée ailleurs que dans quelques salons & de rarissimes librairies « pointues », il est donc terriblement difficile de mettre la main sur ses bouquins. Cela fait longtemps que je le regrette! Je ne pige pas par quel manque d’ambition ou par quel mauvais sort Nylso n’a pas déjà perçé, n’est pas déjà un peu plus visible…
Enfin bref: Jérôme d’Alphagraph est distribué par le Comptoir des Indépendants, on peut donc le dénicher sans trop de peine en boutiques. Et c’est un joli petit bonheur.