#6134

L’application météo ne sait plus où donner de la tête : ce matin elle annonçait « ensoleillé » tandis que je chinais à la brocante dominicale sous un ciel de grisaille (un recueil d’Alphonse Allais), et ce soir d’annoncer « nuageux » tandis qu’une drache sévère m’oblige à clore les deux vasistas. De grandes hachures mouillées brillent dans le gris-rose du soir. Enfin, je n’arroserai pas demain matin. Il serait bon de parvenir à respirer de nouveau, car la touffeur et le calfeutrage des journées me remettent en tête l’époque des confinements.

#6133

« Oh j’adore Untel », dit le lecteur, mais l’untel change au fil du temps, les goûts littéraires se forment par accrétions, découvertes, oublis, retours, souvenirs… Étant jeune, sans doute  aurai-je dit que mes auteurs favoris étaient Tolkien (lu le Seigneur des Anneaux sept fois étant môme, mais je n’y parviens plus), Simak, Dick, Sturgeon, Leiber, Moorcock… Puis j’aurai certainement cité John Brunner et Michel Jeury, mais aussi Jean-Pierre Hubert, Dominique Douay, Pierre Pelot, Élisabeth Vonarburg, Michel Grimaud, Cordwainer Smith, Michael Coney, Elizabeth Goudge, PG Wodehouse et Ross MacDonald… De tous temps, Franquin, Tillieux, Greg, Macherot, Bottaro, Barks, Georges Chaulet (les Fantômette), Rex Stout (les Nero Wolfe) et Agatha Christie… Roland C. Wagner et Michel Pagel, fidèlement… Puis plus récemment, ce furent Charles de Lint et Neil Gaiman (mon goût pour la fantasy urbaine), Dorothy Sayers et Margery Allingham (mon goût pour le polar british golden age), les polardeux oubliés Jacques Ouvard, Jacques Decrest, ECR Lorac et Nicholas Blake, les modernes Henri Calet, Francis Carco et Eugène Dabit, les british Iain Banks et Jonathan Coe… Aujourd’hui, qui citer comme ces piliers auxquels, pour moi, revenir sans cesse ? Isherwood, Flaubert, Giono, Simenon, Gracq, Modiano, Murakami, mais aussi Jane Austen, Christopher Priest, Tove Jansson, David Lodge, Armistead Maupin, China Miéville, Michael Chabon, Ellen Kushner, Christopher Fowler (la série des Bryant & May), Ben Aaronovitch, Jasper Fford, les Lupin de Lebanc et les Holmes de Doyle forcément, en poésie Léon-Paul Fargue, Jacques Réda et Philippe Jaccottet, en nature writing Robert MacFarlarne et Richard Mabey… Et des phares, ces livres monuments relus régulièrement : Le Guépard de Lampedusa, Cent ans de solitude de Marquez, Le Grand-Maulne d’Alain-Fournier, Le Pays où l’on n’arrive jamais d’André Dhôtel, L’Iris de Suze de Giono, Jonathan Strange & Mr Norrell de Susanna Clarke, Tom et le jardin de minuit de Philippa Pearce, les Harry Potter nonobstant leur autrice, les Maigret de Simenon, Le Prisonnier de Zenda d’Anthony Hope, Le Vent dans les saules de Kenneth Grahame, The Crow Road de Iain Banks ou Encore heureux qu’on va vers l’été de Christiane Rochefort…

#6132

S’il y a un moment dans la journée où l’hésitation du réel peut se faire plus sensible n’est-ce pas paradoxalement aux heures entre chien et loup, aux instants blafards et indistincts de l’aube ou du crépuscule ? Comme si voyant mal dans une lumière hésitante l’esprit se tendait, l’attention se portait un peu de biais sur une réalité plus sourde, ombreuse et trompeuse.

#6131

On perd vite l’habitude de la pluie : alors qu’elle n’a cessé de tomber pendant des semaines, quelques jours de chaleur suffisent pour qu’une averse nouvelle surprenne un dimanche par ses gifles volubiles, ses grosses hachures froides et la mitraille sur le toit. Des bouffées d’humidité passent par les vitres, le jardin assombri fait le dos rond.