Absence et exil. Lorsque je me promène dans une ville, que je laisse filer les verticales comme l’on règle sa respiration ; que les mains dans les poches et le nez levé, je m’abreuve du spectacle urbain ; que mes talons heurtent le pavé ou le macadam ; toujours alors je chemine avec une absence. La solitude, c’est pour la plupart des autres moments. Cette absence, la narration impossible à tenir, les commentaires qui ne se prononcent pas, c’est bien sûr le compagnon que je n’ai pas. Une absence familière, que vient souvent tenter de combler des fragments de phrases, celles que je porte ensuite sur ce blogue — lorsque l’humeur et le temps me permettent tel assemblage. Fut d’ailleurs un temps où je portais en poche un dictaphone, pour mieux saisir à la volée ces petits récits.
Absence, donc. Et l’exil? C’est vivre en permanence en-dehors des endroits qui me plaisent le plus. Non pas que je haïsse le quartier où j’habite. Son aspect un peu villageois est plutôt plaisant, des amis vivent tout près, les transports en commun abondent. Mais ce lieu-là, l’ancrage de mon existence quotidienne, se trouve en contraste avec tous les autres lieux où j’aimerai vivre. Sans doute d’ailleurs ai-je eu le tort de ne pas déménager, il y a quelques années. Enfin, soit: c’est parce que je vis là et pas ailleurs, que lesdits ailleurs prennent à mes yeux tant de relief lorsque je m’y rends, où lorsque j’y songe: depuis la Presqu’île de Lyon ou la Croix-Rousse, jusqu’à Londres ou Paris, en passant par Bordeaux. Un exil nécessaire, alors, afin de mieux apprécier, de considérer plus vivement, ces autres lieux qui me séduisent. Une distance pour garder la fraîcheur de point de vue.