#1597

Comme je lui expliquais l’autre soir que je suis dans la phase de traitement (digestion) de l’information brooklyno-manhattanesque et que, par ailleurs, je mène tout de même une existence parfaitement sédentaire qui ne se prête pas terriblement à raconter sa vie sur un blog, un ami me disait « Il y a la vie objective, il y a la vie intérieure. Il n’est pas rare, chez le jeune homme de bonne éducation, que l’une compense l’autre ». Ah ah, certes. Mais ça va ça vient, l’envie de bloguer. Et à chaque retour de voyage j’aime ainsi brasser dans ma tête les images que j’ai retenu… quitte à les utiliser un jour dans une nouvelle, ou simplement comme lumière personnelle. Et le quotidien m’a repris, en attendant d’autres excursions — Lausanne, Bruxelles, Berlin…

Niveau lecture, je me suis englouti ces dernières semaines un nombre considérable de vieux space opera — rarement en fait avais-je lu autant de romans sur une aussi courte durée, mais il s’agissait surtout de relectures (histoire de me remettre des détails en tête, de vérifier des impressions anciennes). Et puis, ça se lit très vite, les bons vieux space op d’antan. Tout cela pour compléter/retoucher/finir les articles de mon prochain bouquin, Space opera!. Donc: Eric Frank Russell, Lloyd Biggle Jr., Edmond Hamilton, Jack Williamson, James Gunn, James Schmitz, Isaac Asimov, Clifford Simak, Poul Anderson, John Brunner, Samuel Delany… Après une si longue gestation (l’origine en remonte à ma rubrique des « petits maîtres » dans Bifrost), il est très agréable d’ainsi peaufiner les dernières lignes d’un tel ouvrage… Et les réactions enthousiastes de mes relecteurs me font chaud au coeur!

Un seul élément frustrant: je ne me souviens plus d’une référence (une nouvelle), et j’ai beau avoir interrogé plein de monde, personne ne m’a donné la réponse… Il s’agit d’une vieille nouvelle de SF, peut-être au sein de la « Grande anthologie ». Un post-apo où, sur une Terre dévastée par une guerre, l’humanité reprend espoir et se reconstruit en sachant qu’au-delà des étoiles il existe un vaste empire humain, des colonies, qui un jour pourraient leur venir en aide. Mais ce savoir, cet espoir, n’est né que de quelques livres retrouvés… des livres de space opera! Une piste, quelqu’un?

#1596

Vu hier l’expo Quartet du MAC Lyon (musée d’art contemporain). Oui Daylon, y’a d’la culture en province, comme tu t’en étonnais l’autre jour. Et même une sacrée culture: cinq grands dessinateurs internationaux de la sphère bédé. Blanquet, Masse, Shelton, Swarte, Ware. De manière intéressante, on entre par Joost Swarte et on sort par Chris Ware: d’un psycho-rigide à un autre. Car ils sont bien fous dans leur tête, ces deux-là: sans jamais aire usage de l’outil informatique, ils tirent des traits d’une telle perfection, d’une telle netteté! Et de dessiner jusqu’aux polices de caractère. Chez Swarte, c’en est même un peu frustrant: on ne distingue guère la différence entre ses originaux et les reproduction, tellement il est précis, et tant ses dessins sont nettoyés, pas un trait de crayon bleu, rien ne subsiste que sa ligne claire. Chez Ware tout de même, le crayon bleu abonde. Ce qui n’en rend que plus magistral encore ses compositions, hallucinantes d’ordre.

Entre ces deux créateurs, trois chaos: les fantasmes dégoulinants et foisonnants de Blanquet (un autre malade mental, mais plus ordinaire finalement: obsessions sexuelles, je ne suis pas très impressionné), les grattages minuscules de Masse (ses planches sont seulement en A4!), les rigolades baba de Shelton. Ce dernier se trouve d’ailleurs un peu trop en décalage: son œuvre n’est que bédé, des planches et des planches, tandis que chez les autres, une dimension pluridisciplinaire est chaque fois dévoilée. Les sculptures de Masse, par exemple, sont étonnantes. Comme des traits de bédé, mais en trois dimension, en ferraille épaisse. Il arrive pourtant à donner à ce matériau la souplesse expressive du trait dessiné, en particulier dans ce bolide fonçant à travers un salon. Chez Swarte, bien sûr, il y a prolifération de production pour la presse, pour des affiches, mais le plus surprenant est de découvrir qu’il conçut un (superbe) immeuble, une salle de concert. Chez Blanquet, sans doute le plus underground du quintet, on est nettement plus proche de l’art contemporain au sens habituel de ce terme: tableaux, fresques murales, installation au sein de laquelle on circule sur des rails, photos retouchées. Un manque au niveau de Ware: sont absentes les pourtant nombreuses couvertures de livres dont il fait le design.

Le contraste est assez frappant entre cette expo, et celle de l’étage au-dessus du même musée: « N’importe quoi », ont-ils nommé cela, comme on pied de nez à l’opinion exprimée ordinairement sur les fatras aux limite de l’imposture de l’art conceptuel français. Et c’est bien n’importe quoi — mais souvent avec humour, comme ces deux chaussures gauche, ou la bombe de peinture sous globe qui a taché son propre support. J’éprouve tout de même du mal à extraire du sens de tout cela, et les œuvres picturales, au mur, me semblent d’une effroyable médiocrité. Impression de créations brouillonnes, de gags sans portée (quoique fort astucieux en ce qui concerne Fabio: des faux « Que sais-je? » aux titres dérisoires), de manque de vision. Les dessins du premier étage me paraissent bien plus contemporains — au sens d’inscription dans le réel, dans le quotidien, dans la machine commerciale et dans l’espace esthétique. Au premier étage, les créateurs agissent ; au deuxième, ils posent.

#1594

Une délicieuse pépite rapportée de New York : une version en roman pour jeune fille de la bédé Terry et les pirates ! Pas de nom d’auteur, 1942. Apparemment, dans la même collection il existait des romans avec Blondie, Joyce la copine du Captain Midnight, Nina de Gasoline Alley, et… Ginger Rogers !?!

#1593

Étonnant: Laurent Queyssi m’écrit ce matin que « A l’instant, sur France Inter, Jean-Luc Mélenchon vient de dire du bien des Moutons électriques… incroyable!!! J’adore ce gars. » Certes, moi aussi.