#1668

Vivaldi à Saint-Mexme.

Dans le jour tombant que refroidissent les gouttes éparses d’une bruine, nous nous rendons en cette église de Chinon, un lieu où le camarade Jaworski effectua d’antan des fouilles archéologiques. De nos jours, c’est une belle salle de concert. À l’entrée, un homme aux beaux yeux gris et aux manières onctueuses nous interroge sur la source de notre information (« La presse locale », répond ma mère ; « Newspaper », minaude-t-il), avec que nous puissions pénétrer dans la nef. De hauts gradins en bois s’y élèvent, exhalant dans la fraicheur humide une douce senteur de pin. Nous sommes parmi les derniers, déjà toute la gentry locale s’étage là, nous grimpons au sommet. Cheveux poivre-et-sel, gris, blanc, calvities, l’auditoire est surtout âgé mais quelques jeunes couples s’y glissent. Devant moi, s’assied le grand avocat local, mine sévère-mais-juste, le dos droit et l’imper mastic au col relevé, il ressemble à Bob Morane. Le tout jeune homme à ses côtés doit être son fils.

Les murmures se taisent, une mélodie aux violons multiples s’élève — hors de la scène, lointaine, étouffée. Le narrateur de la soirée sera long à apparaître, lui aussi minaude, fait de grands gestes emphatiques, passablement ridicules. François Castang, de France Musique. L’entrée en matière m’assure que l’on n’est pas là pour faire simple, les « Quatre saisons » constituent sans doute le répertoire classique le plus populaire, le plus galvaudé, mais la pédanterie de son habillage va nous rassurer sur le grave sérieux de la démarche. Castang déclame un texte de son cru, version altière d’un commentaire de contexte historique.

Las, le talent stylistique de l’homme de radio n’est pas plus à la hauteur de ses prétentions que sa diction : tout cela est bien pauvre, plat, entaché même d’un bel anachronisme (du maïs au XVIIe siècle ?). Pas inintéressant malgré tout, et puis après tout, le paradoxe sera que cette lourdeur formelle allège un aspect sans doute à la limite du trop pédago. Entre chaque segment musical, Castang explique, décrit, contextualise. La musique, tout de même : onze cordes, un clavecin, une violoniste solo, un chef d’orchestre. À l’exception de ce dernier, que des jeunes gens : les musiciens classiques sont-ils comme les sportifs, l’âge de leur retraite se situe-t-il à la fin de la vingtaine ?

Printemps, été, musique plaisante mais que je connais finalement peut-être trop bien, je ne décèle rien dans ces morceaux que je ne connaisse déjà, et n’en éprouve guère d’émotion. Cela changera, heureusement, avec l’introduction des dissonances de l’automne : l’arrangement se fait plus original, mieux sentit, le clavecin plus présent, les basses vibrantes, la soliste s’affirme. Et le spectateur que je suis d’éprouver enfin une émotion — la même finalement que je recherche dans la vision d’un tableau, cet émoi immobile qui m’irradie de l’intérieur, une fascination attentive. Je l’avais ressentie lors de certains passages particulièrement « soft machine » du concert de PolySoft l’autre soir, et l’hiver est encore plus belle, la subtilité du traitement des dissonances se mêle pour moi à la « madeleine » de certains thèmes que j’aime depuis mon adolescence. Du coup, la pédanterie du narrateur me fait moins rire, je suis plus attentif. Et le petit morceau en rappel (tiens, ils font ça aussi, en classique ?), « Il favoritto », est également agréable.

#1667

(Retour)

C’est avec une certaine jubilation que j’avais découvert, faisant la « post-production » du Bibliothèque rouge consacré à James Bond, que le fameux espion britannique avait habité dans sa jeunesse, avec ses parents, dans la région de Chinon. Déjà, j’avais glissé dans l’icono du Hercule Poirot une photo de famille (afin d’illustrer la tenue des infirmières de la Première Guerre mondiale) et, dans celle du Maigret, une photo du port de Nantes fournie par mon oncle Nérisson. Cette fois, cette sorte de clin d’œil personnel invisible au grand public pris donc l’aspect d’un petit paragraphe sur Chinon et d’une gravure l’accompagnant, œuvre du peintre James C. Richard, qui était un ami de mon grand-père.

Tout cela pour dire que ma famille (paternelle) trouve ses racines en cette petite ville de Touraine. Serré entre la Vienne et le coteau où s’érige son château, ce bourg médiéval a vu passer Richard Cœur-de-Lion, Jeanne d’Arc et, son enfant le plus célèbre, Rabelais. Si le grand-père de Bruno B. Bordier y avait une entreprise de vente de bois, le mien tenait pour sa part une boutique d’opticien, tandis que mes arrières grands-parents avaient fondé le Grand Hôtel.

Je travaille au quotidien sous une affiche représentant Chinon vu depuis l’autre rive de la Vienne, une œuvre de James C. Richard bien entendu (datant de 1925). Sur cette grande illustration, comme sur toutes les représentations de la ville, le château est cette présence à la fois imposante et presque fondue dans la roche, celle de tours et de murailles ruinées, de murs pointant vers le ciel.

Eh bien, ce ne sera plus jamais le cas. Dans une démarche d’ambition inédite, le Conseil Régional a entrepris ces dernières années… le reconstruction du château ! Certainement, depuis Viollet-Leduc notre patrimoine n’avait jamais subit tel assaut. Et avec la montée des murs, la pose des toits, la reconstruction même, à l’autre extrémité du coteau, du fort Saint-Georges (qui était presque invisible tant il était en ruines), c’est le visage qui l’on croyait immuable de la bourgade de mon enfance qui change irrémédiablement.

En suis-je chagrin ? Well… I’m of two minds, on the subject. L’impulsion d’un tel chantier me semble relever plutôt du besoin d’attirer le touriste que de la recherche scientifique. Avec le danger de Disneyland-iser notre patrimoine historique au nom de cette « rentabilité » qui obsède depuis peu les pouvoirs publics. Certes, pour une fois on n’aura pas socialisé seulement les pertes mais également les profits — je n’imagine pas que les recettes soient gérées par un organisme privé, tout de même. Mais enfin, j’avais la curiosité de visiter ce site renouvelé — dont même le nom a subit un commercial lifting, puisque celui que l’on a toujours appelé le « château de Chinon » se nommerait désormais la « forteresse royale de Chinon ». Ce devait être mon quatre ou cinquième tour au château, et l’entrée provisoire par les douves est finalement ce qui m’a le plus amusé. Pour le reste seules les salles basses des logis royaux se visitent déjà, pas l’étage, et l’intérêt d’une telle reconstruction ne m’a pas frappé clairement, tout cela demeure assez anecdotique. Plaisant, mais de quelle (coûteuse) nécessité ?

#1666

Chic, chic, une petite semaine de vacances. Touraine! Et puis, en rentrant, boucler le Kirby (le Steranko c’est bon), maquetter le dixième Fiction en compagnie de Jean-Jacques (oups, faut que je rédige ma rubrique), finir mon BR Harry Potter (ça va, il ne sort qu’en novembre), continuer la maquette du BR Jane Austen d’Isabelle (ça va, il ne sort que fin octobre), lire et maquetter le BR lovecraftien de Patrick (parution fin septembre), retoucher un chouya mon polar jeunesse selon les notes de la directrice littéraire (Le Voleur masqué de la Croix-Rousse, chez Mango en octobre, pas encore vu la couv)… Je n’oublie rien? Bon, ça va (!), mon mois d’août devrait encore être sérieusement constructif…

Tiens, la couv par Caza du prochain tirage limité à paraître chez les Moutons électriques, de Roland C. Wagner (la trilogie Poupée aux yeux morts). Une oeuvre que j’aime depuis trrrrrès longtemps.

#1664

Musicalement, en ce moment je suis surtout dans Ian Carr’s Nucleus (un groupe anglais de jazz-rock, proche de Soft Machine), dont je découvre toute la carrière, et dans Stomu Yamashta (période East Wind et Go), que je n’avais plus écouté depuis très très longtemps – sacrée madeleine, ça.