Notes d’un piéton de province monté à la capitale (1)
Partant de chez lui pour l’appart qu’il me prête, Jean-Paul s’exclame soudain « C’est pas vrai, je suis poursuivi : on vient de croiser Riri, Fifi et Loulou ! ». Viennent effectivement de passer trois ados identiques, certainement des triplés. Jean-Paul traduisant en ce moment l’appareil critique qui accompagnera le quatrième volume de l’intégrale Carl Barks chez Glénat (version française d’une édition italienne), ces trois petits gars bruns à la coupe Jeanne d’Arc indiquent peut-être que j’ai pénétré dans une autre forme de réalité, celle d’un espace de vacances, d’imaginaire en roue libre ?
Essayer, par la marche, de goûter au quotidien parisien, parcourir l’ordinaire à pas léger. On dit pourtant que le Parisien est pressé ? Ce que révèle autour de moi le grand beau temps contredit cette image d’une « quotidienneté affairée » : il ne s’agit pas du rythme parisien du professionnel à cravate mais de celui des jeunes mères de famille surveillant leur marmaille grouillante, du gratteux de guitare assis sur une marche, du beur réparant sa mob sous le regard goguenard d’un grand noir, du trio de mémères commentant l’actualité depuis son banc habituel de Richard-Lenoir. Mon ami le Boy Wonder me fait traverser le cimetière du Père-Lachaise et l’on n’y voit que des flâneurs, puis nous allons papoter assez longuement dans le confort des fauteuils d’un resto branché, tandis que ce n’est alentour qu’autres causeries d’un long après-midi tranquille. Plus tard, j’irai marcher le long du canal, d’abord St-Martin mais surtout celui de l’Ourcq, histoire de découvrir les nouveaux aménagements. De larges perspectives s’ouvrent au ras de l’eau, un Paris presque maritime lorsqu’un coude élargi l’horizon, le ciel semble plus haut et quelques nuages, camouflant un instant le soleil trop chaud, estompent les couleurs pour leur donner des reflets du Nord.