Paris encore (3)
Je ne parles pas assez des gens, dans mes carnets. D’ailleurs, quelle belle excuse pour ne rien écrire sur le festival d’Epinal, la semaine passée, que le travail que j’avais.
Pourtant, j’aime du monde, j’écoute les amis, suis ravi de dîner ce soir avec Jean, d’avoir vu Philippe Claerhout tout à l’heure & d’aller chez Fany demain soir. À mes côtés, au bout du banc, deux touristes se sont assises. Des jeunes femmes, l’une asiatique, le visage plat & la voix pincée, vive, souriante de chaleur humaine, tandis que son amie a le type espagnol, long visage encadré de plats cheveux bruns, un peu sévère, assise raide lorsque l’autre s’affale souplement. Je tente un moment d’imaginer qui elles sont, comment elles vivent. Mais décrire les amis, débroussailler les conversations & sentiments? Non, je crains que ces carnets ne puissent pas être très « people ». Pudeur, en quelque sorte, besoin de décrire en demeurant relativement extérieur. Le rythme d’une architecture, le choc d’une toile & le souffle d’une ville, oui, tandis que je préfère garder « les gens » soit pour l’intime, la vraie vie & ses communications, soit pour la « texturation » d’une fiction. Agoraphobe, je n’aime pas peupler mes carnets de voyage.
Agoraphobe: je craignais un peu le concert. Toute cette foule, serrée. Je me suis mis un peu à l’écart, pas au front row contrairement à mon habitude. Malaise, vague angoisse — peut-être la peur d’avoir peur? Quelque chose comme ça, idiot en tout cas. Enfin, j’ai tout vu, apprécié, vibré, en définitive fort bien placé en milieu de la salle minuscule.
Des corbeaux planent en croassant au-dessus de la Pyramide, les touristes cliquètent de l’appareil-photo. Je me suis déplacé, me suis assis en plein soleil cette fois, sur une balustrade dominant la large esplanade de sable crissant.