Observation liminaire : voyageant seul, je peux me permettre de prendre des notes à tout bout de champ, de me promener avec le dictaphone en poche, de rédiger des fragments de journal le matin avant de partir. Accompagné, en revanche, l’exercice du journal deviendrait par trop égoïste, pour ainsi dire encombrant.
Une semaine après mon retour de voyage, que me reste-t-il alors ? Non pas exactement du bonheur (car si le souvenir de la tristesse est toujours de la tristesse, le souvenir du bonheur n’est déjà plus du bonheur, n’est-ce pas ?) mais une sérénité persistante, profonde, que même la subséquente semaine d’intense activité à la boutique, et des tensions perceptibles dans cet environnement ingrat, ne sont pas encore parvenus à mettre à mal. Sept jours de voyage, sept jours de joie, de partage, de découverte, d’émerveillement, de plaisir à la fois intense & tranquille, un long bonheur sans heurts.
Et une impression d’enrichissement : ce voyage fut comme le labourage d’un champ en friche, la terre fraîchement retournée se remet à respirer, sa surface grise & sèche fait place à un lourd humus couleur de chocolat, gras & odorant, de vieilles graines éclosent soudain, de jeunes pousses vertes pointent leur tête…
Et puis (surtout ?) des images : des images plein la tête, paysages peints & paysages vus — beauté naturelle & beauté adhérente, dirait mon kantien d’Olivier.
Infusion des sentiments, ce journal devra forcément se faire impressionniste : c’est de rigueur.