Pour rebondir sur ce que disait Neil Gaiman, un bel exemple d’œuvre oubliée.
De nos jours, Anthony Hope est encore connu pour son roman Le prisonnier de Zenda. Léger, astucieux, très amusant, il s’agit sans doute d’un classique du « cape et d’épée ».
Mais qui se souvient qu’Anthony Hope fut d’abord célèbre pour un ouvrage intitulé The Dolly Dialogues? Un recueil de sketchs autrefois adulé mais que le grand critique Roger Lancelyn Green descendait en 1966 (dans une préface au Prisonnier de Zenda), en ces termes sévères:
Their outlook seems so alien to that of the present day, their content so slight and the style so arch that most people would now find them unreadable.
Durant un séjour à Bruxelles, il se trouva que je farfouillais chez un bouquiniste lorsque, en entrant dans la petite pièce du fond (où gisaient tous les ouvrages en anglais soldés faute d’avoir trouvé acquéreur), je vis sur la première étagère que je regardai, pile sous mon nez… The Dolly Dialogues, sous la forme d’un tout petit hardcover. Je partis avec ce mignon ouvrage, et le lu durant les rares temps morts de mon week-end bruxellois.
Et je fus conquis! The Dolly Dialogues consiste en juste cela: des dialogues, sans quasiment la moindre description, ni aucune mise en place. Lady Mickleham et Miss Dolly s’y entretiennent avec Mr Samuel Carter, flirtent agréablement entre gens de bonne société. Et tel est le talent d’Anthony Hope que l’on rit avec eux, que l’on se délecte des moeurs amusantes de l’époque, et que finalement l’on plaint ce pauvre Carter, dandy intelligent mais sans grâce physique, condamné au célibat. Comme le disait un autre critique, A.E.W. Mason:
(this book is) written with the most delicate wit and now and then touched with a shade of sadness, suggested as much as stated so that the reader to his pleasure must do a share of the work himself.
Autant pour le unreadable de Lancelyn Green! Bien au contraire, The Dolly Dialogues m’a frappé par la modernité de ses procédés narratifs. Et certes, les personnages en sont oisifs & frivoles, mais à ce train-là autant en dire de ceux d’Austen, de Foster ou de Wodehouse, aussi. Refermant The Dolly Dialogues, je me suis surpris à regretter que ce livre ne soit pas plus long: ses personnages sont si attachants que j’aurai aimé en savoir un peu plus sur le déroulement de leur existence. The Dolly Dialogues ne méritait pas l’oubli.