#161

Dimanche 3 février 2002

Direction Richmond, ce matin. En haut des escalators de la station King’s Cross/St Pancras, un contrôleur pique du nez sur sa console pleine de boutons et de lumières, dans sa petite cabine en verre. À la station Victoria, l’un des contrôleurs a sur la tête une casquette bleue étrangement haute, on croirait une toque de cuisinier. Je l’imagine portant de longs dreadlocks, cachés tant bien que mal sous la casquette réglementaire…

Je me promène un moment dans le village de Richmond, joli & agréable, mais hélas le ciel n’est guère clément ce matin et j’hésite à faire demi-tour tant le mince crachin qui tombe des nuages bas ne me semble pas propice à la longue balade que je projette…

À l’autre bout du green, un groupe de pigeons & de mouettes se bat pour quelques quignons de pain. Derrière eux s’élève une maison à la façade étonnamment méridionale, on se croirait presque en Italie. Un pin dans le jardin renforce cette impression. Il s’agit non pas d’une demeure, mais en fait de la porte du palais de Richmond.

Des oiseaux chantant à gorge déployée dans le pin, sous ce ciel de plomb, font remonter en moi des souvenirs de vacances en Bretagne.

Old Palace Lane est une petite rue coquette, bordée de cottages blancs, dont le charme british un peu désuet est encore accentué par la présence d’une Morris Minor, garée sous un grand arbre dénudé. Il flotte dans l’air une douce odeur de bois & feuilles mouillés, de mousse & de champignon. Il recommence encore à pleuvoir, je met le bonnet d’Olivier.

Je ne regrette pas ma décision de persévérer: le spectacle des quais de Richmond est ravissant. La météo maussade ne décourage pas les joggeurs du dimanche, nombreux. Aussi rapidement qu’il s’est mis à pleuvoir, le ciel s’éclaircit, d’un plomb funeste il tourne au gris clair, puis illumine Richmond d’un blanc éclatant.

Une partie du Old Deer Park est inondée: deux obélisques semblent garder son entrée avec un air mélancolique, les pieds dans l’eau. Le pont étroit au-dessus de la Tamise file tout droit entre les deux rives comme un trait de lumière dentelée. Sur la rivière, un long bateau d’aviron (jaune vif) se laisse porter tranquillement par le courant, les neuf hommes ne donnent que de temps à autre un coup de rame nonchalant. Leur bateau avance pourtant à vive allure. Puis soudain, arrivés à un tournant de la Tamise, ils se remettent à ramer, disparaissent à grande vitesse sur les eaux vertes.

De grands avions rugissant traversent régulièrement le ciel. C’est une plaie de Londres: les aéroports trop proches.

Après une île couverte d’arbres, surgit sur l’autre rive la tour d’une petite église & une rangée de maisons à la simplicité typique d’un village de pêcheurs. Juste après, incroyable, un petit pavillon en guimauve & praline, rose pâle & vert pétant, se mire dans l’eau du fleuve.

Dans cet environnement champêtre, il semble que je sois l’unique piéton à me promener: des joggeurs me croisent, le visage crispé; des vélos filent en sifflant; sur la Tamise, des bateaux d’aviron glissent rapidemment dans les deux sens. Deux d’entre eux sont poursuivis par un canot à moteur, sur lequel est juché un moniteur, qui leur aboie des instructions au mégaphone.

Le chemin longe la verdure sereine de Kew Gardens. Je connais déjà cet immense & splendide parc, pour l’avoir visité à deux reprises, la première fois en compagnie de Sylvie Denis, et la seconde avec mes parents.

Peut-être vous êtes-vous déjà demandé ce que fait dans le civil le gros dinosaure orange, Casimir, lorsqu’il n’est pas sur l’île aux enfants? Moi maintenant, je le sais: je viens de le croiser, soufflant, en train de faire son jogging.

Sur l’autre rive, la civilisation a fait son retour, sous la forme des immeubles & des tours de Brentford. Tel monsieur Même dans son île, je marche un long moment sur le faîte d’un petit mur de brique, afin de tenter de trouver le meilleur angle de vue pour photographier une belle demeure, d’un rouge vif éclatant (le palais de Kew).

Arrivé au pont de Kew, je traverse pour aller poursuivre la balade sur l’autre rive, ainsi que le conseillent mes guides. Il serait bon que je trouve un pub: il fait faim! Je devrais en trouver sur la promenade The Strand-on-the-Green. Le premier qui se présente, hélas, est un Café Rouge: une franchise de faux bistros français. Je n’ai pas envie de subir ça. Mais voilà qui semble bien: the Bell and Crown.

(à suivre)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *