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Impressions londoniennes, longs cheminements

Refaire, redécouvrir : ce devait être lors de mon précédent voyage, je crois, que j’avais déjà effectué ces deux très longues promenades, l’une en ville, l’autre à la campagne. Et alors qu’il me reste une infinité de découvertes à effectuer, de quartiers et de promenades à faire, j’ai eu cette fois-ci l’impérieuse envie de marcher sur des sentiers déjà empruntés. Pour deux raisons, me semble-t-il : d’abord, parce qu’ainsi je pouvais les partager avec Olivier (& ainsi les re-voir à travers son propre regard) ; ensuite, parce qu’une réelle connaissance d’un lieu passe par son exploration répétée, son expérience plusieurs fois renouvelée. Le bonheur d’une première fois ne suffit pas : il faut ensuite revenir, approfondir, affiner les détails du parcours, expérimenter les variations climatiques, saisir les différences de saisons…

Savourer : une bonne promenade gagne à prendre de l’âge, comme on le dit d’un bon vin. Et de même que je ne me lasse pas d’arpenter le canal du Régent depuis que j’en ai fait la découverte, je tenais à « apprivoiser » encore un parcours Finsbury/St Paul ainsi que la remontée de la Tamise de Richmond à Hammersmith.

Rando urbaine & fine bruine : partant de l’hôtel, remonter Chad Street jusqu’à pénétrer dans le quartier verdoyant de Finsbury, monter à Percy Circus (halte gauchiste : un ancien logis de Lénine), redescendre sur Clerkenwell (un détail à préciser encore dans mon parcours, j’hésite du côté de Green Terrace et cette fois nous manquâmes carrément les Open Fields) — hum, mais pourquoi est-ce que je perd à tous les coups dans Clerkenwell ?!

Ce n’est pourtant pas un quartier si immense, ni si compliqué ? Seulement voilà : puisque je m’y perds à chaque fois, je ne suis pas parvenu à établir des repères stables, j’hésite, reviens sur mes pas… Olivier me suis sans rechigner, nous traversons une première fois la rue dans la Porte de St jean, une deuxième fois (chic : la maison hallucinante de Jane Street-Porter, voilà au moins un détour fructueux), une troisième fois… Le nez en l’air, admiration des façades, tant pis s’il pleut un peu… descente jusqu’au marché de Smithfield, puis nous croisons l’énorme vaisseau de St Bart — l’hôpital St Bartholomew, si souvent cité dans la littérature anglaise (le docteur John H. Watson venait parfois y consulter).

Je n’avais jamais osé y entrer, mais Olivier qui est dorénavant familiarisé avec le milieu hospitalier, me pousse à y faire un tour. Riche idée ! St Bart est un remarquable labyrinthe de grands bâtiments de tous les styles & de toutes les époques, une ruche fascinante. Nous effectuons une petite halte à l’abri des étranges niches en bois qui occupent une place, sous de gros arbres au feuillage sombre. Puis c’est St Paul, son dôme à la fois familier & imposant se devine au-dessus des toits. Malheur : les travaux de reconstruction de Paternoster Row sont bientôt terminés & le résultat semble aussi pire que les amateurs d’architecture pouvaient s’en désoler…

Cruel destin de cette allée qui, de rendez-vous des bouquinistes avant la seconde guerre mondiale, devint la victime en décombres des bombardements allemands (ceux-ci épargnèrent la cathédrale par un miracle qu’on eut beau temps d’attribuer au divin patron), puis subit une reconstruction de toute laideur… Des appels d’offres furent lancés ces dernières années, Quilan Terry le protégé du prince Charles gagna le concours : les tenants de l’architecture contemporaine, style Norman Foster, le déplorèrent si fort que le projet de Quinlan Terry (un spécialiste du faux-vieux) se retrouva aussi promptement remisé dans un tiroir qu’il avait été vite accepté… Mais hélas, le projet de Norman Foster ne fut pas pour autant accepté, et en définitive le redéveloppement est « l’œuvre » d’un groupe d’architectes commerciaux aussi ordinaires que peu inspirés. Paternoster Row va donc demeurer un haut lieu du mauvais goût architectural, un massif alignement d’immeubles sans style, qui menace d’étouffer la cathédrale.

Heureusement, près de la cathédrale se trouve aussi une sublime bouffée d’air frais : l’ouverture conduisant au Millenium Bridge et, au-delà, au Tate Modern. Comme un trait de lumière figé dans le métal, qui court au-dessus des eaux vertes. Retour à la troisième partie de ce compte-rendu : la descente au bord de la Tamise. 😉

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