Qui a dit que regarder les diapos des autres quand ils rentrent de vacances était chiant? Pas moi. Le sieur Patrick Marcel rentre d’Écosse et ses photos valent plutôt le détour, je trouve. Encore quelque chose qui me donne terriblement envie de retourner en Grande-Bretagne. Bon, à la place je vais aller à Valenciennes… C’est bien aussi: aspect très british de la ville (quoique en fait je sorte assez peu, venant chaque fois en cette cité nordique pour écrire dans le cocon mauméjeanesque) et excellent marathon d’écriture en vue! (un nouveau « bibliothèque rouge », sur Nero Wolfe l’Homme aux orchidées, la prochaine collaboration Mauméjean-Ruaud)
Archives mensuelles : avril 2007
#1224
Paris, suite.
Vendredi matin, Jean me réveille en toquant à la porte vitrée. Je pars en même temps que lui, pour me rendre au Musée du Luxembourg: de même que je lui avais avoué la veille mon incompréhension des nouvelles de Raymond Carver, s’étonne-t-il que je puisse m’intéresser à une expo de bijoux Art Nouveau (René Lalique). Ma foi, force est de econnaître que j’estime chaque fois que ce musée est à la fois trop cher et trop petit, mais que j’y reviens souvent. Un peu trop de monde à mon goût dans les salles exigues. Fascination cependant pour ces bijoux où se tordent chauves-souris, libellules et poissons. Avec en prime une petite toile réaliste de Mondrian, deux Gustave Moreau et quelques livres et affiches.
Au sortir du Luxembourg et en attendant mon RDV suivant, je m’assied place St Sulpice pour rédiger ces lignes dans l’un des petits « note book » offert par Xavier Mauméjean. Le vacarme liquide de la fontaine couvre le ronflement de la circulation. Un étudiant rouquin esquisse quelques passes de rugby avec des copains. La tour endrappée de blanc de l’église, et la grue orange qui la flaque, confèrent un petit air de Cape Canaveral à cette si littéraire placette. Passe Daniel Gélin, cheveux blancs et traits fatigués. La cloche sonne les 13h. Je pars déjeuner avec Seb Guillot. Après cela, mon dernier RDV s’étant décommandé, je file sur un coup de tête au Msuée d’Orsay: il me reste une entrée gratuite, donné par une copine… qui de toute manière me fait elle-même entrer, le hasard voulant qu’elle se trouve à ce moment de contrôle à l’entrée près des vestiaires. Je ne savais trop ce que proposait le musée, certain d’y trouver mon compte comme d’habitude. Ce fut le cas: Bastien-Lepage – Fontainebleau – Pierre & Gille, etc.
Je me souviens que, lisant lorsque j’étais étudiant le premier roman d’Elvire Murail (aujourd’hui devenue Moka), « Escalier C », je demeurai sceptique sur la scène où le peintre bourru se laisse subjuguer par un tableau — un Vermeer, je crois. Je pensais qu’il s’agissait d’une license poétique, d’une exagréation littéraire. Depuis, j’ai découvert cette forme de sidération, que je pouvais moi aussi me faire « happer » par un tableau. Cela se fait généralement par surprise: l’expo de Bastien-Lepage est plaisante mais je ne voyais rien que d’assez mineur dans cette peinture léchée, ces portraits et scènes de rue ou de paysannerie. Sauf qu’au détour d’une paroi, presque caché derrière un pilier, une petite vue des toits parisiens depuis la fenêtre de l’atelier de l’artiste, me captiva absolument. D’une modernité complète, lumineuse et trouble comme le meilleur d’un Hopper ou d’un Feyninger… Juste une esquisse vite jetée? Pourtant je sentis se diffuser dans ma poitrine ce bonheur visuel particulier qui, du plexus solaire, m’irradie complètement face à un tableau qui « me parle ». Et les yeux qui vont et viennent. Et les pieds en fonte, incapable de me mouvoir. J’adore cela. Qu’est-ce qui poussa Bastien-Lepage a se livrer ainsi à telle pochade (au sens de « croquis en couleur exécuté en quelques coups de pinceau »), quel impérieux coup de foudre visuel donna naissance à une toile ni dans le ton du peintre ni dans les sujets admis à son époque?
Comme je me promenais dans l’expo sur les peintres de Fontainebleau, plus intéressé de manière disons histoirqiue, qu’esthétique, par ce complément à une autre expo sur l’école de Barbizon vue à La Haye et à ma récente relecture partielle d’ « Une forêt pour les dimanche » (le génial essai de Jean Borie sur les écrivains et Fontainebleau), bref: séduit mais pas passionné, je tombai sur deuxième coup de foudre visuel. Un Cézanne enneigé dont les branches bleues se tordent de fascinante manière. Belles émotions pour clore une escapade lutécienne.
#1223
Quel bilan pour deux journées parisiennes? J’avais un RDV à 11h jeudi chez une éditrice, pour lui vendre un projet. Pour cela, levé à 7h après une nouvelle nuit fébrile où les quintes du rhume des foins, les frissons de fièvre et le froid de la solitude me tinrent trop éveillé. Au moment où sonne le réveil, comme de bien entendu je dormais enfin, étendu sur le ventre dans la tièdeur du lin, une Jabule contre le coude et un Albert étendu dans la vallée de mes jambes.
RDV donc: m’amuse la discrétion de cette maison d’édition, où seule une petite plaque dorée l’annonce au niveau de la rue, alors que, poussée la lourde porte verte, c’est un immeuble flambant neuf qui s’élève en fond de corridor, un labyrinthe de parois en verre, de bureaux, de montants noirs et de piles et cartons de livres. Réponse début mai quant à mon projet: je suis confiant. Autre amusement: je ne vois mon ami Sam que comme dans un bocal, retenu qu’il est par une réunion qui lui fait le visage sombre et concentré. Pas de chance non plus avec Michel-Ange, le nez dans son ordi. Alors, le soleil étant doux et les rues claires, pas de repas mais une bonne marche: traverser le Louvre, remonter à l’Opéra (en réalisant que jamais je ne l’avais contourné pour en voir l’autre côté, sur la place Dhiagilev) et prendre le boulevard Malesherbes jusqu’au 17ème arrondissement.
Car autre RDV: je dois discuter avec Marianne Leconte de son futur « Bibliothèque rouge », lui expliquer comment l’on construit, comment l’on rédige, un volume de cette collection. D’un pas tranquille, je traverse des quartiers que je ne connais encore que mal. L’avantage de mon ignorance de Paris étant que je découvre toujours des aspects de cette ville. Le clocheton ajouré de St Augustin, les goutières noir et or de la Banque de France, les cabochons de verre d’une école, la pyramide et les colonnades du parc Monceau, les grilles dorées du même: nez en l’air, une impression de vacances. Puis à l’issue d’un après-midi de « briefing » et de papotage, je redescends d’un pas toujours paresseux rejoindre mon Calvo et mon Daylon à notre coutumière cantine japonaise rue Ste Anne.
(à suivre)
#1222
Deux bonheurs: arrivage hier midi de la dernière, et vraiment très belle, nouveauté des Moutons électriques. La Glace & la Nuit de Léa Silhol. Et ce matin dans ma boîte: le nouvel album de mon groupe culte, marillion, « Somewhere Else ». Miam! Et quand on sait que j’ai lu hier soir le nouveau Spirou & Fantasio, par Frank Le Gall…
#1221
Rien ne change. Je lis Le Pays de la littérature de Pierre Lepape (chez Points), une passionnante histoire de la littérature française (non, je vous rassure: la science-fiction n’existe pas. Son seul représentant en ces pages est Louis-Sébastien Mercier, cela fait mince!). Et en lisant son compte-rendu sur 1848, la IIe République, le bon commissaire Deschamps et la crapule répressive Senard, quand je lis les « arguments » des libéraux de l’époque, je me dis que rien ne change. On nous dit toujours les mêmes choses. Et on semble sur le point d’élire Nabotléon au suffrage universal, aussi.
Je vais voter pour Bayrou: Sarko est un démagogue, un ultra-libéral et un dangereux extrémiste, Royal est une marâtre psycho-rigide et incompétente. Depuis la réélection bananière de Chirac, je me surprends, moi le gauchiste, à souvent trouver intelligents et raisonnables les propos de Bayrou. C’est un homme honnête. Cela change. Et il incarne un espoir de modération, de gouvernement d’unité nationale (si les socialos, dans un pur réflexe de Parti, ne sabotent pas cette volonté), et même de changement de têtes. Longtemps, j’ai voté pour les Verts. Mais ceux-ci se sont vendus aux socialos depuis l’éviction d’Antoine Waechter — et ce dernier appelle d’ailleurs à voter pour Bayrou, alors, ma foi, mon choix s’en trouve étrangement conforté.
