#1263

Laurent Herrou rêve de moutons électriques, sur Slumblog:
« Au-dessus des buildings des vols d’étourneaux dessinaient des figures dans le ciel, c’était, je le savais, la raison pour laquelle je ne publierai pas aux moutons électriques, andré-françois ne signait que des livres avec un vol d’étourneaux au crépuscule sur la couverture. »

Je viens de faire un petit tour des nouvelles librairies indé de Lyon (il en pousse tous les mois, c’est dingue). Outre qu’elles sont toutes plus vides les unes que les autres, avec des rayonnages qui ressemblent à la recette pour étaler le plus finement possible très peu de beurre sur des tartines trop grandes, un des libraires m’a dit que les livres que je lui montrais étaient laids (« Nid de coucou » et le « Hercule Poirot »). Ben ça. J’suis vexé comme un pou.

Ça fait partie de la bo-bo attitude, ces nouvelles librairies branchouilles. Et ça gagne, ça gagne, la bo-bo attitude. Les rues du 6e arrondissement sont pleines de « p’tits restos » où l’on ne mange que sur des assiettes carrées ou dans des bols en inox, assis sur des chaises design. Légumes sautés au wok ou poisson à la vapeur. Les pentes de la Croix-Rousse, même chose. Découvert aussi une nouvelle librairie pour enfants, un nouveau bouquiniste (vieux polars à prix exorbitants) et une boutique Artoyz. Que des rayonnages peu garnis, mais avec élégance. Ah, pardon: on ne dit pas « vide », on dit « minimaliste ». Ça change tout, bien sûr.

#1262

En lisant tous ces Ian Rankin, récemment, j’ai été plusieurs fois intrigué par des références à un soda nommé Irn Bru. Késako? Et puis, voici que dans le nouveau Michael Swanwick, une jeune fée demande à boire… un Irn Bru! Eh bien, il s’avère que c’est un « soft drink » concurençant sérieusement Coca Cola en Ecosse, et même au-delà dans tout l’archipel britannique. Orange vif, ce lquide autrefois nommé « iron brew » aurait un goût vaguement citronné mais bien caractéristique… Amusant. Où ne va pas se nicher l’identité nationale!

#1261

Amusant: j’étais sorti en milieu d’après-midi, pour faire quelques petites courses dans le quartier. En revenant, je vois du coin de l’oeil quelqu’un sortir du bureau de tabac, je passe… et me retourne, en même temps que lui, ayant réalisé qui c’était: Jérôme Jouvray. Cet excellent dessinateur, dont j’aime beaucoup les oeuvres, enseigne maintenant à l’école en face de chez moi, Emile Cohl. Nous avons papoté un peu, et j’en ai profité pour lui dire que j’aimerai bien le voir un jour dans Fiction. C’est vrai: il n’y a pas des masses de bédéastes que j’adore au point que je tienne absolument à le voir dans la revue des Moutons électriques: maintenant que c’est fait pour Bézian et Avril, il y a en particulier (dans les Français) David De Thuin (qui nous prépare quelque chose…), Nylso et Jouvray. Tiens, d’ailleurs le nouveau Lincoln de ce dernier vient de sortir, faut que j’aille l’acheter.

#1260

Deux lectures violentes. Je ne lis pas trop de livres noirs, durs, la plupart du temps. Je suis très fleur bleue, pour cela. Mais cette fois le hasard a réuni sur les deux mêmes jours deux ouvrages inspirés en partie par le tsunami thaïlandais, et c’est bouleversant: La Colère dans l’eau de David de Thuin, dernier opus en date de ce dessinateur auto-publié dont j’ai souvent parlé ici, et La Mémoire du vautour, récent roman de Fabrice Colin paru au Diable vauvert.

En peu de pages, de DDT est une série de coup bas, psychologiquement parlant, un véritable cauchemar — avec pourtant cette patte légère, ces dessins faussement simples et gentils, qui frappent d’autant plus. Traumatisant. Le Colin n’est pas très long et, comme dans la première partie de Dreamericana ou dans Kathleen, un rythme saisit tout de suite le lecteur, une scansion colinienne bien particulière qui sait étonnament rendre dans une belle langue française à la fois un lyrisme à la Fitzgerald et une tension à la beat generation. Mais cette fois, la comparaison qui me viendra le plus à l’esprit, ce sera David Lynch. J’avais déjà songé à « Mulholand Drive » pour la longue nouvelle (dramatique radio, en fait) que j’ai poublié dans le tome 5 de Fiction, et cette fois encore la logique lynchéenne semble imprégner ce roman où les personnages disparaissent brutalement l’un après l’autre, tandis que dans l’intrigue s’ouvrent continuellement ce que l’auteur a nommé des « portes de sortie », par lequel s’engouffre chaque fois un mystère supplémentaire (la salle de bain!). Que raconte ce roman? Du diable (vauvert) si je le sais. Je me suis laissé porter, guettant le point d’ancrage où fixer mon compréhension, comment faire sens, et rien n’est venu que des images, des images, des images, en une suite d’effacements. Visiblement agencée, devant certainement « dire » quelque chose, mais l’auteur a tellement gommé toute piste (à mes yeux, en tout cas) que j’en suis ressorti secoué, frissonnant, mais pas éclairé.

« There’s no such thing as an easy ride », chantait Marillion au moment où je finissais de lire La Mémoire du vautour. Colin préfère Radiohead. Pour moi c’est un peu préférer la copie à l’orginal, et un chanteur très médiocre à une pure voix, mais au-delà de cette différence d’appréciation sur laquelle il m’amuse de taquiner Fabrice, se niche une même ambiance, un même goût pour des morceaux vibrant de tristesse. C’est tout ce que j’ai réellement compris dans ce roman: une lecture purement émotionnelle. Et beaucoup de passages frappants. Est-ce assez? Pas pour l’auteur, apparemment, que se dit déçu de l’incompréhension générale. Pour moi c’est déjà pas mal: combien de livres apprécie-t-on avec la même frémissante attention non verbale qu’une musique?

#1259

Je comptais tout à l’heure combien il faut d’images différentes pour constituer l’iconographie d’un volume de la « bibliothèque rouge ». C’est pas rien: 307 dans le Bond, 307 dans le Maigret — tiens, la coïncidence est amusante —, 221 dans le Lupin, 406 dans le Poirot, 218 dans le Holmes et 253 dans le Fantômas. Du coup, je commence déjà à m’inquiéter de la manière dont je vais pouvoir illustrer les deux volumes de l’an prochain… Jack l’Éventreur, bien sûr, mais plus encore Conan: d’ordinaire j’utilise, en sus des repros de couv de toutes époques, des vieilles publicités du temps du personnage et des photographies des lieux de sa vie. Mais pour Conan, hein? ça va être difficile!