#1605

Suite suisse /4

Comme pour me faire mentir, mon ami Fred Jaccaud s’évertua tout au long de la journée qui suivit à me faire profiter de l’aspect strictement urbain de Lausanne. Des rues, des escaliers, des ponts, des bars, et même une salle de concert — le « Romandy », je crois, un de ces lieux typiquement djeun’s mais sous des voûtes anciennes assez impressionnantes —, cette fois je cris que j’ai vraiment fait à fond connaissance de cette ville. Je ne soupçonnais pas, d’ailleurs, qu’elle fut aussi haute: naïvement, je m’imaginais que la cathédrale constituait le point le plus élevé. Mais non, mais non, ça ne cesse de grimper, derrière! Étonnant. Et bien que l’inaptitude architecturale et urbanistique règnent en maîtres, hélas, je lui trouve une réelle séduction, à cette ville — mais il est vrai que je suis aisément séduit par une ville, ma foi, amoureux comme je le suis de ce type d’habitat humain.

Le lendemain, déjeuner avec un ami qui m’est cher, Julien Cordebar, qui a monté une école de dessin qui marche bien. Il m’amène dans un joli restau où, amusement, je suis déjà allé la veille: dans une agglomération aussi petite l’impression de familiarité s’instaure vite.

Ensuite, je prends le train avec Fred direction… Yverdon-les-Bains! Car l’ami, bientôt nommé conservateur des livres de la Maison d’Ailleurs, a eu l’excellente idée de vouloir me faire visiter icelle. J’y avais déjà été il y a longtemps, lors d’une convention organisée à Yverdon. Récemment agrandie d’une nouvelle aile, elle a bien changé — et n’est pas du tout finie de réaménager, j’ai donc les honneurs d’une visite privée. Petite discussion avec le boss, Patrick Gyger, que je n’avais jamais encore eu l’occasion de croiser. Avec une légitime fierté, il me commente l’animation sur les voyages extraordinaires, m’explique l’accrochage et me fait faire le tour des deux nouvelles salles — celle de la collection Jules Verne et celle, ô bonheur, des pulps. Admiration! Les locaux sont de toute beauté, les aménagements réellement remarquables, les fonds rien moins qu’époustouflants. Moi qui me suis découvert ces temps derniers un nouveau goût pour la SF ancienne (histoire d’explorer des territoires de l’imaginaire que je n’avais encore que trop peu arpentés), je suis épaté de contempler en vrai de belles reliures d’Henri de Graffigny ou de Georges Le Faure, et tout ces pulps, mama mia, je bave d’envie de les compulser. Les couvertures exposées sont merveilleusement chatoyantes, les couleurs vives et chaudes.

Nous traversons la nouvelle passerelle, très esthétique et audacieux trait d’union en architecture contemporaine entre les deux bâtiments. Tour des salles abandonnées pour le moment, des compactus en cours de tri, des bureaux flambant neufs… Dire que je suis enthousiaste est un euphémisme. J’avais déjà adoré la Maison d’Ailleurs autrefois, quand elle était serrée dans l’ancien commissariat et alors que son conservateur de l’époque, un politicien à grande gueule, se contrefichait visiblement des livres. Maintenant, avec un conservateur aussi érudit et un nouveau bibliothécaire itou, et dans des locaux aussi bien pensés, bonheur. Depuis toujours, je mets un point d’honneur à fournir au musée un exemplaire de tout ce que je publie en science-fiction — une sorte de « dépôt légal » volontaire (c’est mon côté militant). Je suis assurément revenu de Suisse avec la conviction plus forte que jamais de l’utilité d’un tel musée-bibliothèque.

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