#1803

Je disais que je reviendrai sur le sujet des « Bryant & May » de Christopher Fowler. Voici donc. Il faut dire que j’ai dévoré les six premiers volumes (j’attends le septième en softcover) en fort peu de temps, genre en un mois, quelque chose comme cela. De temps à autre, un tel « marathon » est bien agréable, je trouve. Histoire de totalement s’immerger dans une oeuvre. Et il faut également dire que, cette oeuvre, j’ai eu l’étonnante impression… qu’elle était faite rien que pour moi, sur mesure, et même quasi en simultanée de ma lecture. Car ces « Bryant & May » se déroulent tous en fin d’année, quand la pluie frappe, que les ciels sont bas, que les jours sont courts et sombres. Exactement comme lorsque je les lisais — et j’ai terminé par White Corridor, où les deux vieux flics sont enfouis dans les congères, pile au moment où la neige tombait à gros flocons sur Lyon. Outre cette sensation de simultanéité de mon expérience climatique avec celle des récits, une autre part de mon plaisir provint bien sûr du sujet profondément londonien de cette série. Mieux encore: je reconnaissais les lieux, pour la plupart. Une familiarité encore renforcée par le style et l’humour de Fowler, par son érudition aussi — jubilatoire. Enfin, et ce ne fut pas le moindre des « effets Bryant & May » pour moi, cette familiarité joua également pour les structures narratives et les modes d’inspiration de l’auteur.

Cela pourra paraître prétentieux de ma part, bien sûr, mais ces romans, j’ai souvent eu l’impression que j’aurai, presque, pu les écrire. Tant j’en reconnaissais la manière dont l’auteur construisait ses récits, ses solutions narratives, tout cela: son projet. Il faut dire (encore) que je me suis consacré durant quelques années à l’écriture d’un cycle de fictions situées à Londres, avec un duo d’enquêteurs comme protagonistes et le « trivia » londonien comme source principale d’ambiance et d’intrigues. La première nouvelle fut publiée dans l’antho Escales sur l’horizon, une autre parue dans la revue québécoise Solaris. Et c’est tout: entre-temps, le cycle essuya des refus auprès de toutes les maisons d’édition, qu’elles soient de polar ou de SF, auxquelles je le proposa — et elles furent nombreuses. L’échec sur toute la ligne, quoi. Pourtant, des amis connaisseurs (tels Bellagamba, Mauméjean et Régnier) me disaient aimer ces fictions, mais personne n’en voulait — de l’uchronie juste au niveau du décor, du polar mâtiné de SF, des nouvelles, pouah, pouah, invendable mon bon monsieur! Alors soit, la mort dans l’âme j’ai abandonné ce que j’avais cru être mon « oeuvre maîtresse », quelle vanité, j’avais pensé trouver ma voix mais faute qu’on veuille l’entendre, il me fallait bien m’avouer vaincu, peut-être m’étais-je fourvoyé. 750 000 signes terminés, au moins la moitié autant de diversement entamés. Dommage.

Depuis, j’y repense souvent. Sans jamais trouver le temps d’y revenir, malgré l’envie que j’en ai toujours. Bodichiev (c’était mon détective) attend encore dans son tiroir. De temps à autre, je songe à l’auto-éditer en tirage limité, allez, juste histoire que ça existe un tout petit peu. Mais le temps… Enfin bref, l’oeuvre de Chris Fowler, j’ai eu l’impression étrange (traitez-moi de mégalo, tant pis) qu’il s’agissait d’une sorte de version… uchronique des envies, des motivations narratives que j’avais pu avoir. En long, en abouti, en passionnant — en publié. J’ai adoré. Forcément.

2 réflexions sur « #1803 »

  1. On a tous rencontré un jour ou l'autre ce genre d'échec mordant. Et si les années qui passent arrangent bien les choses, le sentiment d'avoir mérité mieux, ou qu'on tirera peut-être un jour le meilleur du rebut, avec bonheur, ne s'efface pas.

  2. Bonjour,
    Je vous avais rencontré pour une dédicace de la nouvelle parue dans Escales sur l'horizon qui m'avait énormément plu. J'aimerais vous encourager à sortir ce recueil, même en tirage limité et en auto-édition, car je serai ravi de le ranger dans ma bibliothèque !
    Très Cordialement
    B. C.

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