#1970

Le problème, c’est que je suis frileux. Je veux dire: je voyage presque tout le temps l’hiver, on n’a pas idée. Bon d’accord, à Florence comme à Vienne c’était au printemps, mais sinon, la plupart des souvenirs que j’engrange sont hivernaux. Voyager se fait donc synonyme dans mes synesthésies personnelles de lumière dure, d’ombres tranchées, de bleus profonds et de gris pesants, de vents coulis, de col relevé, de nuit tombant tôt, de trottoirs luisants, d’éclairages urbains. En revanche, le souvenir d’avoir eu froid se fait tout de suite abstrait: oui, je me souviens avoir sévèrement greloté à Venise, mais cette condition d’inconfort passager ne s’inscrit jamais durablement dans le catalogue de mes impressions. De Venise, je me souviens uniquement des bonnes choses — et du sentiment de tranquille bonheur, de sérénité persistante, que j’en rapporta. Le froid? Peu importe. En dépit de ma déplorable propension à une excessive frilosité (héritage de mes trop longues années dans la surchauffe d’un centre commercial, ou atteinte de l’âge? Les deux je suppose, chevrota-t-il de sa voix érayée par l’approche de la cinquantaine), le froid demeure surtout en ma mémoire comme un affûtage des sens, chaque chose plus nette, bien découpée, et à chaque lieu son atmosphère particulière (son degré de température, en fait). Autre avantage, on m’avait dit que Venise tout comme Lisbonne sentaient plutôt « fort », je n’en ai rien constaté. Et puis j’ai vu Manhattan sous la neige, eh! Souvenir ébloui d’un après-midi à dériver dans le Lower East Side le nez levé vers les flocons. J’aimerai beaucoup voir Londres sous la neige, c’est un vieux souhait.

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