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Arsène Lupin, une vie – work in progress.

(…) « Longtemps, le snob a rêvé de se rapprocher de ce qui était considéré comme la classe supérieure, la noblesse, afin de participer à la supériorité intrinsèque de ce groupe, et de pouvoir, le cas échéant, considérer avec hauteur ceux qui n’en sont pas. » Il se produit donc un mouvement permanent, de la roture vers l’aristocratie, et Gaston Jolliet dans un article du Figaro, le 19 février 1885, ironisait sur le fait qu’il menaçait de dépeupler les rangs de la bourgeoisie « plus sûrement que la dynamite anarchiste » ! En 1887, Bachelin-Deflorenne affirme dans son État présent de la noblesse française que la fausse aristocratie et les titres usurpés représentent entre 80 et 90% des prétendus nobles. C’est dire que les quelques noms qu’invente Lupin ne participent que de la confusion régnante. La noblesse d’Empire s’invente une particule qui lui manquait, les parlementaires collent leur département à leur patronyme ordinaire (Martin du Gard, par exemple), les nouveaux riches s’octroient le titre de leur domaine (et vice-versa : le marquis d’Orsacq renomme le château de Gueures « château d’Orsacq »), on emprunte, on invente, on usurpe… Le grand mondain Boni de Castellane s’en offusquera dans ses mémoires : « Il surgissait à côté de noms authentiques une pléiade de gens titrés qui tenaient leurs couronnes de l’opération du Saint-Esprit. »
Les années 1870-1880, soit donc l’enfance de Lupin, ont été tout spécialement propices à ce type de pratiques. Gageons que les scandales de l’époque auront inspiré le prétendu Raoul d’Andrésy : Frédéric Rouvillois évoque le cas d’un pseudo-prince de Gonzague qui, invité par le président Mac-Mahon sur la foi de ses titres prestigieux, fut arrêté en sortant de l’Élysée ; un certain Mallebey condamné pour avoir usurpé le titre de comte de Bessac ; un certain Louvard qui alla passer treize mois en prison pour s’être approprié le nom de comte de Pontlevoy et s’être prétendu fils naturel du prince de Joinville ; ou bien encore, ce grand mondain qui dépensait sans compter sous les patronymes de duc de Trévise, marquis de Castel-Brano ou vicomte de Montalbo, et finit par être condamné par contumace à dix années de travaux forcés… (…)

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