Bien bien bien… Le YS Trente ans est chez l’imprimeur, je viens d’accepter le BàT du prochain Fiction, les Zombies ! arrivent lundi matin, l’intégrale Ruritanie est bientôt bouclée, le Jeury aussi, le Thévenin et le Zaccone itou… ça fait tout drôle, d’être à ce point à l’heure… Tout juste si je ne m’imaginerai pas avoir bientôt du temps libre, tiens, ça fait peur. Mais non ouf, j’ai plusieurs bouquins à écrire…
Niveau lecture, voyons voir… J’ai eu envie de relire Wizard of the Pigeons, de Megan Lindholm, un roman de fantasy urbaine que j’avais superlativement apprécié en son temps. Au point d’en avoir alors acheté une édition assez luxueuse — qui ne s’était pas vendu, d’ailleurs, car cet auteur vendait excessivement mal. Un bel hardcover à l’épaisse couverture grise (thème du roman oblige), bord des pages noir, papier gris très épais… vraiment un objet d’exception. Depuis, bien sûr, l’auteur a changé son fusil d’épaule : en ayant assez de ne rien vendre de ses très beaux romans, elle a changé de nom pour l’androgyne « Robin Hobb » et s’est mise à pondre à jet continu, cyniquement, commercialement, de la lavasse à base de lieux communs — enfin, c’est l’impression que j’en avais eu, en essayant de lire les deux premiers, sans goût ni saveur, tellement ennuyeux que je n’ai jamais été plus loin. Ça plait énormément, y compris à des lecteurs respectables et de bon goût, alors je ne sais, sans doute il y a-t-il quelque chose d’intéressant dans cette production, mais l’envie m’en a passé. Quant à ce beau roman de fantasy urbaine, il fut traduit en français chez Mnémos (sur mon conseil, puis-je me vanter), sous le titre Le Dernier magicien.
Ordoncque, je le relus. Et c’est toujours plaisant, belle histoire, belles intuitions, cette ville de Seattle (que je ne cesse de confondre avec les paysages de San Francisco que, eux, je connais) est bien rendue, le sentiment urbain, et la rudesse d’une existence SDF. Pourtant, qu’est-ce qui me manque, me demandai-je? Car pour apprécier cette relecture, je lui ai cependant trouvé un goût de trop peu… En définitive, c’est simple: pionnière dans le domaine de la fantasy urbaine, l’auteur s’est faite dépasser par l’évolution du genre. Et en particulier, selon moi, par ce qu’apporte au niveau stylistique quelqu’un comme Kate Griffin. Là où le cycle du Midnight Mayor pique la langue, entrechoque les descriptions, crépite et fuse, le style de Megan Lindholm/Robin Hobb est d’une terrible platitude : c’est le non-style issu des ateliers d’écriture type Clarion, ce laminage utilitariste de la prose qui fit des ravages outre-Atlantique dans les années 1980, une narration confondant efficacité avec absence d’aspérités. Une littérature à laquelle, pour moi, il manque une dimension.
Et puis j’ai eu envie, ayant relu pour l’YS anthologique un essai sur le sujet, de relire le cycle Titan de John Varley. Je suis donc descendu faire quelques fouilles à la cave, afin d’en extraire un incunable poche jamais retouché depuis sa parution originale. Et vous savez quoi? J’ai la même impression — en pire, je crois : zéro style, Varley n’écrit pas, il rédige. C’est lisse, sans génie, sans effet — une littérature d’ingénieur, propre et bien peigné. Pour le moment, je trouve l’intrigue suffisamment distrayante, amusante, inventive, pour poursuivre cette lecture, mais tout de même, que cette prose aseptique est pauvre, atone… Au point que je n’arrive pas toujours à me construire une image mentale des paysages ; pire même: je me surprend à me dire que cette littérature-là fait moins que le cinéma, ou que la bande dessinée ; elle est si plate qu’elle semble au bord de l’échec narratif: ça manque d’âme.