#5186

Une amie me disait à l’instant qu’elle a l’impression de manifester tous les jours ; ce n’est pas qu’une impression. Contre la réforme des retraites hier, pour le Ségur pour tous aujourd’hui (le médico-social est exclu du plan, plongeant les familles dans l’angoisse) ; et qui écoute ? Pendant ce temps, on apprend que des banques se font perquisitionner pour fraude fiscale massive (dont Natixis avec lesquels les Moutons électriques viennent d’avoir maille à partir) ; à côté de la librairie, chaque soir des poubelles flambent devant la fac… Grande lassitude…

#5185

C’est une triste réalité que je trouve désormais plus souvent quelques petites choses d’intérêt dans les « boîtes à livres » qu’en brocante ou en vide-grenier. Cette terrible attrition se vérifia encore hier matin, où je n’ai pas chiné grand-chose à la braderie judaïque à part une poignée de vieux Nancy Drew (Alice) en version originale et un joli vase fifties. Enfin, heureusement m’y suis-je rendu hier, car aujourd’hui rafales et trombes d’eau obèrent assurément toute initiative au dehors. Ce que c’est que de nous.

#5182

Du « storytelling » appliqué aussi bien à la politique qu’à la publicité à la vogue quasi universelle des séries télé, nous vivons dans une société obsédée par les « histoires » : nous voulons que l’on nous raconte, nous voulons du récit. Je n’imagine pas qu’il s’agisse là d’un phénomène nouveau, bien sûr : de même qu’avant les stars de la pop et du ciné, il y avait par exemple les poètes à succès (Lord Byron !) et les étoiles de la danse ; avant notre époque, il y avait déjà les phénomènes des romans-feuilletons, par exemple. L’anecdote des gens se pressant sur le port de New York pour attendre l’arrivée d’un bateau apportant la dernière livraison d’un feuilleton de Dickens ferait pâlir d’envie les best-sellers actuels.
 
Tout cela pour dire que, comme la plupart de mes concitoyens, je suis « accro » aux histoires. « Accro » aux récits, je veux que l’on me raconte des histoires, et tous les jours, tous les matins, tous les soirs. Dans mes lectures personnelles comme dans la production que je m’efforce de faire émerger au sein de ma propre maison d’édition, ce qui me motive, ce qui me propulse, ce qui me met en appétit comme ce qui me nourrit, ce sont les « histoires ». Et quoique d’aucuns estiment certainement que je ne lis et ne publie que des « sornettes » (comme Malicorne disait en chanter), cela ne m’empêche pas dans un même mouvement de m’interroger sur les genres, leur construction, leur évolution, leurs formes diverses (car tout de même, du feuilleton populaire à la « spéculative fiction », il y a tout un monde, ou plusieurs), leurs forces… et leurs limites, bien sûr.

#5180

… et ce soir j’écoute tonner l’orage, dans la pénombre confortable de ce cocon tissé d’obsessions qu’est ma bibliothèque. Et de repenser à cette vieille dame croisée en revenant de ma brève excursion à la manifestation de mardi. La jupe plissée noire longue jusqu’aux chevilles, les escarpins noirs, le gilet anthracite boutonné jusqu’en haut, et le bonnet d´astrakan également noir. Ce visage blême, les membres menus, la démarche lente, bien droite et le regard songeur. Intemporelle : les vieilles dames ne lui ressemblent-elles pas toutes, depuis au moins l’époque victorienne ?