Cette tradition est née il y a très, très… longtemps. Pas seulement celle de la Braderie de Lille, mais, pour ce qui m’intéresse plus précisément, la tradition dite de la « Bradocon », la réunion annuelle d’une poignée de fans de vieux bouquins et de science-fiction dans la région lilloise, afin d’effectuer quelques raids sur les brocantes du premier week-end de septembre et sur moult moules-frites. Autrefois, nous faisions cela depuis le domicile de mon vieil ami Philippe Caille (que j’ai rencontré il y a bien longtemps, par l’entremise des petites annonces du beau journal de Spirou !), depuis nous avons migré vers la ferme fortifiée du clan Debaque-Luce. Sottement, au moment où j’ai co-fondé les Moutons électriques j’ai cessé de me rendre à la Braderie… J’avais toujours une (en définitive mauvaise) excuse, d’autres choses à faire et/ou trop peu de liquidités… Étais-je bête ! Car elles m’ont manqué, la Braderie et la « Bradocon ». Après neuf ans d’absence (ça passe si vite), j’y suis retourné l’an passé, avec un plaisir aussi intense que non dissimulé. J’ai observé, un peu acheté, repris mes marques… Et cette année, ah, cette année… J’ai rapporté sur mes frêles épaules la broutille de 44 bouquins + 33 fascicules, sans doute mon (modeste) record personnel en une bonne vingtaine d’années de chinage en plat pays…
Bien entendu, je reviens plutôt fourbu — on ne dit pas assez quels efforts sont nécessaires pour la poursuite de la passion des vieux livres poussiéreux. J’ai d’ailleurs fait une sieste tout à l’heure, et tout cela n’arrange guère ma lassitude tellement chronique, mais qu’importe : incomparable est la douce euphorie du bradeux pénétrant dans une nouvelle rue, sous un beau ciel bleu, le visage caressé par une brise, avec s’étendant devant lui, de chaque côté d’une artère de Lille, de Thélus ou de Flers, à perte de vue, de sublimes tas de machins et de trucs, de brimborions futiles et de débris de la vie quotidienne, de cendriers laids et d’épouvantables faïences, au sein desquels il fouillera afin d’en extraire, triomphant, de petites perles de papier… Et si je fus en compagnie d’augustes savanturiers, pour ma part j’ai ramassé surtout des livres pour la jeunesse (dont plein d’iconographie possible pour un futur livre ovin), un peu de cape et d’épée, quelques petites bédés et de vieux polar… Quand aux moules-frites, j’en consomma assez pour tenir le reste de l’année, peut-être. Enfin, la pause du samedi midi fut l’occasion de rencontrer pour la première fois mon nouvel auteur à moi que j’ai, venu de la proche Belgique.
Ce fut bien, quoi. Merci à ceux qui me reçurent, merci aux autres amis qui étaient là.