#2501

La mémoire des goûts, comme celle des odeurs, est souvent bien plus forte et persistante que la mémoire visuelle, me semble-t-il. Plus subtile, également. Et j’en ai fait l’expérience délicieuse cette après-midi, quand je me promenais dans le Jardin botanique. On trouve dans celui-ci une zone d’espèces de petites îles surélevées, où se trouvent reconstitués des exemples de milieux naturels de la région : prairie humide, lande humide, lande sèche, forêt résineuse etc. En m’approchant de l’une d’entre elles, une puissante réminiscence me fit presque monter les larmes aux yeux : cette odeur de sable et de pins, c’est celle de mon enfance, de la propriété familiale en Bretagne, à Saint Brévin. Une douce senteur qui me paraît dire « maison », confort, souvenirs. Et puis, plus merveilleux encore, je vis que ce petit sous-bois était planté de buissons d’arbousier. Et en m’approchant j’avais noté au sol une tache d’un rouge vif : mais oui, une arbouse, bien mûre ! Je n’en avais plus jamais mangé depuis mon adolescence. Et tout soudain, ce goût : je m’en souvenais, le reconnaissais ! Merveille. Cette saveur… Oh, une autre arbouse était mûre, je la cueilli (bien que je supposant que ce soit interdit), et elle confirma à mes papilles gustatives cette texture familière et ce formidable goût d’enfance, presque bouleversants. Ma madeleine proustienne est une arbouse.

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