Je relis The Magicians de Lev Grossman, l’un des plus beaux romans de fantasy que j’ai jamais lu (mais ce n’est rien à comparer du deuxième, et j’ai hâte de lire le troisième). Et au tout début de la deuxième partie (j’en suis là), une remarque sur toutes ces vies que l’on accumule me touche par sa pertinence.
Lors de certaines étapes de notre existence, on a soudain l’impression que la période précédente est like a lifetime ago. Et selon nos vies, ces lifetime ago sont plus ou moins nombreuses. Je me souviens clairement avoir ressenti cette impression, lorsque la maison familiale en Bretagne, la Devinière, a été soudain perdue — il m’a semblé aussitôt que cet âge d’or, ce bonheur de passer nos vacances à la Devinière (dont une photo sert de bannière à ce blog), se situait déjà a lifetime ago, et pourtant j’étais encore môme. Puis lorsque j’ai été obligé de quitter Cergy-Pontoise et tout mon monde familier pour finir le lycée à Limoges, perdant ainsi mon environnement d’adolescence, mes copains, mes amis, mon premier amant et mon nouvel amant (ah mon paternel et ses fichus déménagements…). Lorsque j’ai fuit Limoges pour aller étudier à Bordeaux, là encore la page d’une lifetime ago s’est tournée, avec enthousiasme cette fois. Puis trois ans plus tard nouveau déchirement, avec l’obligation de quitter Bordeaux pour suivre mes parents à Lyon. Deux fois ensuite j’eus la tentation/opportunité de partir, mais cela ne se fit pas. Jusqu’au départ volontaire et enthousiaste: cesser d’être libraire, enfin respirer au dehors, en devenant éditeur. Ma vie de vendeur en librairie me sembla alors relever d’une vie antérieure… Et enfin, la décision de quitter Lyon que je n’aimais plus et où j’étais devenu tellement solitaire, pour retrouver Bordeaux. Et mon existence lyonnaise, les années au 245, de prendre l’aspect d’une autre page tournée, a lifetime ago.