Il y a des fleuves constants, et des fleuves inconstants. Je parle de leur teinte : une fois, faisant visiter à des amis le CAPC, le musée d’art contemporaine de Bordeaux, nous avons ri plusieurs fois. Une première fois devant les escroqueries intellectuelles usuelles d’un certain art contemporain. Une deuxième fois devant l’exposition… du mobilier du musée. Une troisième fois, enfin, devant l’explication par le designeuse de la couleur beige dudit mobilier : il s’agitait selon elle de s’accorder à la teinte de la boue de la Garonne à Bordeaux, spécifiquement échantillonnée. Jaunes, nos rires, forcément, donc ton sur ton. Ah oui, car en effet la Garonne est d’une belle couleur de boue, tellement beige que ses eaux en paraissent épaisses, et parfaitement unies, les poissons dedans doivent n’y pas voir grand-chose (je n’ose pas écrire « n’y voir goutte ») mais au moins n’y sont-ils jamais dépaysés. Tandis que le Rhône, à Lyon ! Il en voit de toutes les couleurs. Croyez-moi si vous le voulez, un crépuscule je le vis même d’un ravissant turquoise presque lumineux. Et après l’on s’étonnera que la pêche y soit interdite, on n’ose imaginer les mutations monstrueuses du poisson du Rhône, ainsi baigné dans tous les rejets chimiques du fatal et puant couloir de Feyzin.