J’évoquais les doublons de ma bibliothèque : parmi ceux-ci est un Flaubert, Par les champs et par les grèves. J’en ai deux, je pensais en avoir trois — je ne remets pas la main sur une édition complète récente, celle qui comprend également la part de Maxime Du Camp, serait-elle restée auprès de mon flaubertien d’Olivier ? Tant pis, m’en reste encore deux, dont les sommaires diffèrent légèrement par l’inclusion de tel ou tel fragment supplémentaire. Je redécouvre dans l’une d’elle que ce jeune fat, il n’avait que 19 ans, n’apprécia guère Bordeaux : « Ce qu’on appelle ordinairement un bel homme est une chose assez bête ; jusqu’à présent, j’ai peur que Bordeaux ne soit une belle ville. Larges rues, places ouvertes, beaucoup de mouchoirs sur des têtes brunes, telle est la phrase synthétique dans laquelle je la résume avant d’en savoir davantage. II me faut pour que je l’aime quelque chose de plus que son pont, que les pantalons blancs de ses commerçants, que ses rues alignées et son port qui est le type du port. II n’y fait, selon moi, ni assez chaud ni assez froid ; il n’y a rien d’incisif et d’accentué : c’est un Rouen méridional, avec une Garonne aux eaux bourbeuses. » Tss.
Je reviens assez souvent picorer dans Par les champs et par les grèves, pour le plaisir de la langue, des descriptions. Cela, par exemple : « La grève parut noire. Un carreau d’une des maisons de la ville, qui tout à l’heure brillait comme du feu, s’éteignit. Le silence redoubla; on entendait des bruits pourtant : la lame heurtait les rochers et retombait avec lourdeur ; des moucherons à longues pattes bourdonnaient à nos oreilles, disparaissant dans le tourbillonnement de leur vol diaphane, et la voix confuse des enfants qui se baignaient au pied des remparts arrivait jusqu’à nous avec des rires et des éclats. » Et encore : « La marée venait et montait vite ; les rigoles se remplissaient; dans le creux des rochers la mousse frémissait, ou, soulevée du bord des lames, elle s’envolait par flocons et sautillait en s’enfuyant. »